Environnement : adieu cités-jardins
Alors que certaines capitales, comme Rabat ou Ouaga, multiplient les aménagements paysagers, Brazzaville et Kinshasa rasent leurs espaces verts. Comment expliquer ce choix ?
Urbanisme : des villes et des hommes
C’est désespérant ! D’année en année, Kinshasa et sa toute proche voisine, Brazzaville, les capitales de deux grands pays forestiers d’Afrique centrale, voient leurs arbres se raréfier et leurs espaces verts se réduire comme peau de chagrin. Une évolution à rebours des efforts d’autres métropoles du continent comme Ouagadougou ou Rabat, qui, d’études d’urbanisme en aménagements paysagers, s’efforcent de devenir des villes vertes.
À Kinshasa, le boulevard du 30-Juin, les avenues Lumumba et Pierre-Mulele (ex-avenue du 24-Novembre) et bien d’autres artères, autrefois bordées d’allées d’arbres qui formaient de magnifiques murs végétaux, ne sont plus que de longs couloirs de béton – et de dioxyde de carbone, en raison de l’intense trafic automobile. La petite forêt d’eucalyptus dans la commune de Ndjili, qui avait notamment pour fonction de chasser les moustiques, a été coupée pour abriter un campement chinois. Plus grave, une partie du site de la pépinière de La Gombe a été vendue. Exit les cultures maraîchères, qui ont été remplacées par des immeubles. Un peu partout, les espaces libres sont accaparés par les promoteurs immobiliers. Une catastrophe. « En l’espace de vingt ans, 70 % du couvert végétal a disparu à Kinshasa, qui comptait six aires protégées. Moustiques, CO2, chaleur, pluies violentes et irrégulières, érosion : les conséquences sont catastrophiques », assure Didier Mumengi, ancien ministre de l’Information.
En l’espace de vingt ans, 70% du couvert végétal kinois a disparu.
Brazzaville n’a pas échappé à la tendance, faisant mentir au passage son surnom de « Brazza la verte ». De l’ex-ceinture verte érigée autour de la « ville blanche » par les autorités coloniales, il ne reste plus grand-chose, sinon la réserve forestière de la Patte-d’Oie, dont la superficie a diminué, ainsi que les jardins des anciennes maisons coloniales et quelques beaux arbres encore debout le long des artères du centre-ville. Dans les arrondissements du nord de la capitale, dont Ouenzé, Poto-Poto et Moungali, les arbres sont devenus rares le long des rues et dans les concessions. Un peu plus verts sont toutefois les quartiers sud.
Comme un village
Certes, la construction de logements et l’aménagement de la voirie, rendus nécessaires par l’expansion de la population, sont responsables de cette situation. Mais ils n’expliquent pas tout, car l’urbanisation s’est réalisée, après l’indépendance, sans schéma directeur ni règle. À qui la faute ? Aux populations ou aux autorités publiques qui ont fait preuve d’inconscience et d’insouciance ?
Outre le laxisme ambiant et la pauvreté, certains mettent en avant le manque de tradition urbaine. « En Afrique centrale, la ville est une création coloniale, souligne un géographe congolais. Après l’indépendance, on a organisé l’espace urbain comme on construit un village, qui est un lieu ouvert, ou une clairière, dont on a coupé tous les arbres qui rappellent la forêt et ses dangers. Mais alors que la forêt – ou, en savane, le bosquet d’arbres – encercle le village, les espaces boisés sont très éloignés des villes, sinon inexistants à des dizaines de kilomètres à la ronde. » Une analyse confirmée par la présence, dans des parcelles urbaines, d’arbres fruitiers, autre caractéristique du village dont l’existence est attribuée à certaines catégories de populations. Ainsi, à Brazzaville, on en remarque surtout dans les quartiers sud, peuplés principalement de Kongos, connus pour être des arboriculteurs. Reste qu’en ville l’arbre perçu comme un élément de qualité de vie, voire décoratif, n’est pas encore entré dans les mentalités.
Une situation qui pourrait changer avec l’aménagement de nouveaux quartiers en périphérie des villes, ou de nouvelles cités. Au nord de Brazzaville, le site de Kintélé, où sont prévus logements et infrastructures, fera la part belle aux espaces verts. Ce choix est aussi celui des autorités équato-guinéennes pour Oyala, une cité en cours de réalisation sur le territoire continental du pays : quatre coulées vertes, formées de la forêt originelle, et des zones forestières aménagées en terres de culture sont inscrites dans le schéma d’aménagement urbain.
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