Africa CEO Forum : le capitalisme africain monte en gamme
Mines et pétrole continuent à dominer le panorama du capitalisme africain. Mais de nouveaux secteurs se développent. Ils génèrent de l’emploi et de la valeur ajoutée.
Certaines choses ne changent pas dans le monde des affaires africain. En 2012 comme en 2000, la compagnie pétrolière algérienne Sonatrach domine – et de loin – le classement des 500 premières entreprises du continent réalisé par Jeune Afrique. Au fil des années, sa suprématie s’est même accentuée : le chiffre d’affaires du mastodonte public représente aujourd’hui 8,5 % des revenus des 500 plus grands groupes africains, contre environ 6 % lors de la première édition du palmarès, en 2000. En quelques mots, tout est dit : au cours de ces années, malgré les incantations et les espoirs, le capitalisme africain n’est resté fait que d’or noir et de mines.
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Sombre tableau, triste réalité ? Pas si sûr. À l’époque, ni MTN, ni Vodacom, ni Maroc Télécom, ni les filiales africaines de Celtel (aujourd’hui Airtel) ou de France Télécom-Orange ne pointaient le bout de leur nez. Elles sont toutes aujourd’hui dans le premier tiers du classement des grandes entreprises du continent, au point que les télécoms ont détrôné les mines comme deuxième secteur d’activité en Afrique.
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Pour un capitalisme responsable
La croissance d’une classe moyenne consommatrice a contribué à accélérer la diversification sectorielle au-delà des ressources naturelles et du négoce. Selon la Banque africaine de développement (BAD), plus de 300 millions de personnes peuvent aujourd’hui être considérées comme faisant partie de cette catégorie. Certains groupes du continent, comme Dangote, en ont profité pour passer en quelques années du métier d’importateur pur à celui de fabricant local et distributeur de produits de consommation (pâtes, ciment, sucre)… D’autres devraient naître demain en profitant de l’émergence annoncée de nouveaux secteurs : la santé, l’éducation, le logement, la grande distribution, entre autres. Les investisseurs internationaux, de leur côté, commencent doucement à envisager le continent autrement que sous l’angle du cocktail mines et pétrole.
Professionnalisation
Plus qu’une simple évolution sectorielle, c’est une nouvelle culture managériale qui pourrait ainsi s’imposer peu à peu avec l’avènement des télécoms. Reléguant intrigues, corruption, collusion, opacité un peu plus loin dans le manuel du manageur africain. « Il y a une tendance nette à la professionnalisation avec des manageurs plus jeunes et venus de la diaspora », constate Sofiane Lahmar, associé au sein du capital-investisseur panafricain Development Partners International (DPI), qui est entré au capital de plusieurs grandes entreprises du continent. Davantage spécialiste des PME, le financier Jean-Marc Savi de Tové n’est pas aussi optimiste : « Il n’y a pas de culture entrepreneuriale, pas assez de gouvernance, de vision stratégique, surtout en Afrique francophone, explique le directeur associé de Cauris Management, une société ouest-africaine de capital-investissement. Les dirigeants préfèrent être président que directeur général opérationnel, cela veut tout dire. »
À moyen terme, la montée en puissance d’un secteur financier professionnalisé encourage l’amélioration des pratiques de gestion : les banquiers, en se montrant de plus en plus sélectifs quant à l’octroi de crédits, tirent les chefs d’entreprise vers le haut ; les capital-investisseurs, en jouant leurs rôles d’actionnaires actifs, poussent les valeurs de bonne gouvernance et de transparence financière.
solid; border-color: #000000; margin: 3px; float: left;" height="218" width="300" />Levées de fonds
Malheureusement, de ce côté-là aussi, le chemin à parcourir en Afrique reste immense. Certes, l’activité de capital-investissement, inexistante ou presque il y a dix ans, a explosé ces dernières années et on ne trouve plus guère aujourd’hui de grands investisseurs internationaux qui ne regardent avec intérêt le continent. En 2011, selon l’association professionnelle Empea, 1,3 milliard de dollars (1 milliard d’euros) ont été levés pour l’Afrique subsaharienne, contre 340 millions en 2004. Toutefois, en valeur relative, la région reste encore marginale : les levées de fonds pour le sud du Sahara représentent un peu plus de 3 % des montants destinés à l’ensemble du monde émergent, contre 5,2 % en 2004… Les Bourses africaines, elles, n’ont pas connu l’explosion attendue. Et si leur capitalisation totale a été multipliée par quatre en dix ans, l’Afrique du Sud en représente toujours plus des trois quarts.
Pour les entreprises africaines, ce sont autant de possibilités de renforcement de leurs capitaux propres, et donc de financement de leur croissance, qui se sont ainsi envolées. La montée d’un capitalisme africain réel doit désormais se faire au-delà des conseils d’administration et des directions opérationnelles des grandes entreprises. Dès aujourd’hui, ce sont les PME qui ont besoin d’un véritable choc capitalistique.
Exemples à suivre
Singapour, Corée du Sud, Géorgie, Malaisie, Taïwan, Thaïlande, Estonie, Macédoine, Lituanie… Leur point commun : ces nations émergentes affichant de robustes taux de croissance économique figurent parmi les 30 premiers pays (sur 185) au classement « Doing Business » 2013 de la Banque mondiale. Seule présence africaine dans ce haut de tableau : Maurice (19e). Parmi les bons élèves, un sort du lot. La Géorgie était à la 100e place en 2006 – il fallait alors vingt et un jours pour y créer une entreprise. Elle est à présent en 9e position – deux jours suffisent pour se lancer dans les affaires, et en deux ans, il est possible de résoudre un cas de cessation de paiement. Résultat : le pays parvient à maintenir un taux de croissance de plus de 6 % en 2012, malgré la récession qui touche une bonne partie de l’Europe. À titre de comparaison, en Centrafrique (dernier du classement 2013), il faut vingt-deux jours pour créer son entreprise et près de cinq ans pour clore un dossier d’insolvabilité. CQFD. Philippe Perdrix
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