Ibrahima Guimba-Saidou : « Hors des villes, le satellite est le plus efficace des moyens de transmission »

Le groupe européen SES mise sur les marchés émergents pour poursuivre sa croissance. En Afrique, le développement d’internet constitue l’une de ses principales opportunités, malgré la concurrence de la fibre optique.

Ibrahima Guimba-Saidou, vice président de SES chargé des ventes en Afrique. © SES

Ibrahima Guimba-Saidou, vice président de SES chargé des ventes en Afrique. © SES

Julien_Clemencot

Publié le 26 novembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Deuxième opérateur satellitaire mondial, SES est très bien implanté sur les marchés européens et américains. Un peu moins en Afrique, où tout de même un quart des abonnés aux offres de télévision payantes par satellite utilisent ses services. Les télécoms constituent l’autre pilier du développement du groupe européen sur le continent. Nommé vice-président Afrique en début d’année, le Nigérien Ibrahima Guimba-Saidou affirme que, contrairement aux idées reçues, l’arrivée des câbles sous-marins offre de nouvelles opportunités à l’industrie du satellite.

Jeune Afrique : D’ici à 2014, SES a prévu de lancer quatre satellites capables de servir le continent. Quel est le montant investi pour l’Afrique ?

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Ibrahima Guimba-Saidou : Difficile à dire. Quand on fait des investissements, ce n’est pas sur une zone donnée, car un satellite peut couvrir plusieurs régions du monde. Chaque engin coûte environ 250 millions d’euros. L’objectif de SES est de consacrer, d’ici à 2015, 55 % de la capacité de ses satellites aux marchés émergents. En Afrique comme en Amérique latine ou en Asie, notre chiffre d’affaires connaît une croissance à deux chiffres.

Votre principal concurrent, Intelsat, est plus présent que vous sur les marchés émergents. Pourquoi ?

L’explication est historique. Intelsat est à l’origine une organisation intergouvernementale [dont la privatisation a été finalisée en 2005, NDLR]. Pendant longtemps, tous les pays membres de l’ONU étaient aussi membres de cette coopérative et bénéficiaient de ses services. De notre côté, nous étions au démarrage surtout présents en Europe.

Notre objectif est de consacrer 55% de notre capacité aux marchés émergents d’ici à 2015.

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En dehors de la diffusion de chaînes de télévision, la fourniture de services télécoms reste votre principal marché sur le continent…

Certainement. Malgré le boom des opérateurs depuis dix ans, le taux de pénétration du mobile reste faible. Il y a encore une tranche de la population non servie dans des zones à faible densité. C’est là que le satellite est plus efficace que les autres moyens de transmission.

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L’arrivée des câbles sous-marins reliant le continent à l’Europe ne signe donc pas la fin du satellite ?

Absolument pas. Ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que les câbles sous-marins et les réseaux en fibre optique ne desservent que des zones à forte population. Dans certains pays, plus de la moitié des habitants vivent dans des zones non urbaines ; ce marché reste à conquérir. Par ailleurs, l’arrivée des câbles crée aussi des besoins. Quand on apporte le haut débit, cela induit naturellement la fourniture de nouveaux services [comme l’accès à des contenus en ligne]. Il y a ensuite la nécessité d’apporter ces mêmes services dans des zones non couvertes par la fibre.

Dans les zones rurales, les populations ont un pouvoir d’achat limité. Peuvent-elles payer le prix du satellite ?

Les gens ont tendance à penser que le satellite est cher, mais ce n’est pas forcément vrai. Les tarifs de gros ont été divisés par cinq en trois ans. Dans les zones éloignées, on peut trouver des modèles économiques adaptés, par exemple avec des systèmes de prépaiement ou en partageant une connexion sur tout un village, en combinant le satellite avec un réseau sans fil.

Cliquez sur l'image.Les pouvoirs publics ont-ils un rôle à jouer pour développer l’attractivité des solutions satellitaires ?

Dans certains pays, les frais de licence et les taxes rendent le service inaccessible. Les autorités pensent que le satellite est un luxe et ne mesurent pas l’impact que la généralisation de l’accès à internet pourrait avoir sur l’économie. Cependant, les choses évoluent petit à petit. Des pays comme le Nigeria, où même les zones les plus reculées sont connectées, montrent l’intérêt de politiques plus ouvertes.

L’avenir du satellite, ce n’est pas seulement d’offrir de la capacité, mais aussi des services associés…

Pour les utilisateurs, le mode de transmission importe peu. Si nous nous contentons de délivrer de la bande passante, nous ne sommes pas acteur du marché. Avec le concours de nos partenaires, nous pouvons créer des offres qui permettent par exemple de fournir, en plus d’internet, des contenus locaux [musique, services gouvernementaux, contenus académiques, etc.] ou, dans une zone non couverte, de donner un accès à un réseau GSM.

SES est aussi largement impliqué dans le projet O3B, initié par Google…

Nous sommes actionnaire du projet à 40 % [l’investissement est estimé à 60 millions d’euros]. O3B signifie Other 3 billion [les trois autres milliards] en référence à la population mondiale qui risque de ne pas avoir de connexion internet. L’idée est d’apporter avec des satellites en orbite moyenne le haut débit à un coût similaire à la fibre. Huit engins vont être lancés en 2013, et la flotte va être ensuite graduellement augmentée.

Ne vont-ils pas concurrencer les satellites SES ?

Non, ils sont complémentaires. Les satellites O3B offrent du très haut débit alors que nous apportons des débits moins importants. O3B pourra par exemple permettre d’étendre les services 4G [très haut débit], soit pour anticiper l’arrivée de la fibre optique, soit pour sécuriser le service en cas de coupure.

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