Charleston Burning

En ce mois de juin, neuf nègres qui priaient paisiblement leur Dieu dans une église de Charleston, aux États-Unis, ont été abattus.

Un lâcher de colombes lors des obsèques d’Ethel Lance, l’une des neuf victimes du massacre perpétré dans une église de Charleston. © AFP

Un lâcher de colombes lors des obsèques d’Ethel Lance, l’une des neuf victimes du massacre perpétré dans une église de Charleston. © AFP

ProfilAuteur_TshitengeLubabu
  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 1 juillet 2015 Lecture : 2 minutes.

L’auteur de ce massacre, un jeune homme blanc, a tué de sang-froid, pour reprendre le titre d’un livre de l’écrivain américain Truman Capote. L’assassin avait reçu de son père, le jour de son anniversaire, un étrange cadeau : l’arme du crime. Son mobile ? La haine des nègres à un degré plus que primaire, comme en sont capables ceux de son espèce. En plus, le crétin faisait l’apologie de l’apartheid sans savoir ce qu’était cette barbarie blanche.

Que les États-Unis d’Amérique, première puissance mondiale, soient foncièrement, maladivement racistes, je n’en doute point. Depuis l’époque de l’esclavage, une partie de l’Amérique blanche, qui domine le pays, est convaincue d’une chose : le Noir est une création du diable. Si Dieu, à en croire la Bible, a créé l’homme à son image, pourquoi le diable, son ange déchu, selon les chrétiens, devait s’en priver ? Le Noir, sorti de la cuisse de Lucifer, n’est donc pas l’égal du Blanc, sorti, lui, de celle du « Très-Haut ». Mais que faut-il faire face à cette évidence américaine ? L’exterminer. Cela a échoué pendant la dure époque de l’esclavage et durant toutes les années honteuses de la ségrégation, qui se poursuit. Le Noir est là, hantant les nuits du stupide raciste blanc.

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En 1988, au xxè siècle, j’avais bénéficié d’une bourse pour aller étudier la langue de Goethe en Allemagne. Et je me suis retrouvé en Bavière, à Prien am Chiemsee, une petite localité à 70 km de Munich. J’ai eu à partager un appartement avec un jeune Américain blanc, grand et gras, sans doute nourri aux hamburgers. À côté de cette montagne, j’avais l’air d’un fétu de paille avec ma maigreur de clou. Ce jeune homme a eu la lumineuse idée d’informer ses parents que son colocataire était… noir, africain, zaïrois. Son père, professeur de son état, a vu rouge. Et il a adressé au fiston une lettre dont je n’ai pas oublié l’essentiel, une vingtaine d’années plus tard : « Fais attention à toi, fiston ! Ton voisin n’est rien d’autre qu’un Pygmée de la forêt équatoriale. Il est porteur de maladies incurables qu’il peut te transmettre si tu t’approches de lui. Surtout, tu devrais éviter de dire certaines choses en sa présence… »

Pour ce brave professeur américain blanc, je n’étais rien d’autre qu’un dangereux produit de la forêt, couvert de microbes. J’étais un affreux sauvage. Le tueur de Charleston n’est pas différent de ses semblables, qui s’étranglent de rage en pensant que la « suprématie blanche » est menacée par des sous-hommes du genre nègres et compagnie. Mais a-t-il bien lu sa bible, qui, réaliste, a décrété que les premiers seront les derniers ? Quand il fait l’apologie de l’apartheid, ce monstrueux crime contre l’humanité, sait-il que les Afrikaners n’ont pas quitté l’Afrique du Sud en masse pour s’établir aux États-Unis, « pays des Blancs », quand leur système s’est effondré ? Que Ian Smith, qui avait suivi l’exemple des Afrikaners et instauré la même ségrégation en Rhodésie du Sud, a fini sa vie comme député à l’Assemblée nationale du Zimbabwe ? Quant à moi, je demande une seule chose à mes ancêtres : qu’ils veillent sur moi pour que mon cœur reste pur face à ces hommes de haine pour qui je n’ai point de haine.

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