Législatives au Burundi : la crédibilité du scrutin mise en cause
Malgré une large réprobation internationale et le boycott de l’opposition qui a dénoncé une « parodie d’élections », les autorités burundaises ont organisé lundi des élections législatives et communales sous haute tension, se flattant d’une mobilisation « massive » pourtant peu visible dans la capitale.
Les scrutins législatifs et communaux ont bien eu lieu ce lundi 29 juin au Burundi mais « pour nous, il n’y a pas d’élections aujourd’hui », résumait dans la journée Pacifique Nininahazwe, un des leaders de la société civile et de la contestation contre le troisième mandat que Pierre Nkurunziza entend briguer à la présidentielle du 15 juillet.
En fin de journée, à l’heure où les derniers bureaux de vote fermaient et commençaient le dépouillement, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) s’est dit incapable de donner une estimation de la participation, qui ne sera sans doute pas disponible avant mardi, et a annoncé que les résultats seraient connus d’ici trois à quatre jours. Son porte-parole, Prosper Ntahorwamiye, a toutefois affirmé lundi soir à Jeune Afrique que les scrutins se sont tenus dans le calme et que le taux de participation avoisinerait les 100 % à l’intérieur du pays.
La victoire annoncée du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, ne sera reconnue ni par l’opposition burundaise, ni par la communauté internationale, qui a dénoncé le climat pré-électoral délétère et demandé un report des élections, y compris de la présidentielle. Charles Nditije, l’un des leaders de l’opposition politique, a fustigé « une parodie d’élections, un scrutin inique sans aucune crédibilité ». Il a dénoncé des fraudes massives, affirmant que des électeurs avaient pu voter sans carte d’identité, et que « dans la plupart des bureaux, il n’y a pas eu d’observateurs électoraux ».
Fait rarissime, l’Union africaine a elle renoncé à déployer ses observateurs dans les bureaux de vote.
L’entourage de Nkurunziza « très satisfait »
L’Union européenne et la Belgique, ex-puissance colonisatrice et partenaire-clé du pays, ont déploré la tenue de ces élections, estimant qu’elles étaient susceptibles d’envenimer la crise actuelle. Fait rarissime, l’Union africaine a elle renoncé à déployer ses observateurs dans les bureaux de vote. L’ONU, de son côté, a accepté d’observer les élections de lundi, soulignant toutefois que cela ne cautionnait en rien le processus.
Fidèle à sa ligne de conduite ces derniers jours, le pouvoir est resté sourd aux pressions. Le principal conseiller en communication de Pierre Nkurunziza, par ailleurs chef de campagne du parti au pouvoir, Willy Nyamitwe, s’est dit « très satisfait ». « On a vu que le peuple a répondu massivement et très tôt aux élections, il a soif de s’exprimer », a-t-il assuré.
Quelque 3,8 millions d’électeurs avaient été appelés à élire 100 députés, auxquels s’ajouteront trois députés de l’ethnie twa, ultra-minoritaire, et d’autres candidats cooptés sur les listes si les quotas prévus par la Constitution à l’Assemblée nationale – 60% de Hutus (85% de la population), 40% de Tutsis (15% de la population) et 30% de femmes – ne sont pas assurés.
Participation contrastée
En début d’après-midi, la participation tournait entre 5 et 10% dans des centres de vote de quartiers de Bujumbura anti-Nkurunziza, mais était bien plus élevée dans celui de Kamenge (40%), fief présidentiel. Insécurité, manifestants barrant la route aux électeurs ou respect du boycott, les raisons étaient multiples de cette mobilisation mitigée. À Bujumbura, plusieurs quartiers contestataires ont de nouveau été le théâtre de tirs nourris et d’explosions de grenades dans la nuit de dimanche à lundi. « Les manifestants ont fermé les routes pour nous bloquer, mais nous sommes allés chercher des policiers pour nous accompagner », a raconté Annick Niyonkuru, une électrice du quartier de Musaga, un fief de la contestation.
En province, où s’est rendu un journaliste de l’AFP, le centre de vote de la commune de Bururi (sud), résolument anti-Nkurunziza, affichait une participation d’environ 10% à la mi-journée. Mais dans la province de Gitega, où le CNDD-FDD contrôle en grande partie les zones rurales, la mobilisation atteignait en début d’après-midi 70% dans les bureaux de vote de la commune de Karemba. « C’était important de voter aujourd’hui, ça a déjà été reporté deux fois », a estimé Jean Népomcène, un menuisier de 38 ans, l’un des rares électeurs acceptant de parler.
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