Lettre ouverte aux candidats à la présidentielle de 2016 aux Comores
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Nassurdine Haidari
Haidari Nassurdine est président du Conseil représentatif des associations noires (Cran) de la région PACA et ancien élu PS de Marseille.
Publié le 23 juin 2015 Lecture : 3 minutes.
Mesdames, Messieurs les candidat(e)s,
L’indépendance des quatre îles comoriennes fut proclamée le 6 juillet 1975. L’espoir suscité par cette nouvelle page qui s’écrivait devant cette jeunesse en quête de fierté fut immense. Cette fierté venait de bousculer l’histoire, et le peuple comorien avait, avec la force du droit, renversé les forces obscures de l’oppression. Cet espoir venait de briser les chaînes de l’impuissance collective, et le peuple comorien avait démontré au monde sa soif de liberté et sa volonté de construire son propre chemin, dans ce grand moment des indépendances africaines.
Une génération avec des rêves plein la tête souhaitait se tourner vers l’avenir pour affronter et surmonter les plaies de l’esclavage et de la colonisation. Une génération qui, au lendemain de cette grande victoire, se voyait injustement dépossédée d’une île sœur : Mayotte. Une spoliation territoriale qui plongea l’archipel des Comores dans cette « indépendance d’occupation ».
Cette indépendance qui se négocia trop souvent dans ces petits couloirs de l’Élysée où Jacques Foccart imposait sa lecture africaine. En fait, une occupation en règle dont Bob Denard fut trop longtemps le digne dépositaire. Triste indépendance…
Toutefois, quarante ans se sont écoulés, et même si la politique pernicieuse de la France a saigné à blanc les espoirs du peuple comorien, les responsabilités doivent enfin être abordés sans concession ni pudibonderie.
Aujourd’hui la question de Mayotte est donc pleine et entière et les responsables politiques de France comme ceux des Comores, qui feignent de ne pas voir ces milliers de morts engloutis par des vagues successives de mépris et de trahison, ne peuvent plus se boucher le nez ! Ces morts n’ont plus personne pour défendre leur mémoire, ces enfants face contre mer n’ont plus personne pour prononcer leurs noms, pour se souvenir de leurs sourires entachés par la condition misérable de leur existence. Pour ces hommes et ces femmes plongés dans l’enfer de la vie, vous devez agir, prendre des mesures coercitives à l’encontre de ceux qui portent atteintes à la dignité de ces vies.
Mesdames, Messieurs les candidat(e)s,
Une nation se juge à la qualité de son éducation et que dire de cette institution qui aux Comores ne fonctionne pas. Que dire de ces enfants livrés à l’ignorance, à l’obscurantisme et à un avenir incertain. L’éducation devrait être la pierre angulaire de la reconquête de toutes les institutions comoriennes. Cette nouvelle éducation devrait considérer l’ensemble des savoirs comme constitutifs du bien national et devrait également promouvoir l’enseignement professionnel et artisanal pour créer des emplois durables dans cette économie qui cherche toujours son premier souffle. Sans oublier tous ces étudiantes et étudiants disséminées aux quatre coins de la planète sans ressource, si ce n’est les maigres économies de leurs familles. Intolérable condition…
Parmi les urgences aux Comores, la gestion de nos structures sanitaires est également une catastrophe d’État. En quarante années d’ « indépendance d’occupation » aucun hôpital digne de nom n’a réussi à fonctionner correctement. La médecine publique de proximité est inexistante. Faudrait-il rappeler à nos responsables politiques que nos politiques de santé conditionnent la survie et la pérennité du peuple comorien ? Lorsque des femmes meurent et perdent leurs enfants faute d’électricité, lorsque des pathologies s’aggravent faute d’hygiène et de personnels compétents, c’est un crime que l’on commet contre le peuple comorien et cette situation n’est plus tolérable, n’est plus acceptable !
Je sais que certains d’entre vous n’hésiteront point à prendre l’avion pour se faire soigner en dehors des frontières comoriennes, faisant valoir la prééminence de l’argent, mais pour tous ceux qui ne peuvent pas partir, c’est la maladie qui ronge ces petites vies, ces petites mains, ces corps sans force qui finissent par devenir des corps sans vie… Intolérable condition.
Mesdames, Messieurs les candidat(e)s
Quarante ans après cette « indépendance d’occupation », les Comores doivent retrouver impérativement les chemins de la prospérité économique, de l’indépendance politique, de l’autosuffisance alimentaire et de la dignité humaine. Je compte sur vous pour enfin nous parler d’une grande ambition partagée pour le peuple comorien. À voir l’état de délabrement de nos institutions de nos routes du niveau de vie du peuple, rien ne peut encore attendre !
Gouverner c’est prévoir, en ce qui nous concerne c’est aussi revoir.
Revoir de fond en comble un système dépassé, obsolète, prévoir le renouvellement d’une classe politique mal préparée aux enjeux du moment et construire un avenir commun entre l’archipel des Comores et l’ensemble de ses ressortissants. Le monde nous regarde, et vous devez être à la hauteur de ce moment-clef pour la paix, la cohésion et l’histoire du peuple comorien.
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