Africa CEO Forum : paroles de patrons

Ils étaient plus de 500 au rendez-vous. Au coeur de leurs discussions, entre autres : les relations complexes entre secteur privé et pouvoirs publics.

Miriem Bensalah- Chaqroun (CGEM), Matthieu Pigasse (Lazard & Co), Thierry Tanoh (Ecobank) et Henri-Claude Oyima (BGFI). © Bruno Lévy/JA

Miriem Bensalah- Chaqroun (CGEM), Matthieu Pigasse (Lazard & Co), Thierry Tanoh (Ecobank) et Henri-Claude Oyima (BGFI). © Bruno Lévy/JA

Publié le 3 décembre 2012 Lecture : 4 minutes.

« Vous, les hommes d’affaires, vous êtes trop timides : vous avez peur de parler aux gouvernements ! » Avec la franchise de ceux qui n’ont plus rien à prouver, Mo Ibrahim, le charismatique fondateur de Celtel, a titillé ses pairs dès l’ouverture de l’Africa CEO Forum, organisé par le Groupe Jeune Afrique et la Banque africaine de développement, les 20 et 21 novembre, à Genève. Pour le milliardaire anglo-soudanais, aujourd’hui à la tête d’une fondation promotrice de bonne gouvernance, les grands patrons africains doivent pousser leurs gouvernants à, entre autres, développer les infrastructures, encourager le commerce régional et favoriser l’intégration.

Le message est visiblement bien passé auprès des quelque 500 dirigeants africains issus de plus d’une trentaine de pays, qui ont débattu, en toute franchise et avec beaucoup d’enthousiasme, de leurs « bébés », de leur parcours, de leurs difficultés aussi. Le succès de ces entrepreneurs, autant francophones qu’anglophones, répond à quelques principes clés : refuser la fatalité, savoir évoluer dans un environnement souvent hostile, bien gérer, réinvestir continuellement ses profits, accepter de s’ouvrir à des partenaires extérieurs pour grandir. Ils combattent aussi les idées reçues. « La croissance africaine n’est pas le résultat des exportations de matières premières, a expliqué le banquier franco-béninois Lionel Zinsou. Elle est le fruit, à 85 %, des activités locales et de la création d’emplois. » L’Afrique n’appartient pas non plus à la Chine. « C’est un fantasme européen », a-t-il ajouté en précisant que l’arrivée des entreprises chinoises a toutefois permis de réveiller le monde entier. Le changement de perception est réel même si les conflits et l’instabilité politique continuent à véhiculer une mauvaise image du continent. Les agences de notation, elles, surestiment le risque africain. « Il faut créer notre propre agence », suggère Corneille Karekezi, président d’Africa RE (assurances).

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Dépasser les nationalismes figure aussi parmi les priorités. Sur ce point, le marocain Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa Bank, et son voisin algérien Issad Rebrab, patron du géant agroalimentaire Cevital, partagent la même vision du développement de leur entreprise. Leur croissance passe par l’ouverture de nouvelles filiales en Afrique. « La fermeture de la frontière algéro-marocaine coûte deux points de croissance à nos deux pays », a précisé El Kettani. Cela fait six ans qu’il attend un agrément pour s’implanter en Algérie…

Compétences

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À Genève, les discussions entre opérateurs économiques n’ont jamais cessé, du petit déjeuner au dîner. Des partenariats entre grands groupes sont même déjà en train de se nouer. Tewolde GebreMariam (d’Ethiopian Airlines), élu CEO de l’année, a proposé à Bob Collymore, patron de Safaricom (télécoms), de s’associer pour la vente de billets en ligne. Un mariage des compétences que les Singapouriens ont adopté depuis longtemps. « On n’a pas hésité à importer des talents et des idées de l’extérieur, a expliqué Ho Meng Kit, patron de la Singapore Business Federation. C’est une politique qui est le fruit d’une relation exemplaire entre l’État et le secteur privé. » El Kettani a approuvé : « La politique économique doit être bâtie dans la confiance et le consensus entre les opérateurs privés et les politiques, l’État ayant un rôle de régulateur, de stratège et de garant du libre jeu de la concurrence. »

Malgré la crise européenne, les sources d’espoir sont nombreuses pour les groupes africains. La croissance est actuellement forte sur le continent et le commerce interafricain, même s’il est encore faible, ne cesse de progresser. « Le moment est venu de capitaliser sur le nouvel intérêt international pour l’Afrique et de le transformer en appui financier », suggère Matthieu Pigasse, vice-président Europe de Lazard & Co, banque-conseil pour quatre des dix plus grosses opérations de fusions-acquisitions actuellement négociées dans le monde. Pour cela, les grandes entreprises familiales devront accepter de s’ouvrir. Ce que les cabinets internationaux ont parfois du mal à faire accepter à des patrons qui ont peur de lâcher une part de leurs capitaux. Pourtant, c’est le seul moyen de grandir quand les fonds propres sont limités. Diverses possibilités s’offrent aux entrepreneurs : les fonds d’investissement ou private equity, les assurances, l’introduction en Bourse. Avantage de l’arrivée de nouveaux partenaires : cela permet d’améliorer la gouvernance et la mise aux normes internationales. De quoi favoriser l’éclosion de champions africains.

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Ils sont aujourd’hui une centaine, avec une présence dans plusieurs pays et des perspectives de développement à l’international. « On pourrait en avoir trois à quatre mille dans dix ans si l’Afrique continue de se transformer, si elle favorise le développement du commerce intra-africain et si elle accroît la production de valeur ajoutée sur ses matières premières », estime Thierry Tanoh, DG du Groupe Ecobank. Vivement la prochaine édition…

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