Mines : les Sud-Africains renforcent leur présence continentale

En retard sur leurs concurrentes australiennes et canadiennes, les compagnies d’Afrique du Sud renforcent leur présence continentale. La crise qui a secoué le secteur minier du pays n’y est pas étrangère.

AngloGold est vite devenu un poids lourd de la filière aurifère en Afrique de l’Ouest grâce au rachat du ghanéen Ashanti Goldmines en 2004. Ici, la mine de Sadiola, au Mali. DR

AngloGold est vite devenu un poids lourd de la filière aurifère en Afrique de l’Ouest grâce au rachat du ghanéen Ashanti Goldmines en 2004. Ici, la mine de Sadiola, au Mali. DR

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 17 décembre 2012 Lecture : 5 minutes.

Longtemps, les groupes miniers sud-africains sont restés repliés sur eux-mêmes. « Avec l’apartheid, leur management a été maintenu à l’écart du reste du monde. Les opérations internationales étaient menées depuis Londres », raconte l’avocat Otsile Matlou, spécialisé sur les questions minières au sein du cabinet sud-africain Edward Nathan Sonnenbergs. « Dans les années 1980, quand je me rendais à des conférences minières ailleurs sur le continent, mon nom n’apparaissait même pas sur la liste des participants parce que j’étais Sud-Africain », se souvient Nielen Van Der Merwe, directeur de l’institut minier de l’université du Witwatersrand, heureux que les temps aient changé.

Les juniors basées à Johannesburg peuvent compter sur le soutien des banques chinoises.

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Avec leur longue histoire minière, les Sud-Africains sont présents depuis des décennies dans les postes d’encadrement des projets africains de multinationales comme BHP Billiton, Xstrata ou Rio Tinto. Mais, de 1994 à 2005, les sociétés sud-africaines elles-mêmes, confrontées aux challenges économiques et sociaux postapartheid, ne se sont guère risquées ailleurs en Afrique. Les multinationales et juniors australiennes et canadiennes ont été plus rapides qu’elles à lancer des projets. « Depuis cinq ans, les Sud-Africains veulent rattraper le temps perdu, et cela s’est accéléré ces derniers mois. Le fait que la Commission de l’Union africaine soit désormais présidée par une Sud-Africaine est un signal politique pour les entreprises minières du pays », note Otsile Matlou.

Les pionniers sud-africains ont d’abord été des filiales ou héritières du géant Anglo American, premier groupe minier du pays, dirigé depuis Londres : Anglo Platinum, De Beers et AngloGold Ashanti. Disposant d’actifs miniers importants, dotées de moyens financiers solides et cotées sur plusieurs Bourses (Johannesburg, mais aussi Londres et New York), ces compagnies ont été promptes à saisir les opportunités dans l’or, le diamant et le platine.

Cliquez sur l'image.Poids lourd

Ainsi, AngloGold est vite devenu un poids lourd de la filière aurifère en Afrique de l’Ouest grâce au rachat du ghanéen Ashanti Goldmines en 2004. Il est aussi bien présent côté anglophone (Ghana, Tanzanie, Namibie) que francophone (Mali, Guinée, RD Congo). Émancipé de son ancienne maison mère en 2007, le groupe basé à Johannesburg est, avec 5,1 milliards d’euros de revenus en 2011 (6,57 milliards de dollars), le premier minier du continent : « La production africaine – hors Afrique du Sud – représente déjà 35 % de notre chiffre d’affaires », indique Richard Duffy, vice-président chargé de la région. Avec l’entrée en production de deux mines en RD Congo d’ici à 2014, cette proportion devrait encore augmenter.

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De son côté, la célèbre compagnie diamantifère De Beers, entrée complètement dans le giron d’Anglo American en août, a étendu sa présence au Botswana. Le numéro un mondial du diamant y exploite le gisement de Jwaneng, le plus riche au monde, et a lancé sa mine de Damtshaa en 2003. En 2013, il transférera même à Gaborone l’ensemble de ses activités de taille (générant plus de 4,5 milliards d’euros de revenus) grâce à un accord fiscal préférentiel signé avec le gouvernement. Enfin, De Beers développe ses activités d’exploration en Angola. Quant à Anglo Platinum, il est resté très sud-africain – le pays recèle 80 % des réserves de platine du globe – mais est présent au Zimbabwe.

