RDC – Vital Kamerhe : « Joseph Kabila veut nous tendre un piège »
Fin juin, Joseph Kabila a précisé l’ordre du jour du nouveau dialogue qu’il préconise pour décrisper le climat politique en RDC. Pas suffisant pour convaincre Vital Kamerhe, l’un des leaders de l’opposition congolaise. Interview.
C’est une fin de non recevoir que Vital Kamerhe, président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), a réservé à la main tendue de Joseph Kabila, le chef de l’État congolais. Ce dernier a initié depuis quelques semaines une série de consultations dans la perspective de la tenue d’un nouveau dialogue avec les forces sociales et politiques du pays.
Cet éventuel forum de plus – après les « concertations nationales » de 2013 – doit être « mené sans ingérence étrangère, avec un nombre limité de participants et pour une durée relativement courte », a précisé fin juin Kabila dans son message à la nation, à l’occasion de la commémoration du 55e anniversaire de l’indépendance du pays. Le tout dans le but de « sauvegarder (…) la paix, la stabilité et l’unité » de la RDC, a déclaré le président, espérant qu’« interpellés par ces nobles objectifs, quand viendra ce moment historique, les forces politiques et sociales de notre pays, dans leur diversité, y compris ceux qui hésitent encore, répondront présent » au nouveau dialogue proposé.
Dans le camp de ceux qui boudent ce rendez-vous, on retrouve entre autres Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale. Membre de la Dynamique pour l’unité d’action de l’opposition, qui a réaffirmé le 6 juin son « refus » de participer au dialogue avec Kabila, Vital Kamerhe en explique les raisons à Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Quatre points principaux ont été retenus par Joseph Kabila pour lancer le nouveau dialogue : le calendrier électoral, le financement du processus électoral, la sécurisation de ce processus et la participation aux scrutins des citoyens récemment parvenus à la majorité. Qu’est-ce qui ne vous satisfait pas dans ces points retenus à l’ordre du jour ?
Vital Kamerhe : Si l’on se réfère à la Constitution en vigueur en RDC, ces quatre matières retenues par le président de la République sont des prérogatives exclusives de la Ceni. Autrement dit, si nous suivons Joseph Kabila dans sa démarche, nous allons l’accompagner dans la violation de la Loi fondamentale de notre pays et nous allons entamer l’indépendance de la Ceni. Voilà pourquoi je ne participerai pas au dialogue tel que préconisé par le chef de l’État.
Que Joseph Kabila laisse les parties prenantes aux élections se rencontrer au sein de la Ceni
En revanche, nous considérons que le dialogue doit se faire au sein d’une tripartite formée par la Ceni, des représentants de l’opposition et de la majorité. D’autant que Joseph Kabila n’est pas candidat à la présidentielle de 2016. Qu’il se retire donc du dialogue puisqu’il n’est pas concerné et laisse les parties prenantes aux élections se rencontrer avec la Ceni pour consolider le système électoral.
Dans son message à la nation le 29 juin pourtant, Joseph Kabila n’a rien laissé transparaître sur ses intentions politiques après son second mandat. Même si, en l’état actuel de la Constitution de la RDC, il ne peut pas se représenter en 2016…
C’est très clair : Joseph Kabila, avec ses spécialistes, veut nous tendre un piège. Mais c’est un piège d’amateurs puisque nous savons où il veut nous amener. Kabila est resté en effet constant dans sa détermination d’opérer le « glissement » du calendrier électoral [ne pas organiser les élections dans les délais constitutionnels, ndlr].
N’est-ce pas là un procès d’intention à l’endroit du président de la République, comme l’estime son entourage ?
Pour couper court au procès d’intention, le président béninois Boni Yayi est sorti de sa cachette pour annoncer solennellement qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Et qu’il allait garantir une alternance apaisée au Bénin pour que le meilleur l’emporte. Voilà un grand homme !
Pour le cas Kabila, je prie le bon Dieu pour que ce soit également un procès d’intention. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Mais ces signaux qu’on nous envoie – « concertations nationales » en 2013 et 2014 assorties de recommandations non appliquées, consultations, nouveau dialogue à quelques mois de la fin du deuxième et dernier mandat – ressemblent bien à des stratagèmes pour ne pas organiser les élections dans les délais. Comme ce fut le cas avec la tentative avortée de réviser la Constitution mais aussi celle consistant à lier la tenue des élections à l’organisation du recensement.
Nous tenons à rassurer Joseph Kabila : il y a une vie après la présidence de la République
Aujourd’hui, le pouvoir préconise le dialogue parce qu’il sait que les politiciens congolais raffolent des postes ministériels. Et en échange de ces derniers, une transition sera instaurée au grand dam de la population congolaise. Nous nous opposons donc à ces manœuvres. Nous n’entrerons pas dans un quelconque gouvernement. Mais nous tenons à rassurer Joseph Kabila : il y a une vie après la présidence de la République et nous ne lui promettons pas l’enfer. La RDC a besoin d’avoir aussi son premier ancien président en vie.
N’est-il pas républicain d’aller le lui dire en face lors des consultations qu’il organise au Palais de la nation ?
[Rires] Moi, j’ai préféré écouter le peuple. Pendant que les autres sont allés perdre leur temps au Palais de la nation [palais présidentiel où Joseph Kabila consulte ces dernières semaines les forces sociales et politiques de la RDC, ndlr], j’ai choisi de me concerter directement avec le peuple.
En plus, je connais le président Joseph Kabila mieux que tout le monde. Il y a plus d’un an, j’avais déjà averti qu’il ne servait à rien de réclamer le dialogue avec quelqu’un qui manifestement n’en voulait pas. Je respecte toutefois le choix de ceux qui se sont rendus au Palais de la nation mais le temps nous donnera raison. Tous ceux qui accepteront d’aller à ce nouveau dialogue avec Kabila en sortiront déçus.
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