Chers riches, gardez vos miettes !

Le nombre croissant de millionnaires en Afrique constituerait un espoir pour les moins fortunés, si l’on en croit la « théorie du ruissellement ». Hélas, même le Fonds monétaire international bat en brèche cette utopie de la bonne conscience.

La théorie ultralibérale du ruissellement est remise en cause par le FMI., alors même que l’Afrique connaît une croissance phénoménale du nombre de millionnaires. © Damien Glez/J.A.

La théorie ultralibérale du ruissellement est remise en cause par le FMI., alors même que l’Afrique connaît une croissance phénoménale du nombre de millionnaires. © Damien Glez/J.A.

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Publié le 24 juin 2015 Lecture : 2 minutes.

« Sans les uns qui mangent du pain à table, les autres ne profiteraient pas des miettes qui tombent sur le sol ». L’image est la traduction triviale et culinaire de la théorie ultralibérale du « ruissellement » selon laquelle l’enrichissement d’une minorité profite à tous, y compris – et surtout – dans un contexte d’inégalités. Le principe est celui du plus festif des breuvages dévalant, de haut en bas, une pyramide de coupes de champagne. « Chouette ! », peuvent alors s’écrier les Africains aspirants smicards, au moment ils apprennent que de nouveaux et rares privilégiés accèdent à une fortune qui laisse présager un peu de miel sur les miettes…

Selon l’African 2015 Wealth Report (AWR) du cabinet de recherche britannique New World Wealth (NWW), le continent dit « noir » aurait même de quoi être le champion de l’écoulement des richesses le long de la pyramide sociale ; notamment dans certains pays comme l’Afrique du Sud ou l’Égypte, mais aussi le Mozambique, la Côte d’Ivoire ou la Zambie. De fait, l’Afrique enregistre actuellement la plus forte croissance au monde en matière de nombre d’individus fortunés. Au cours des 14 dernières années, le nombre de particuliers possédant au moins un million de dollars à investir aurait augmenté de 145% sur le continent. Pourtant, à l’échelle mondiale, et sur la même période des 14 dernières années, cette donnée n’aurait progressé « que » de 73%. En Afrique, elle devrait encore augmenter de 45% en moins de 10 ans. En valeur absolue, 161 000 résidents africains détiendrait une fortune cumulée de 660 milliards de dollars.

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L’enrichissement des riches nocif pour le PIB

Mais voilà, le concept de ruissellement ne ruisselle guère plus dans les esprits des théoriciens de la finance, y compris du présumé ultralibéral Fonds monétaire international. Le 1er juin, l’institution pilotée par Christine Lagarde publiait l’étude intitulée « Causes et conséquences de l’inégalité de revenus ». Longtemps convaincu que les baisses d’impôts des riches favorisaient l’épargne et donc les investissements et donc la croissance, le Fonds semble découvrir, aujourd’hui, que l’enrichissement des plus fortunés est, au contraire, nocif pour la progression du Produit intérieur brut.

Conscient, comme l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), que les inégalités se sont creusées sans impact vertueux, le rapport du FMI indique qu’une augmentation de 1 % des 20 % les plus aisés aurait pour effet plus ou moins direct une amputation de 0,08 point de la croissance dans les cinq années qui suivent. À l’inverse, c’est bien une hausse de 1 % des revenus les plus faibles qui permettrait à la croissance de progresser de 0,38 point sur cette période identique.

À chacun son petit pain et les miettes seront bien gardées…

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