Angela Merkel et son modèle

Les réformes de structure engagées par Gerhard Schröder il y a dix ans ont considérablement accru la compétitivité des entreprises, au détriment de la justice sociale. Est-ce vraiment la panacée ?

Angela Merkel. © AFP

Angela Merkel. © AFP

Publié le 3 décembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Depuis le début de la crise de l’euro, les responsables allemands le répètent à l’envi : les pays européens ne parviendront à sortir de l’ornière qu’en se convertissant à la rigueur budgétaire et en engageant des réformes structurelles, comme eux-mêmes l’ont fait il y a dix ans. En dépit des manifestations contre l’austérité qui se multiplient un peu partout, le gouvernement d’Angela Merkel se fait de plus en plus insistant. Mais ce modèle est-il la panacée ? Et, surtout, est-il transposable ?

Au début des années 2000, la situation économique allemande n’était pas reluisante : croissance atone, 4 millions de chômeurs, déficit supérieur à 3 % du PIB… Le chancelier Gerhard Schröder, très libéral quoique social-démocrate, lança alors un train de réformes, le fameux Agenda 2010, destiné à restaurer la compétitivité économique. Il s’appuyait sur trois piliers – ou plutôt sur trois roues : assainissement des finances publiques, réduction du coût des dépenses sociales (assurance maladie, recul de l’âge de départ à la retraite, etc.) et flexibilité accrue du marché du travail.

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Parmi les mesures adoptées dans ce dernier domaine : la simplification des procédures d’embauche, l’incitation à la création d’entreprise, le recours à la formation en alternance, l’instauration de minijobs à 400 euros par mois et, surtout, la réforme de l’assurance chômage. Brutalement, la durée d’indemnisation est passée de 32 mois à 12 mois, tandis que les chômeurs étaient fermement invités à accepter tout emploi qui leur serait proposé, même mal payé ou éloigné de leur domicile, sous peine de perdre une partie de leur allocation. Désormais, au bout de un an, le travailleur privé d’emploi ne touche plus que l’aide sociale : 374 euros par mois pour une personne seule.

Au bout de un an, un travailleur privé d’emploi ne touche plus que 374 euros par mois.

Soupape

Les résultats de cette cure d’austérité sont indiscutables : le taux de chômage avoisine 7 %, et le déficit public ne représente que 0,5 % du PIB. Quant à l’excédent commercial, il pourrait progresser cette année de 10 % et atteindre 174 milliards d’euros. La possibilité de recourir au chômage partiel constitue une soupape de sécurité très utile pour les entreprises en difficulté. Du coup, celles-ci recourent moins volontiers qu’ailleurs aux plans sociaux et aux licenciements. Pourtant, l’Agenda 2010 est accusé d’avoir accru l’injustice sociale. Selon l’OCDE, un travailleur allemand sur cinq gagne moins de 10 euros de l’heure et peut être considéré comme pauvre. Beaucoup d’autres sont répertoriés comme précaires.

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Reste à savoir si le modèle allemand, pour imparfait qu’il soit, est transposable ailleurs. L’économie de ce pays repose avant tout sur les exportations, qui contribuent au PIB à hauteur de 45 %, et privilégie les produits haut de gamme que très peu de pays sont en mesure de fabriquer. La France, à l’inverse, mise davantage sur la consommation intérieure, beaucoup plus sensible aux conséquences d’une politique d’austérité, et exporte en premier lieu des produits milieu de gamme qui se trouvent directement confrontés à la concurrence des pays émergents.

« Il n’y a pas de modèle, il y a de bonnes pratiques, ce qui marche ici, ce qui marche là », a commenté Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre français, lors de sa récente visite à Berlin. Parmi les « bonnes pratiques » dont il souhaite s’inspirer figure « la qualité du dialogue social ». En Allemagne, les relations entre patronat et syndicats reposent en effet sur la concertation davantage que sur l’affrontement. Pas vraiment une spécialité française !

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