RD Congo : jeu de cartes

À l’instar des autres provinces de la RD Congo, le Katanga se trouve actuellement mobilisé par deux événements majeurs qui, l’un et l’autre, suscitent des inquiétudes : les préparatifs des élections générales et le découpage du territoire national.

Lubumbashi est la deuxième ville de RDC. © Gwenn Dubourthoumieu/J.A.

Lubumbashi est la deuxième ville de RDC. © Gwenn Dubourthoumieu/J.A.

balthazar ngoy kimpulwa
  • Balthazar Ngoy Kimpulwa

    Balthazar Ngoy Kimpulwa est chef du département des sciences politiques et administratives de l’université de Lubumbashi.

Publié le 30 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

Le square George-Forrest, à Lubumbashi (statue de l’artiste lushois Daddy Tshikaya) © Gwenn Dubourthoumieu/J.A.
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Bye-bye Katanga

Le nouveau découpage de la RD Congo en 26 provinces devrait bientôt entrer en vigueur. Il prévoit notamment une division de la région du Katanga en quatre « provincettes » : Tanganyika et Haut-Lomami au nord, Lualaba et Haut-Katanga au sud. Plongée au coeur de cette grande province qui ne sera bientôt plus.

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Sans vouloir minimiser la question électorale, attardons-nous sur celle du découpage, dont l’application intervient neuf ans après son adoption par le constituant congolais.

Curieusement, pendant tout ce temps, aucune initiative ni même la moindre intention de mettre en œuvre cette réforme n’a été envisagée. Aucune étude de faisabilité n’a été réalisée. Aucune action préparatoire des infrastructures d’accueil des nouvelles provinces n’a été posée. Pire, les ressources financières censées accompagner ces dernières n’ont pas été inscrites au budget 2015. Ce qui, pour parler sans ambages, revient à dire que ce chantier a été lancé dans l’impréparation la plus manifeste, sinon dans la précipitation.

Pesanteurs politiciennes

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Certes, la volonté de redimensionner les territoires demeure en soi louable et positive, ne serait-ce que pour rendre tangible la présence de l’administration sur l’ensemble d’un espace quasi ingouverné comme l’est de la RD Congo. Ainsi, au Katanga, il existe nombre de collectivités rurales non regroupées (donc, en clair, non administrées), comme dans le territoire de Bukama, à 400 km au nord de Lubumbashi. Quoi de plus normal que de vouloir rapprocher ces petites collectivités d’institutions et administrations provinciales de proximité pour qu’elles soient effectivement prises en charge ?

Cependant, les pesanteurs politiciennes entament inévitablement l’efficacité d’une telle réforme en tant qu’action essentiellement administrative. C’est ce qui a en grande partie expliqué l’échec de l’expérience de 1961 en la matière, chaque acteur politique voulant, par exemple, faire de son village un chef-lieu ou rattacher des ressources potentielles du sous-sol à sa province. Hier comme aujourd’hui, cette situation divise certaines communautés et alimente les germes de futures tensions sociales au sein de plusieurs provinces filles du Katanga.

L’engagement de ce chantier au cours d’une année électorale peut  laisser supposer d’autres objectifs

La présence de forces négatives comme les Bakata Katanga [indépendantistes katangais], la remise en question du découpage territorial et le rejet par certains leaders politiques katangais de tout projet d’amendement des dispositions constitutionnelles verrouillées figurent parmi les motivations politiques qui ont conduit l’État à précipiter la mise en application du démembrement du Katanga. Le hasard n’ayant pas de crédit en politique, l’engagement de ce chantier justement au cours d’une année électorale peut aussi laisser supposer d’autres objectifs. Dans ce pays, plus d’une réforme administrative et territoriale s’opère pour atténuer ou absorber des tensions politiques qui menacent l’intégrité nationale.

Ainsi, les sécessions du Katanga et du Sud-Kasaï ont en partie justifié la réforme territoriale de 1961. Et l’on considère que les guerres du Shaba, sous Mobutu, ont motivé les réformes entamées en 1977, avec, en point d’orgue, le redimensionnement de quelques provinces. Il y eut une première expérience avec le Kivu, en 1988. C’est le tour, entre autres, du Katanga aujourd’hui. Dans ce contexte, il y a lieu de se demander si l’empressement manifesté autour de cette question ne vise pas à calmer les agitations, qui, souvent en Afrique, caractérisent les périodes électorales.

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Ce qu’il faut retenir, en définitive, c’est que réitérer une expérience malheureuse ne constitue pas un péché, mais que ne pas prendre en considération ses leçons, c’est faire preuve d’immaturité politique. Ne dit-on pas que les mêmes causes engendrent les mêmes effets ? Le succès de cette entreprise demeure donc lié à plusieurs paramètres, dont les plus déterminants restent l’effective autonomie de gestion et l’affectation régulière, suffisante et adéquate des ressources nécessaires aux collectivités. Et, sur ces points, Kinshasa n’offre encore aucune garantie.

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