Cliquez sur l'image.Après la crise sociale et économique qui a touché le secteur minier sud-africain de septembre à mi-novembre, l’africanisation des compagnies du pays devrait s’accélérer. Les incidents violents de la mine de Marikana et les grèves à répétition ont entraîné, dans la plupart des groupes, une revue de portefeuille qui poussera à une plus forte internationalisation. « Dans la filière platine, les groupes n’ont, sur le long terme, guère d’autre choix que de continuer à lancer des projets en Afrique du Sud, compte tenu des réserves inégalées du pays. Les investissements reprendront dès que les cours seront repartis à la hausse. Mais dans l’or, des groupes comme AngloGold Ashanti, Gold Fields et Harmony vont préférer investir ailleurs », estime Wickus Botha, associé chargé du secteur minier chez Ernst & Young.

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Une orientation confirmée par AngloGold Ashanti, échaudé par les 293 000 onces d’or non produites à cause des grèves. « Nos nouveaux projets seront tous à l’extérieur du pays », indique Richard Duffy, qui affirme scruter les opportunités en Afrique de l’Ouest, en Égypte, en RD Congo et au Gabon. Toutefois, si l’internationalisation paraît inéluctable, les grands groupes sud-africains ne considèrent pas l’Afrique comme une priorité absolue et regardent aussi ailleurs. AngloGold Ashanti attend beaucoup de ses projets sud-américains, De Beers est au Canada, Gold Fields en Australie et au Pérou. Quant à Harmony, ses seuls projets à l’étranger sont… en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Des acteurs sud-africains de taille moyenne lorgnent toutefois d’autres pays du continent. Parmi eux, African Rainbow Minerals (ARM), de Patrice Motsepe, et Exxaro, de Sipho Nkosi. Deux compagnies bâties grâce aux politiques du Black Economic Empowerment, permettant aux Sud-Africains noirs d’obtenir des facilités pour racheter des actifs miniers. Affichant respectivement 1,5 milliard et 1,2 milliard d’euros de revenus, ils cherchent à diversifier leurs actifs. « Nous sommes présents dans le charbon et le platine en Afrique du Sud, mais nous voulons absolument développer notre filière cuivre pour avoir un portefeuille plus équilibré. Pour cela, il nous fallait aller en Zambie et en RD Congo », explique Dan Simelani, directeur général d’ARM.

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La compagnie vient ainsi de démarrer l’exploitation de la mine zambienne de Konkola North (avec le brésilien Vale) et développe le projet Kalumines en RD Congo (avec la Gécamines). Exxaro, présent dans le charbon et le zinc, est encore plus agressif dans son internationalisation : en février, il a offert 275 millions d’euros à l’australien Equatorial Resources pour prendre la majorité des parts du projet de fer African Iron, au Congo (l’offre a été acceptée en juin).

En embuscade

Des juniors basées à Johannesburg – et souvent cotées à Toronto ou Sydney – sont aussi en embuscade pour racheter des permis d’exploration en dehors de la nation Arc-en-Ciel. « Elles savent que les projets africains dans le fer, le cuivre, le charbon et la bauxite ont un bel avenir. Des compagnies comme Petmin ou Coal of Africa sont à suivre », estime Wickus Botha, d’Ernst & Young. Ces sociétés devraient trouver un soutien en Chine : « Après avoir réalisé des partenariats miniers chez nous, les banques et les sidérurgistes chinois sont prêts à financer des projets pilotés par des Sud-Africains ailleurs sur le continent », observe l’avocat Otsile Matlou, confirmant que l’isolement des miniers sud-africains appartient définitivement au passé.

Lire aussi la tribune d’Yves-Justice Djimi, avocat chez Webber Wentzel : L’Afrique francophone : allez-y, c’est le moment !

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