Jérôme Douat, Vergnet : « Nous proposons des fermes solaires clés en main »
Après plusieurs années critiques, le groupe français Vergnet retrouve de l’élan. Pour accélérer cette renaissance, son patron mise sur l’Afrique.
Énergie : très chère électricité
Trois fois plus qu’en Asie : le consommateur africain paie en moyenne 14 cents de dollars (13 centimes d’euros) son kilowattheure, quand celui d’Asie du Sud paie seulement 4 cents. Conséquence : une famille résidant dans une grande ville d’Afrique consacre environ 30 % de ses revenus à l’énergie.
Connu à l’origine pour ses pompes à eau, le groupe français Vergnet se concentre désormais sur les projets éoliens et solaires sous l’impulsion de son PDG, Jérôme Douat. Ce changement de cap a permis à l’entreprise de surmonter ses difficultés financières, alors que ses pertes cumulées atteignaient 50 millions d’euros en 2012. Présent au Kenya, en Mauritanie ou en Éthiopie, Vergnet participe à des projets d’alimentation en électricité de villages, mais aussi de sites industriels comme les tours des réseaux de téléphonie mobile. En 2015, son patron prévoit de réaliser plus de 50 % de son chiffre d’affaires (41,5 millions d’euros en 2014) sur le continent.
Jeune Afrique : Que représente l’Afrique pour votre groupe ?
Jérôme Douat : C’est l’une de nos cibles. Nous avons des projets éoliens au Tchad et menons des actions dans le solaire en Mauritanie et au Nigeria, avec une centrale de 13 MW à Osun. Un investissement de 30 millions d’euros qui devrait être définitivement signé très bientôt. En 2014, le continent a représenté plus de 30 % de notre chiffre d’affaires. En 2015, sa part dépassera la moitié de notre activité.
En 2014, vous avez vendu pour 8 millions d’euros l’activité eau de l’entreprise sur le continent, pourtant reconnue. Pourquoi ?
D’abord pour nous recentrer sur l’énergie. Nous n’avons pas la taille nécessaire pour être un acteur multifilière avec des activités sans synergie entre elles. Ensuite pour dégager des plus-values qui nous ont servi à reconstituer les fonds propres de l’entreprise, ce qui était une obligation légale.
Vergnet était proche de la faillite il y a quelques années. Où en êtes-vous ?
Vergnet a connu des années difficiles avec des pertes extrêmement importantes, dont le cumul avoisinait les 50 millions d’euros en 2012, et ceci malgré son entrée en Bourse, puis l’arrivée du Fonds stratégique d’investissement [FSI]au capital, qui avaient marqué un apport financier important. Nous avons identifié les foyers de pertes, les risques et les points de création de valeur de l’entreprise. Notre objectif était de revenir à un résultat d’exploitation positif en 2014. Nous y sommes parvenus.
Parmi ces difficultés, il y a eu le parc éolien d’Ashegoda, en Éthiopie, l’une des réalisations phares de Vergnet. Et si c’était à refaire ?
Techniquement c’est un très beau projet, très bien réalisé. Mais lorsque l’entreprise s’est positionnée sur Ashegoda, elle ne réalisait même pas 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le projet à lui seul en cumulait 200 millions. Vergnet n’était pas armé à l’époque. Les coûts ont été sous-estimés au regard des recettes attendues. Résultat, l’entreprise a subi des pertes importantes.
Je ne souhaite pas repartir pour d’aussi grosses aventures. Nous avons dans nos cartons des projets qui varient de 20 millions à 50 millions d’euros environ. Je n’irai pas plus loin.
Historiquement au coeur de votre activité énergies renouvelables, l’éolien n’est-il pas moins adapté à l’Afrique que le solaire ?
La réponse est nuancée. Le grand éolien, c’est-à-dire des machines de plusieurs mégawatts, n’est pas adapté aux zones reculées, surtout par manque de moyens de levage. On ne peut pas lever des pièces de 50 m de haut au fin fond du Mali ou du Soudan. Nos petites éoliennes de 275 kW ont en revanche la particularité d’être rabattables [avec un système de levier], il n’y a donc pas besoin de grues pour les monter.
Le solaire est-il un axe important de votre développement ?
Clairement. Nous proposons des fermes solaires clés en main et sommes surtout spécialisés dans les applicatifs solaires, sous la marque Photalia. Nous fournissons des systèmes de réfrigération, de purification d’eau ou encore d’alimentation de tours de télécommunications qui fonctionnent à l’énergie solaire. Le chiffre d’affaires est assez faible pour l’instant, entre 3 millions et 4 millions d’euros, mais nous devrions pouvoir doubler cette activité très rapidement, dans la ligne du redressement du groupe.
L’intermittence, du fait des aléas météorologiques, des productions solaire et éolienne reste un problème. Comment y remédier ?
En effet, si le vent tombe d’un seul coup ou qu’un nuage passe, non seulement la production baisse, mais le réseau est fortement déstabilisé, notamment s’il est isolé. Nous proposons donc des solutions hybrides alliant la totale disponibilité du diesel aux bas coûts de l’énergie renouvelable. Grâce à Hybrid Wizard, notre système de pilotage en temps réel, le mix énergétique assuré est optimal, avec un maximum d’énergie renouvelable, et sans détériorer la qualité du courant. Beaucoup de nos projets ont une composante hybride, un facteur clé de différenciation vis-à-vis de nos concurrents, grâce à notre expertise dans ce domaine.
Quelles sont les particularités de l’environnement africain ?
La température, par exemple. Elle a un impact important sur les batteries, qui doivent être placées dans des lieux spécialement conçus et climatisés. Sans oublier l’harmattan, ce vent de sable qui souffle en Afrique de l’Ouest : sans nettoyage régulier, la poussière qui se dépose sur les panneaux solaires peut réduire le rendement de plus de 50 %. Ce besoin de maintenance crée des emplois sur place. Nous les avons d’ailleurs multipliés après l’enlèvement, en 2012, de notre collaborateur Francis Collomp près de Katsina, au Nigeria. Nous avons formé des techniciens et des ingénieurs nigérians afin qu’ils puissent assurer eux-mêmes la mise en service et la maintenance du site.
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