Y a-t-il des jihadistes européens en Afrique ?
Le Kenya a récemment brandi la menace de combattants européens, susceptibles de rentrer « dans leur pays d’origine afin d’y poursuivre leurs brutales activités ». Y a-t-il beaucoup d’Européens qui rejoignent les rangs des shebab et des autres groupes terroristes africains, à l’image de ceux de l’État islamique ?
Des jihadistes européens présents sur les fronts africains menaceraient-ils l’Europe ? Fin juin, le vice-président kényan, William Ruto, lançait un avertissement en ce sens.
« Des combattants étrangers, dont certains européens, sont sur le terrain dans la Corne de l’Afrique », prévenait-il, sans fournir de chiffres pour quantifier cette présence. « S’ils échappent à nos forces de sécurité, ils retourneront dans leur pays d’origine afin d’y poursuivre leurs brutales activités », avait ajouté Ruto.
De qui parle le vice-président kényan ?
À l’origine de cette mise en garde du Kenya se trouve la présence avérée d’un jihadiste britannique parmi un groupe de shebab tués lors d’une attaque contre une base militaire kényane, le 15 juin. Identifié comme Thomas Evans, ce jeune homme de 25 ans, originaire du Buckinghamshire, au nord-ouest de Londres, avait, selon la presse britannique, rejoint les shebab en 2011. Si sa mort était confirmée par des examens ADN, Thomas Evans deviendrait le premier Britannique jihadiste tué au Kenya.
Mais il ne serait pas le seul combattant européen aux côté des shebab. Dans une vidéo vraisemblablement tournée par Thomas Evans en compagnie de camarades combattants, les autorités kényanes ont identifié un autre Européen, cette fois-ci allemand : Andreas Martin Muller. Un homme bien connu de Nairobi, puisque sa tête a déjà été mise à prix à plus de 90 000 euros par la police kényane.
D’où viennent ces jihadistes et combien sont-ils ?
« Il y a toujours eu des jihadistes occidentaux chez les shebab, ça ne date pas d’aujourd’hui », explique à Jeune Afrique Lemine Ould M. Salem, auteur de l’ouvrage Le Ben Laden du Sahara : sur les traces du jihadiste Mokhtar Belmokhtar. Une présence toutefois marginale, précise le journaliste.
Ce que confirme Roland Marchal, spécialiste des conflits dans les pays de la Corne de l’Afrique : « Les étrangers recrutés en dehors du continent africain sont très rares ». « Une bonne partie d’entre eux est arrivée après les années 2000, suite au rapprochement des shebab avec Al-Quaïda », poursuit le chargé de recherche au CNRS, joint par Jeune Afrique. Selon Roland Marchal, certains pourraient être tentés de rejoindre les shebab en raison de la présence supposée dans la région de la célèbre « Veuve blanche », Samantha Lewthwaite.
« La très grande majorité des jihadistes en provenance d’Europe ont un lien avec le continent : ils sont souvent issus de la diaspora somalienne et ont été naturalisés en Europe, surtout au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves », poursuit Roland Marchal.
Que valent les mises en garde des autorités kényanes ?
« Ces déclarations sont à prendre avec du recul », explique à Jeune Afrique Mathieu Guidère, professeur d’islamologie à l’Université de Toulouse 2. » En tenant ce genre de discours, le pays essaie d’attirer l’attention des gouvernements européens, obnubilés par l’État islamique en Syrie et en Irak et qui ont tendance à oublier les shebab », précise-t-il.
Un avertissement en trompe l’œil, renchérit Roland Marchal. « La lutte contre le terrorisme est une vitrine pour les autorités kényanes. Elles veulent montrer qu’ils sont en première ligne », assure le chercheur. « Cela leur permet à la fois d’avoir des fonds, mais aussi de se racheter une image et de faire oublier les démêlés du président Uhuru Kenyatta et du vice-président William Ruto avec la Cour pénale internationale. »
Y a-t-il des Européens qui rejoignent les autres groupes terroristes présents en Afrique ?
Là encore, la présence de jihadistes en provenance d’Europe reste minoritaire, selon les spécialistes. « Sur tous les fronts du jihad, il y a des Occidentaux. Mais en Afrique, leur quantité est infinitésimale : ils sont beaucoup plus attirés par la Syrie et l’Irak », explique Mathieu Guidère.
Même son de cloche pour Lemine Ould M. Salem, parti à la rencontre de combattants pour son ouvrage. « Entre Tombouctou et Gao en 2002, il y avait une poignée de jihadistes occidentaux chez Aqmi, Ansar Dine et le Mujao, dont des Canadiens et des Français », rapporte-t-il. L’un de ces Français, Gilles Le Guen, a d’ailleurs été rattrapé par la justice et condamné à Paris à huit ans de réclusion pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».
Quant à Boko Haram, leurs recrues étrangères viendraient en grande majorité des pays voisins, assure Mathieu Guidère. Tchadiens, Camerounais et Nigériens formeraient ainsi le gros des troupes non-nigérianes.
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