Tibhirine : selon l’autopsie, les moines auraient été décapités après leur mort

Selon l’expertise judiciaire française, le meurtre des religieux, revendiqué le 21 mai 1996 dans un communiqué attribué au Groupe islamique armé (GIA) algérien, pourrait avoir eu lieu un mois plus tôt. La thèse d’une décapitation post-mortem est privilégiée.

Les moines de Tibhirine, assassinés en mai 1996. © AFP/DR

Les moines de Tibhirine, assassinés en mai 1996. © AFP/DR

Publié le 2 juillet 2015 Lecture : 4 minutes.

Les auteurs d’un communiqué signé du Groupe islamique armé (GIA), rendu public le 23 mai 1996 et daté du 21, avaient revendiqué les assassinats et affirmé avoir envoyé, le 30 avril 1996, un messager à l’ambassade de France pour confirmer que les sept moines de Tibhirine étaient toujours vivants, ainsi qu’une lettre qui précisait la façon de négocier.

Des éléments troublants

la suite après cette publicité

Ces dates ne concordent pas avec l’expertise dont les résultats ont été présentés jeudi 2 juillet aux familles par le juge antiterroriste français Marc Trévidic. « L’hypothèse d’un décès entre le 25 et le 27 avril 1996, tel qu’il est évoqué dans une pièce de procédure, apparaît vraisemblable », selon les conclusions de cette expertise datée de lundi.

Autre élément troublant qui renforce la thèse d’une manipulation pour masquer les causes de la mort des religieux : « les résultats des examens des têtes des moines plaident en faveur d’une décapitation post mortem », selon l’expertise. Celle-ci estime que les têtes, retrouvées au bord d’une route le 30 mai 1996, ont sans doute été exhumées pour être de nouveau enterrées.

« Les éléments botaniques et la présence de terre différente de celle du cimetière de Tibhirine observés dans et sur les crânes sont en faveur d’une première inhumation », dit l’expertise.

La thèse d’une bavure de l’armée algérienne fragilisée

la suite après cette publicité

« En l’absence des corps qui n’ont jamais été retrouvés, la cause des décès ne peut pas être affirmée, mettent toutefois en garde les experts. Il est retrouvé des lésions évocatrices d’égorgement chez trois d’entre eux, égorgement suffisant pour être à l’origine directe de la mort », notent-ils aussi.

En revanche, les têtes ne présentent pas de traces de balles, ce qui fragilise la thèse d’une bavure de l’armée algérienne qui aurait tué par erreur les moines en tirant depuis un hélicoptère sur un bivouac jihadiste. Cette thèse avait été mise en avant en juin 2009 par le général François Buchwalter, attaché militaire à l’ambassade de France au moment de la mort des sept religieux.

la suite après cette publicité

Devant le juge d’instruction, Buchwalter rapporte le témoignage d’un officier de l’armée algérienne dont le frère pilote a participé à une opération de ratissage dans les lieux où ont été séquestrés les moines. Au cours de cette opération, l’aviation algérienne aurait tiré par erreur sur le campement en tuant au passage les otages français. Cette thèse est donc aujourd’hui battue en brèche par les experts sans être totalement éliminée.

De même, les quatre experts, qui s’étaient rendus en Algérie en octobre avec le juge Trévidic pour exhumer les têtes des moines, n’ont pas relevé « de lésions pouvant correspondre à des coups portés directement par objet contondant. Mais, là encore, en raison de l’absence des corps, il n’est pas possible de dire s’il y a eu […] des mauvais traitements, coups ou tortures ».

Les experts regrettent que les autorités algériennes ne les aient pas laissés ramener les prélèvements faits sur place : « La transmission et l’exploitation des prélèvements réalisés lors de l’exhumation sont hautement souhaitables », estiment-ils. Les autorités algériennes ont refusé que les échantillons prélevés sur les têtes des religieux soient acheminés en France pour y être expertisés. Tout comme elle avaient refusé que les autopsies des crânes, enterrés dans le monastère de Tibhirine, soient conduites par les Français dont l’expertise est pourtant reconnue à l’échelle internationale. Ce sont donc des militaires algériens qui ont procédé aux analyses en collaboration tout de même avec les quatre experts qui ont accompagnés le juge Trévedic à Alger et à Médéa.

Les sept moines trappistes ont été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, vers 1 heure du matin, par un commando d’une vingtaine d’hommes armés au  Tibhirine, près de Médéa, à 80 kilomètres au sud-ouest d’Alger. Le Groupe islamique armé (GIA) a annoncé, dans un communiqué daté du 21 mai, avoir exécuté les otages dont les têtes, sans corps, ont été retrouvé le 30 mai, au bord du route.

Depuis, Alger s’en tient à cette version officielle qui veut que les sept religieux aient été enlevés puis décapités par le GIA, dirigé à l’époque par Djamel Zitouni.

Lors d’un point de presse tenu ce jeudi en présence des familles et des proches des sept moines, l’avocat Patrick Baudoin demande une fois de plus aux autorités algériennes de coopérer dans cette affaire qui empoisonne encore les relations entre Paris et Alger près de vingt ans après les faits.  « Il faut que les Algériens cessent de faire obstruction, dit l’avocat. Il faut que les experts français puissent disposer des prélèvements qui sont restés en Algérie pour déterminer la date exacte de l’assassinat des moines. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires