Algérie : le développement rural enfin en marche ?
Désertées pendant la décennie noire, les campagnes, montagnes et oasis se repeuplent et gagnent une certaine douceur de vivre à mesure que la production agricole redécolle.
Les mutations que vit l’Algérie ne concernent pas uniquement les grands centres urbains, avec leurs tours de bureaux, leurs cités-dortoirs, leurs échangeurs et leurs centres commerciaux. La campagne, la montagne et les oasis connaissent, elles aussi, un développement et des changements sans précédent.
Quatre ans après son lancement par le président Abdelaziz Bouteflika à Biskra, pôle agricole au coeur du Sahara, en février 2009, le programme de renouveau rural a donné des résultats inespérés. Sur le littoral comme sur les Hauts Plateaux, dans les vallées comme dans les piémonts, les villages et hameaux ont changé de visage. Désenclavés par de nouvelles infrastructures routières, ils disposent désormais des services de base : assainissement, accès à l’électricité et à l’eau potable (pour 80 % de la population rurale), réseaux de téléphonie mobile, etc.
Particulièrement exposé lors de la « décennie GIA » – formule désignant les années 1990, quand sévissaient les insurrections barbares et destructrices des Groupes islamiques armés -, le monde rural s’était totalement dévitalisé. Ses populations l’avaient déserté pour grossir les bidonvilles des grandes agglomérations, mieux protégées des assauts des GIA. Les terres agricoles avaient été mises en jachère…
Projets
Aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’un mauvais souvenir. Preuve du retour à la terre, 400 000 logements ruraux ont été réalisés et distribués. « Aujourd’hui, confirme fièrement Ahmed, ingénieur agronome dans une exploitation de la région céréalière de Tiaret [au nord, dans l’Atlas tellien, NDLR], un Algérien sur trois vit à la campagne. Cela représente 12 millions de personnes, dont une bonne moitié est revenue à la terre depuis la Réconciliation nationale [amnistie accordée en 2006 aux maquisards islamistes qui ont renoncé à la lutte armée]. En l’espèce, il ne s’agissait pas uniquement de réconcilier les gens entre eux, mais aussi de les réconcilier avec leur terroir. »
Comment des territoires sinistrés, dépeuplés et délaissés ont-ils pu renaître en l’espace de quelques années ? Rachid Benaïssa, ministre de l’Agriculture et du Développement rural, estime que l’attrait retrouvé de la terre est le fruit d’un programme de « diagnostic participatif », élaboré à la suite d’un processus entamé en 2005. « Notre philosophie partait du principe qu’il n’y avait pas de territoires sans avenir, mais des territoires sans projets, explique-t-il. Nous avons donc décidé de créer les conditions optimales pour accompagner les porteurs de projets intégrés de développement rural. »
Près de quatre ans de concertation plus tard, les résultats sont là. « Nous avons revivifié les structures sociales préexistantes, les jamaa [comités de village], en consolidant la démocratie et la gouvernance locales. En les associant à l’élaboration du programme aux côtés d’experts et de scientifiques nous avons aussi obtenu la meilleure identification possible des spécificités locales grâce à leur parfaite connaissance des territoires », poursuit Rachid Benaïssa.
Outre les territoires, les filières de production découvrent elles aussi une nouvelle organisation avec l’émergence de conseils interprofessionnels. Des contrats de performance ont été élaborés, ainsi qu’une politique d’émulation. C’est ainsi qu’est né le Club 50. Rien à voir avec la génération des années 1960, puisqu’il s’agit du cercle des céréaliculteurs algériens produisant plus de 50 quintaux à l’hectare sur une campagne agricole (la moyenne nationale tournant autour de 15 quintaux…). « Le 13 octobre, nous avons accueilli le 173e membre de ce club, raconte Rachid Benaïssa. Il n’y a ni prime ni cadeau, mais je peux vous assurer que l’émulation est là. Une véritable compétition s’est instaurée entre les régions. Et gloire à celle qui atteint des pics de production à 80 quintaux l’hectare. »
Mécanisation
En marge de la mise en oeuvre du programme de renouveau rural, le président Abdelaziz Bouteflika a consolidé le socle juridique de la terre en faisant promulguer une loi d’orientation agricole et une autre loi sur le foncier. « Les forces conservatrices promettaient la guerre civile si l’on touchait au statut de la terre, témoigne Rachid Benaïssa. Non seulement il n’en a rien été, mais les résultats obtenus vont au-delà de toutes nos espérances. Pour la première fois depuis l’indépendance, nous n’importons plus nos semences, qu’il s’agisse de céréales ou de pommes de terre. Le rythme de mécanisation des exploitations agricoles est si rapide qu’à l’occasion du moindre salon sur les nouveaux équipements tout le matériel exposé est vendu dès la première matinée. »
L’engouement n’est pas feint. L’État ne fait pas semblant non plus de subventionner la production agricole. Ainsi, le Fonds du renouveau agricole est doté annuellement de 60 milliards de dinars (plus de 581,5 millions d’euros). En comptant les autres sources de financement (pour les programmes des collectivités locales, l’électrification rurale, les infrastructures, etc.), on obtient 300 milliards de dinars par an. Un excellent investissement puisque la valeur de la production agricole de la campagne 2011-2012 atteint 2 211,3 milliards de dinars.
Ce qui a permis au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, d’annoncer le 17 octobre, lors de la présentation de son plan d’action devant le Conseil de la nation (Sénat), que « la production agricole nationale couvre désormais 72 % des besoins du marché local », alors qu’elle n’en couvrait qu’un quart il y a moins de cinq ans. Conséquence directe : une réduction de la facture alimentaire de l’ordre de 11 % par rapport à 2011, passée à 2,1 milliards de dollars au 30 septembre 2012. Le rural est l’avenir de l’Algérie.
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