Le commerce équitable peine à s’imposer
Créé pour aider les producteurs du Sud, ce système leur confère plus de poids dans les négociations et leur donne accès aux marchés internationaux. Pourtant, il est encore loin de se généraliser.
Vingt ans après son introduction sur le continent, le commerce équitable reste marginal. Comme dans le reste du monde d’ailleurs. L’an dernier, les ventes totales de produits labellisés équitables ont certes progressé de près de 12 %, pour atteindre 4,9 milliards d’euros, mais elles ne pèsent encore qu’un peu plus de 1 % des échanges commerciaux à l’échelle de la planète. Cela n’empêche pas certains produits certifiés de connaître quelques succès significatifs sur des marchés bien précis. Ainsi les bananes, dont les ventes représentent 55 % des ventes totales en Suisse, ou le sucre, qui constitue près de la moitié des volumes consommés en Grande-Bretagne.
Entré par l’est de l’Afrique, le concept s’est étendu au reste du continent. Les premières coopératives certifiées ont vu le jour en 2011 en Afrique du Nord autour de producteurs marocains et tunisiens de produits de niche comme l’huile d’argan et les fruits, pendant que le label FairTrade/Max Havelaar lançait en 2005 au Burkina Faso, au Mali, au Sénégal et au Cameroun la filière coton équitable, qui regroupe actuellement 40 000 agriculteurs, pour une production de 12 000 tonnes par an, soit 1,8 % des volumes exportés par ces pays.
Des résultats encourageants selon les associations de solidarité internationale, même si le commerce équitable n’est toujours pas le facteur de développement déterminant pour les pays du Sud qu’avaient imaginé ses initiateurs. « Nous nous inscrivons dans une démarche de progrès sur le long terme », insiste Valeria Rodriguez, porte-parole de l’association Max Havelaar en France. Créé pour soutenir les petits producteurs du Sud, le système doit composer avec la réalité, « où une majorité de paysans vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté, sans disposer des outils nécessaires à la commercialisation de leurs produits ou des informations indispensables à la compréhension des marchés et à la définition des prix », reprend la représentante du mouvement international. L’essentiel semble être ailleurs pour les producteurs et ouvriers agricoles, notamment sur le continent où la filière équitable en compte 720 000, regroupés dans 253 organisations certifiées, réparties dans 28 pays. « Pour nous le plus important reste le renforcement de notre pouvoir de négociation face aux acheteurs, ainsi que la mise en place de standards de production nous permettant d’avoir un meilleur accès aux marchés internationaux », souligne Chief Adam Tampuri, président du réseau Fairtrade Africa.
Sans oublier bien sûr les retombées financières pour la filière équitable, qui a encaissé 134 millions d’euros sur le continent en 2011, complétés par les 14 millions d’euros versés aux communautés de producteurs, au titre de la prime au développement – une somme incluse dans le prix payé par les acheteurs et destinée à être investie dans des projets socioéconomiques. Max Havelaar estime à 25 % minimum ces revenus supplémentaires versés chaque année aux producteurs de coton équitable, pendant qu’Adam Tampuri annonce « une augmentation de 15 % grâce aux prix garantis par le système ».
Depuis que, quatre ans plus tôt, lui et ses 800 collègues du nord du Ghana sont passés sous certification, le producteur de noix de cajou et de beurre de karité fait jouer la concurrence et se concentre « sur les acheteurs qui payent le mieux », venus d’Inde le plus souvent. Comme d’autres pays anglophones (Tanzanie, Kenya…), le Ghana est aux avant-postes du commerce équitable. « Appuyée par le gouvernement, la filière cacao a pris le virage dès 1996, avec un millier de producteurs », rappelle Adam Tampuri. Ils seraient maintenant près de 50 000 à bénéficier des systèmes équitables de production, de commercialisation et de crédit, avec un certain succès puisque le secteur permet à son pays d’engranger, avec le Kenya, plus de 60 % des primes au développement versées chaque année à l’Afrique.
Crédibilité
Sur le continent, cette manne sert surtout à améliorer les services sociaux de base, « alors qu’en Amérique latine et en Asie, elle aide les coopératives à investir dans leur appareil de production et à s’engager dans la transformation locale », précise Valeria Rodriguez. Pour que l’agriculture africaine puisse prendre cette direction, la représentante de Max Havelaar estime « qu’il faut doper la consommation dans les pays du Nord ». Les groupes agroalimentaires mondiaux ont un rôle essentiel à jouer, surtout depuis qu’ils reconnaissent la crédibilité du commerce équitable, « et pas seulement pour des questions d’image », veut croire Valeria Rodriguez. Cadbury et Mars s’approvisionnent déjà auprès des producteurs agréés, et Ben & Jerry’s a terminé en début d’année la certification des parfums de ses crèmes glacées.
Bien qu’anecdotiques, les flux Sud-Sud se développent vers l’Inde ou le Brésil, alors que, sur le continent, « seule l’Afrique du Sud fait vraiment figure de marché », assure Adam Tampuri. Le pays a acheté pour 7,3 millions d’euros de produits équitables en 2011, en hausse de 300 %, pour s’installer parmi les vingt premiers consommateurs de la planète, en majorité des pays d’Europe et d’Amérique du Nord.
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