L’Algérie aidera-t-elle un jour ses entrepreneurs ?
Méandres administratifs, pléthore de contraintes freinant toute initiative, taxes et traques en tous genres… La défiance de l’État à l’égard du privé continue de bloquer le développement des PME.
La cause semble entendue : l’Algérie ne parvient pas à sortir du « tout-pétrole ». Elle demeurera une économie rentière tirant 36 % de sa richesse des hydrocarbures. Elle ne créera ni le million de PME qu’elle ambitionne de voir éclore d’ici à 2015 ni les millions d’emplois nécessaires pour réduire le taux de chômage de sa jeunesse, que le Fonds monétaire international (FMI) estime à 20 %.
Son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a bien peu de chances de voir se réaliser son voeu d’une croissance à deux chiffres : l’économie algérienne devrait rester abonnée à une progression inférieure à 5 % par an. Pourquoi ? En grande partie parce que les dirigeants du pays ont une peur viscérale de l’entreprise privée.
La bureaucratie algérienne est adossée à des piles de textes qui se contredisent et entravent l’activité économique. Prenons le rapport « Doing Business » 2013 publié par la Banque mondiale mardi 23 octobre. Il dit qu’il faut 25 jours pour créer une entreprise en Algérie, alors que 12 suffisent au Maroc et 11 en Tunisie. En moyenne, on obtient un permis de construire en 281 jours en Algérie, contre 97 jours au Maroc et 88 jours en Tunisie. On se raccorde au réseau électrique en 159 jours en Algérie, en 62 jours au Maroc et en 65 jours en Tunisie.
On trouve l’Algérie parmi les pays les plus compliqués du monde dans le domaine de l’obtention de prêts, du droit social ou des procédures de faillite. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’elle soit 152e sur 185 pays classés selon la facilité d’y faire des affaires par la Banque mondiale.
Peur des responsabilités
Un exemple d’aberration : pour pouvoir payer une marchandise importée, un entrepreneur doit obtenir de la douane un document certifiant la validité de la transaction. Cette pièce autorise la banque à débloquer le paiement de l’importation.
Mais les douanes ne délivrent pas toujours le document original en temps utile et les banques demandent un « second original » que certains inspecteurs des finances estiment illégal, même s’il est identique au « premier original ».
Ils transmettent l’affaire au procureur qui a souvent peur d’être mal vu et qui poursuit. Parfois, le juge condamne. Et parfois non. Comme les peines peuvent être astronomiques (jusqu’à 1 milliard de dollars – 772,7 millions d’euros – pour une banque et de deux à cinq ans de prison), l’affaire remonte aux ministres, qui se taisent de peur d’être jugés complices d’une possible fraude à l’importation. C’est ainsi qu’un cafouillage administratif débouche sur un déni de justice.
Désormais, les entrepreneurs savent qu’ils peuvent se retrouver au tribunal pour une broutille et qu’ils feront l’objet d’un contrôle fiscal s’ils ont froissé un apparatchik.
Il est aussi symptomatique que l’Algérie ait inventé pour les patrons d’entreprises publiques un délit de mauvaise gestion, même s’ils n’ont enfreint aucune loi. Partout, un dirigeant médiocre peut être remercié. En Algérie, il passe en justice. De quoi inciter à la passivité la plus totale – la meilleure façon de ne pas se tromper étant de ne rien faire !
La peur rôde donc, au point que bien des administrations ne répondent plus aux questions posées par les chefs d’entreprise : les fonctionnaires redoutent que leurs écrits ne soient utilisés contre eux. La paralysie générale n’est pas loin.
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Algérie : la Cour des comptes fustige le gouvernement
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Peur de l’étranger
« Hors hydrocarbures, je ne vois pas de gros investissements étrangers arriver en Algérie, constate Mehdi Haroun, avocat associé du cabinet Herbert Smith. Des accords de franchise, oui, mais les investissements significatifs, non. La règle qui interdit aux investisseurs étrangers de détenir plus de 49 % des capitaux d’une entreprise algérienne est rédhibitoire [dispositions de la loi de finances complémentaire de 2009, NDLR]. Comment voulez-vous qu’un entrepreneur qui apporte des millions d’euros accepte de ne pas en contrôler l’usage ? »
Les patrons savent qu’ils peuvent se retrouver au tribunal pour une broutille.
Le cercle vicieux du protectionnisme se referme sur les Algériens. Les entreprises internationales les emploieraient volontiers en priorité, mais comme ils ne parlent souvent que l’arabe, leur embauche pour des postes en contact avec l’étranger est impossible. Ce qui renforce leur préjugé selon lequel les entreprises venues d’outre-mer sont des prédatrices.
Les Algériens ont les compétences pour faire jeu égal avec les autres nations. Pour qu’ils puissent en tirer parti, encore faudrait-il que disparaissent les blocages économiques, financiers, psychologiques, réglementaires et politiques qui interdisent à leurs entreprises de se développer.
Et ce n’est pas en allégeant la fiscalité des entreprises pétrolières étrangères, comme cela vient d’être décidé pour reprendre les recherches dans son sous-sol, que l’Algérie sortira de son apathie.
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