Sur quelques évolutions…
En cette mi-juin, mon sentiment, dont je pense qu’il est également le vôtre, est que l’actualité est riche, voire foisonnante.
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 15 juin 2015 Lecture : 4 minutes.
Mais les évolutions importantes qu’elle annonce, celles dont on reparlera dans les mois qui viennent, n’apparaissent pas clairement : elles se sont glissées sous la forme la plus anodine parmi les nouvelles qui nous assaillent jour après jour.
J’en ai sélectionné quelques-unes qui méritent, à mon avis, d’être sorties du lot.
1- L’Égypte
Ce grand pays africain connaît depuis 2014 une remontée de son taux de fertilité : 3,5 enfants par femme.
À ce rythme de croissance démographique, que l’actuel gouvernement ne fait rien pour endiguer, l’Égypte comptera 140 millions d’habitants en 2050.
Massés sur 5 % du territoire, le reste étant désertique, les Égyptiens seront trop nombreux, manqueront d’eau et ne pourront guère améliorer leur revenu annuel par habitant.
Mais, pour l’heure, le problème le plus pressant du pays est celui de sa sécurité intérieure : Abdel Fattah al-Sissi, dont les Égyptiens ont fait leur président, a pris, il y a un an, la décision fatidique de considérer la confrérie des Frères musulmans, soutenue par 10 % à 15 % de la population, comme une organisation terroriste – et l’a décapitée.
Ses nouveaux dirigeants, qui ont pris la relève des anciens, sont jeunes et résolus. Ils ont choisi la violence et viennent de l’annoncer.
Les islamistes égyptiens vont donc être en guerre ouverte avec le gouvernement, la police et l’armée de leur pays.
Ces derniers les réprimeront de plus en plus durement : l’État de droit, qui n’était plus respecté depuis plus d’un an, le sera de moins en moins.
Même si le gouvernement en sort vainqueur à l’usure, la confrontation durera des années.
Les États-Unis ont déjà commencé à réagir : ils menacent de suspendre à nouveau leur aide et finiront, tôt ou tard, par mettre leur menace à exécution ; les Européens devraient en faire de même.
Verra-t-on l’Égypte se tourner à nouveau vers ses anciens alliés, la Russie et la Chine ? Que fera l’Union africaine ? Et nous autres, pourrons-nous continuer à compter les coups sans réagir ?
2- Les pays émergents trébuchent, et les développés reprennent des couleurs.
Le graphique ci-dessous montre cette évolution. Mais elle est en réalité encore plus accentuée.
La Chine n’affiche plus que 5 % de croissance annuelle (au lieu de 10 %), le Brésil et la Russie sont (presque) à zéro, et l’on ne prévoit aucun rebond ni chez l’un ni chez l’autre ; l’Afrique subsaharienne chute à 4 %.
L’Inde est la seule à voir sa croissance progresser de 7,5 % par an !
Les pays développés remontent doucement vers 3 % de croissance annuelle, et ils ont déjà repris leur rôle traditionnel de moteur de l’activité mondiale.
Le différentiel de croissance à l’avantage des pays émergents, qui était de 4 % ou 5 %, a été ramené à 1 % ou 2 % : le rattrapage du Nord par le Sud devra donc attendre.
Le fait que les pays développés retrouvent une croissance de l’ordre de 3 % par an prouve que la mondialisation ne condamne pas le Nord développé au déclin et n’implique pas inéluctablement la suprématie du Sud.
Mais ce Sud a déjà réduit de 30 % l’écart de richesse entre le Nord et lui.
3- L’Iran sort de l’ornière. Son ministre du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh – retenez son nom – a choisi la dernière réunion semestrielle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), le 3 juin à Vienne, pour claironner à ses collègues et au monde : « Iran is back! »
C’est un peu tôt, mais l’Iran est, après l’Arabie saoudite, le pays qui pèse le plus au sein de l’Opep.
En 2014, ses exportations ont cependant reculé, à 2,5 millions de barils par jour, car elles ont été entravées par les sanctions prises par les États-Unis et l’Europe.
Anticipant son proche accord avec les États-Unis et les cinq autres grands, prévu pour les prochains jours ou prochaines semaines, l’Iran envisage d’investir 20 milliards de dollars (17,8 millions d’euros) afin de porter ses exportations d’or noir d’ici à 2020 à 5 millions de barils par jour.
Dans un message écrit, M. Zanganeh a prévenu les autres membres de l’Opep : « Soyez prêts à redonner à l’Iran une place plus grande au sein de notre organisation. » Et a dit aux journalistes : « Je suis sûr qu’ils le feront. »
Si tout se passe comme prévu, l’Iran redeviendra, à partir de 2016, un grand acteur du pétrole et du gaz. Il sera, en outre, présent dans le nucléaire civil.
4- Des armes en surabondance. Mais contre qui seront-elles utilisées ?
Ce pays compte moins de 28 millions d’habitants. Son revenu national, qui provient pour l’essentiel des exportations pétrolières, s’élève à 748 milliards de dollars. Il consacre, chaque année, plus de 10 % de ce revenu à ses armées, quand la plupart des autres pays ne dépensent pour leurs forces armées que 2 % environ de leur revenu national.
Ce pays, le quatrième du monde par son budget militaire, est l ‘Arabie saoudite : elle y a consacré 80 milliards de dollars en 2014, se classant ainsi juste derrière les États-Unis, la Chine et la Russie.
Les Émirats arabes unis, qui sont l’ombre de l’Arabie saoudite, comptent 8 millions d’habitants – dont… 80 % d’étrangers. Leur budget militaire de 2014 : 23 milliards de dollars.
Plus de 100 milliards de dollars par an sont donc dépensés par les gouvernants de quelque 30 millions d’Arabes enrichis par le pétrole et le gaz : plus de 3 500 dollars par an et par habitant, national ou étranger.
L’ennemi contre lequel se prémunissent l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis est l’Iran, un pays de 80 millions d’habitants certes, mais dont le budget militaire annuel est inférieur à 20 milliards de dollars !
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