Lucas Abaga Nchama : « Nous travaillons à l’accélération de l’intégration économique »

Alors que la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) s’apprête à fêter les 40 ans des accords monétaires qui la lient à la Banque de France, Lucas Abaga Nchama, gouverneur de l’institution, a répondu aux questions de Jeune Afrique.

Nommé début 2010 à la tête de la Beac, l’équato-guinéen Lucas Abaga Nchama a intégré l’institution en 1998. © Jacques Torregano/JA

Nommé début 2010 à la tête de la Beac, l’équato-guinéen Lucas Abaga Nchama a intégré l’institution en 1998. © Jacques Torregano/JA

Publié le 8 novembre 2012 Lecture : 4 minutes.

La Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) s’apprête à célébrer, le 23 novembre, à Malabo en Guinée équatoriale, les quarante ans des accords monétaires qui la lient à la Banque de France. À l’instar de sa consœur d’Afrique de l’Ouest qui vient de fêter ses 50 ans, elle organise à cette occasion un symposium qui regroupera économistes et experts des questions monétaires avec pour objectif de dresser un état des lieux et dégager les perspectives de cette union monétaire. Lucas Abaga Nchama répond aux questions de Jeune Afrique.    

Jeune Afrique : quarante ans après l’accord monétaire entre la Beac et la Banque de France, quel bilan dressez-vous ?

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Rappelons avant tout que cet accord de coopération monétaire qui a donné naissance à la Banque centrale des États de l’Afrique centrale (Beac) en 1962 est le fruit d’une coopération entre des États africains qui ont exprimé une volonté politique d’avoir une monnaie commune, de faire route ensemble. La France n’intervient que lorsqu’on aborde l’aspect de la garantie de la convertibilité de notre monnaie, le franc CFA. Pour ce qui est du bilan, il faut surtout retenir que nous avons réussi à maintenir une stabilité monétaire pendant toute cette période. Il y a certes eu la dévaluation de 1994 mais pour d’autres monnaies, les dévaluations ont été récurrentes. Nous avons, par ailleurs, un système bancaire unifié qui facilite les opérations d’un pays à un autre. En quarante ans, nous sommes passés d’une intégration monétaire à une intégration économique avec la création de la Cemac en 1994. C’est un cas unique. Cette approche a été critiquée parce que dans d’autres régions, comme en Europe, les pays ont d’abord commencé par une intégration économique. Mais les problèmes actuels de la zone euro tendent à montrer qu’aucune approche n’est entièrement parfaite.

Vous parlez d’intégration économique dans la sous-région mais elle est loin d’être une réalité en Afrique centrale…

La Beac consacre désormais  20% de ses bénéfices aux projets intégrateurs via le Fonds de développement d’Afrique centrale

Il ne faut pas exagérer non plus ! Pour aller au Tchad, en Centrafrique ou encore au Congo, un Camerounais par exemple n’a pas besoin de visas, et vice versa. Deux pays demandent certes un peu plus de garanties de sécurité avant toute entrée sur leur territoire mais aujourd’hui, nous sommes une vraie communauté en Afrique centrale. Nous travaillons à l’accélération et au renforcement de cette intégration, grâce notamment au Programme économique régional (PER) dont la mise en œuvre contribuera à ce que les peuples puissent circuler encore plus librement dans la zone, mais aussi et surtout à réduire le déficit énergétique, à construire des infrastructures, des routes.

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On ne peut pas commercer si les personnes ne peuvent pas facilement aller d’un pays à un autre. On peut comprendre qu’un pays comme la Guinée équatoriale, où l’élevage n’est pas très développé, puisse consommer de la viande venant de Centrafrique. Mais pour cela, il faut développer les infrastructures de transports. De fait, sans perdre de vue notre mission principale, c’est à dire veiller à la stabilité monétaire et des prix, nous contribuons à relever ce défi. La Beac consacre désormais  20% de ses bénéfices aux projets intégrateurs via le Fonds de développement d’Afrique centrale (Fodec). Nous avons entre autre augmenté notre participation dans la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (Bdeac), à laquelle nous allons accorder une importante ligne de crédit, après la signature prochaine d’un accord.

Le président de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuba, propose que les banques centrales africaines investissent une partie de leurs réserves de change dans un fonds destiné à financer les infrastructures sur le continent. Allez-vous adhérer à ce projet ?

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Nous en avons récemment discuté à Tokyo [aux assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI, NDLR]. Toute initiative qui va dans le sens du développement des infrastructures en Afrique est salutaire. Maintenant, comment utiliser les réserves des banques à cette fin ? La réflexion est engagée. M. Kaberuka propose par exemple une émission obligataire en francs CFA. Nous avons convenu que les techniciens de la BAD et ceux de la Beac se rencontrent pour étudier la faisabilité de ce projet. Il ne faut pas oublier que, pour une banque centrale, le niveau des réserves de change est très important. S’il faut y toucher, les conditions dans lesquelles cela pourrait se faire doivent être bien étudiées.

Dans le scandale de détournement de fonds au Bureau extérieur de Paris de la Beac entre 2004 et 2008, Roger Kemadjou, l’ancien gouverneur délégué vient d’être condamné à la prison à vie au Cameroun. Qu’en est-il pour les autres accusés ?

Les enquêtes ont montré que monsieur Kemadjou était au cœur de ce scandale. La justice a fait son travail. Nous avons porté plainte dans plusieurs pays dont la France. Je suis persuadé que les dossiers avancent dans chacun des pays et espère que d’autres condamnations vont suivre.

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