Malgré les crises, la bière garde la cote

Lois antialcool, ramadan en plein été, pouvoir d’achat en baisse… En dépit d’un contexte défavorable, les brasseurs continuent d’engranger les profits et de voir le continent comme un marché prometteur.

Au Kenya, East African Breweries a été pénalisé par la mise en application d’un Alcoholic Drinks Control Act. © ThomasMukoya_Reuters

Au Kenya, East African Breweries a été pénalisé par la mise en application d’un Alcoholic Drinks Control Act. © ThomasMukoya_Reuters

ProfilAuteur_FredMaury ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 12 novembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Crises politiques, soubresauts économiques, aléas conjoncturels… Les brasseurs africains ne sont pas à la fête. Au Maghreb, le secteur a été touché par la période du ramadan, qui tombe, depuis deux ans et pour trois ans encore, pendant l’été, saison habituelle de pic des ventes. Les Brasseries du Maroc (groupe Castel) en ont subi les effets : le cours de la société à la Bourse de Casablanca a ainsi chuté de 9,2 % depuis le début de l’année. Les ventes au Maroc ont aussi connu le contrecoup d’une hausse de 50 % des taxes sur l’alcool, poussant le brasseur à revoir ses tarifs dès le 1er janvier 2010.

« Les Marocains « boivent » un certain budget, et non une quantité. Si le prix augmente, ils réduisent leur consommation », note Widad Wardi, analyste chez Integra Bourse. Il ajoute : « Le gouvernement islamiste va poursuivre son lobbying pour taxer les alcools. Cela peut être un frein durable au retour aux niveaux d’avant, lequel pourrait prendre encore deux années. »

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Cette lutte croissante contre l’alcool gagne de plus en plus de pays, et le Kenya n’a pas été épargné. « Depuis 2009, la demande de bière a souffert de diverses décisions prises par Nairobi pour contrôler la consommation d’alcool, explique Andy Gboka, analyste chez Exotix. L’augmentation des droits, la mise en oeuvre du Alcoholic Drinks Control Act [fin 2010, NDLR] et les difficultés économiques du pays ont fait reculer les ventes de bière d’EABL [East African Breweries, le leader du marché] bien en dessous de leurs niveaux historiques. »

L’arrivée prochaine du français Pernod Ricard annonce une rude bataille.

Au Nigeria aussi, la croissance du marché a fortement ralenti ces derniers mois, affectée par l’accélération de l’inflation et la baisse des subventions sur l’essence, qui ont réduit le pouvoir d’achat des habitants.

Reste que, malgré les pressions croissantes sur les marges, les brasseurs africains restent très rentables. Le géant néerlandais Heineken réalise ainsi 12 % de ses ventes en Afrique et au Moyen-Orient… et 21 % de ses marges. La situation oligopolistique du secteur n’y est sans doute pas pour rien : quatre groupes (Diageo, Heineken, BGI-Castel et SAB Miller) réalisent 80 % des ventes de bière en Afrique.

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Impôt

Castel contrôle notamment la Société de fabrication des boissons de Tunisie (SFBT), en quasi situation de monopole dans son pays avec 85 % des ventes de bière. Au premier semestre 2012, ses résultats ont continué de progresser, pour atteindre 24,2 millions d’euros, contre 23 millions un an plus tôt, malgré un impôt équivalant aux trois quarts du prix de la bouteille. Le cabinet d’analyse financière AlphaMena s’emballe même dans sa dernière note de novembre : il souligne une « incroyable solidité malgré la crise », estimant un potentiel de croissance du titre de 54,3 %.

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La Société de limonaderies et brasseries d’Afrique (Solibra), une autre filiale du groupe Castel, elle aussi en position dominante, a également plus que brillamment résisté à la crise du début de l’année 2011, en clôturant l’année sur une hausse de ses ventes et de ses profits. Au premier semestre 2012, son bénéfice net a bondi de 50 %, pour atteindre 12,6 millions d’euros. Solibra a même lancé un programme d’investissement afin d’étendre ses capacités et a inauguré, le 26 septembre, une nouvelle ligne d’embouteillage à Bouaflé.

Capable de résister aux pires tempêtes, le secteur poursuit donc son offensive sur un continent où l’essentiel du marché reste à conquérir. « Les Africains consomment de l’alcool à peu près au même niveau que le reste du monde, soulignait il y a quelques mois l’agence Moody’s. Toutefois, en raison de revenus généralement plus faibles, il y a une lourde dépendance aux boissons faites maison, qui ne sont pas commercialisées. SAB Miller estime que ce marché informel pourrait représenter 70 % du marché africain. » L’objectif des brasseurs est donc désormais de développer des bières réalisées à base d’ingrédients locaux et moins chères que les bières classiques.Cliquez sur l'image

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Une autre carte à jouer réside dans la montée en gamme, pour séduire les populations plus aisées. Sur ce créneau, les filiales de Diageo (EABL ou Guinness Nigeria) sont en position de force, la Guinness, une bière noire haut de gamme, étant très appréciée. Mais l’ambition est d’aller un cran plus haut en dopant les ventes d’alcool premium, encore très marginales en Afrique. « La forte poussée des marques de spiritueux devrait continuer à alimenter la « premiumisation » des activités d’EABL, analyse Andy Gboka. Ce segment peut agir comme une garantie contre la pression sur les marges à laquelle EABL pourrait être confronté sur le créneau des bières. »

L’arrivée annoncée en Afrique du français Pernod Ricard, l’un des leaders mondiaux des spiritueux, souligne l’intérêt pour ce nouveau marché et la prochaine bataille qui s’annonce. Diageo contrôle en effet près de 45 % des ventes premium en Afrique.

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