Burundi : six morts à Bujumbura, la version officielle mise en doute
Les explications divergeaient mercredi sur la mort d’au moins six personnes dans un fief de l’opposition au président Pierre Nkurunziza, alors que le Burundi attend toujours le résultat d’élections controversées.
Au moins six personnes ont été tuées mercredi 1er juin par balles dans le quartier de Cibitoke, en périphérie de la capitale Bujumbura, dans des conditions troubles. Si la police affirme avoir été engagée dans des combats avec un « groupe armé » qui ont fait un mort dans ses rangs, plusieurs témoins font état d’exécutions sommaires. Ce nouvel incident vient alourdir un peu plus le climat délétère actuel au Burundi, où les résultats des élections législatives et communales de lundi, boycottées par l’opposition, sont toujours attendus.
Selon la police, l’incident a commencé mercredi matin par l’explosion d’une grenade, lancée contre des policiers qui patrouillaient dans le quartier de Cibitoke, foyer des manifestations déclenchées fin avril par la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat à la présidentielle, prévue le 15 juillet.
Les victimes tuées de balles dans la tête
L’explosion a été immédiatement suivie d’un « ratissage » du quartier par les forces de sécurité qui se sont alors heurtées à un groupe « lourdement armé », ont-elles affirmé. La police a ajouté que « cinq assaillants » avaient été tués, que le groupe, selon elle composé d’opposants politiques radicalisés, avait été « neutralisé » en début d’après-midi et que des armes – fusil d’assaut, lance-roquettes RPG et grenades – avaient été saisies.
Mais un journaliste de l’AFP qui a pu se rendre sur place en fin d’après-midi – le quartier est longtemps resté bouclé – a vu non pas cinq mais six cadavres de civils allongés sur le sol. Et des témoins interrogés ont donné une toute autre version des faits, loin de la thèse du « groupe armé ». Selon eux, la police cherchait l’un des leaders des manifestations dans une maison du quartier et a demandé à ses occupants d’en sortir. Toujours d’après eux, elle leur a alors tiré dessus alors qu’ils sortaient « les bras en l’air ».
Parmi les victimes, tuées de balles dans la tête, figurent un agent de change d’une soixantaine d’années plutôt connu pour ses positions pacifiques, ainsi que ses deux fils de 17 et 18 ans, tous les trois tués d’une balle dans la tête. Ces violences surviennent alors que le pays attend d’un jour à l’autre les résultats des scrutins de lundi, boycottés par l’opposition, décriés par la communauté internationale et tenus quasiment sans aucun observateur électoral.
Tension extrême et vitres pare-balles
Les élections avaient déjà donné lieu toute la semaine dernière à un regain de violences : des attaques à la grenade à Bujumbura et en province avaient fait cinq morts et des dizaines de blessés. Mardi, l’opposition a encore fustigé la « mascarade électorale », affirmé qu’elle ne reconnaîtrait ni « les résultats », ni « les institutions qui en seront issues » et demandé à la communauté internationale d’en faire autant.
Pierre Nkurunziza a répliqué en lui demandant de « respecter l’indépendance » du pays. Mercredi, pour le 53ème anniversaire de l’indépendance du Burundi, sous tutelle belge jusqu’en 1962, le chef de l’État a assisté sous très haute protection à un défilé militaire et civil dans un stade de Bujumbura. Dans ce défilé, soldats et policiers étaient moins nombreux que d’ordinaire, les autorités ne voulant pas toucher au dispositif sécuritaire déployé dans le pays. Signe de l’extrême tension, la tribune présidentielle était pour la première fois entourée de vitres pare-balles.
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