Il faut réinventer la ville africaine

Alioune Badiane est directeur de la division des projets de l’ONU-Habitat.

Alioune Badiane, directeur de la division des projets de l’ONU-Habitat. DR

Alioune Badiane, directeur de la division des projets de l’ONU-Habitat. DR

Publié le 21 décembre 2012 Lecture : 3 minutes.

En 2009, l’Afrique avait dépassé le milliard d’habitants, dont 395 millions (soit près de 40 %) vivaient dans les zones urbaines. La population du continent passera à 2 milliards de personnes vers 2050. Durant les quatre prochaines décennies, les gouvernements devront se préparer à voir leur population urbaine multipliée par trois, pour atteindre 1,23 milliard de personnes (soit plus de 60 % des habitants).

L’Afrique s’urbanise à une vitesse croissante. Dans ce processus, la question de la mise en place d’un environnement socioéconomique durable et de solutions viables afin d’augmenter la productivité et de diminuer la pauvreté urbaine demeure cruciale. Cependant, la transition s’effectue à des degrés variés, non seulement parce que la population est très inégalement répartie dans l’espace à l’échelle du continent, mais surtout parce qu’il existe une grande disparité dans les taux d’urbanisation aux niveaux sous-régional et national.

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Ainsi, tandis que 52 % des Nord-Africains habitent en ville, ce taux n’est que de 24 % dans l’est du continent, de 45 % dans l’ouest et de 43 % en Afrique centrale. Quant à l’Afrique australe, elle constitue la sous-région la plus urbanisée (58,8 %).

Sur le plan national, la situation est tout aussi contrastée entre d’une part des pays plus ou moins stables d’un point de vue socioéconomique, comme l’Afrique du Sud – où de grands corridors urbains émergent autour de métropoles en expansion -, le Maroc ou le Kenya, et d’autre part ceux qui sont à la recherche d’une stabilité politique.

Cependant, quelles que soient les tendances, la transition urbaine en cours constitue un défi pour les pouvoirs publics tout autant qu’une opportunité pour les pays africains de se positionner, individuellement et collectivement, dans un monde globalisé. Pour ce faire, il leur faut réinventer la ville africaine et revaloriser son capital physique, socioéconomique et intellectuel dans la perspective d’un développement durable sur le continent.

Le défi est de réinventer la ville africaine. Et de revaloriser son capital socio-économique et intellectuel.

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Une conception répandue continue d’attribuer la croissance urbaine en Afrique – et dans le Tiers Monde en général – au simple fait des migrations « rurales-urbaines ». Mais ce flux n’explique plus à lui seul les bouleversements profonds auxquels nous assistons aujourd’hui. À côté de l’axe rural-urbain, les migrations intra-urbaines et internationales déversent de plus en plus de monde dans les rues des villes du continent. Par ailleurs, le processus dit de reclassification, qui consiste en une transformation graduelle de zones rurales en petits centres urbains, contribue aussi d’une manière significative à l’émergence de cette « Afrique des villes ».

Le plus grand défi imposé par cette transition est de transformer un mouvement créateur de pauvreté urbaine en une véritable dynamique sociale fonctionnant pour le bien-être socioéconomique de tous. En Afrique, l’urbanisation est d’abord le résultat d’une stratégie de survie. Les gens viennent en ville, s’ils n’y sont pas nés, pour tenter de sortir de la pauvreté.

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Il faut donc que les pouvoirs publics fassent preuve d’une volonté ferme et qu’ils développent une stratégie claire pour mettre en place des politiques susceptibles de favoriser une planification urbaine simple. Celle-ci devra à la fois combiner des visions de moyen et de long terme et permettre la mise en place des infrastructures nécessaires pour assurer une croissance urbaine soutenue et lutter contre la pauvreté.

Il faudra aussi des réformes économiques qui facilitent l’accès aux marchés fonciers et au capital privé national ou étranger, ainsi que des changements politiques qui favorisent une grande autonomie fiscale locale et une décentralisation effective des ressources et des responsabilités au profit des villes et de leurs citoyens. Toute solution durable à la transition urbaine en Afrique passe par une politique régionale intégrée supposant une participation active des communautés et des acteurs nationaux et locaux. 

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