La solution au développement en Afrique viendra de l’intérieur
Pourquoi les jeunes Africains quittent-ils une terre qui offre tant de perspectives ?
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Kanayo F. Nwanze
Kanayo F. Nwanze est président du Fonds international de développement agricole des Nations Unies
Publié le 8 juillet 2015 Lecture : 4 minutes.
La mer Méditerranée est devenue un cimetière pour la jeunesse africaine. Nous voyons chaque jour des images d’un continent qui semble dévasté par les conflits et la pauvreté, et d’êtres humains qui risquent – et souvent perdent – leur vie en tentant de fuir. Et cependant, onze des 20 économies dont la croissance est la plus rapide au monde se trouvent en Afrique. Ce continent, dont les ressources sont considérables, possède près de la moitié des terres qui, à l’échelle mondiale, ne sont pas cultivées mais sont adaptées aux cultures vivrières. Alors, pourquoi sont-ils si nombreux à risquer leur vie pour fuir une terre qui offre tant de perspectives ?
En partie car, souvent, les nombreuses richesses que possède l’Afrique ne se traduisent pas en développement, ne profitant en général qu’à certains ou étant entièrement dilapidées. En 2014, les flux illicites provenant d’Afrique s’élevaient au total à 69 milliards de dollars. Le développement suppose bien davantage que des ressources financières.
Il est des choses que l’argent ne peut acheter
Il ne fait aucun doute que l’argent peut remédier à certaines des insuffisances qui piègent des millions d’individus, en particulier les populations rurales, dans la pauvreté. Ces populations ont besoin d’infrastructures, à commencer par des routes qui leur permettront de se rendre à l’école ou au marché, mais aussi des systèmes d’électrification, d’eau et d’assainissement. Elles ont besoin d’éducation, de soins de santé, de salaires décents et d’un accès aux financements.
Mais il est des choses que l’argent ne peut acheter. L’encadrement, la bonne gouvernance, l’engagement en faveur de l’état de droit, et un environnement susceptible d’attirer les investissements. La responsabilité sociale de verser des salaires équitables, de créer des emplois décents et de payer des impôts.
La troisième Conférence internationale sur le financement du développement, qui se tiendra prochainement à Addis-Abeba, en Éthiopie, constitue une étape sur la voie que les dirigeants mondiaux ont tracé vers l’instauration d’un nouveau consensus international afin de changer le monde dans lequel nous vivons et d’éliminer l’extrême pauvreté et la faim. Nous devons encore parfaire le programme pour l’après-2015 et les objectifs de développement durable (ODD) ainsi qu’un nouvel accord mondial sur le changement climatique. Les objectifs sont essentiels pour notre avenir commun. Cependant, faute d’un solide consensus sur les besoins en termes de financement et de ressources, les objectifs restent à l’état de simples souhaits.
Mais ce n’est pas juste une question d’argent, encore moins d’aide au sens classique du terme. La solution pour parvenir à un futur pour toujours libéré de la pauvreté et de la faim, ce sont les personnes. Pour voir cela, il suffira aux dirigeants mondiaux rassemblés à Addis-Abeba d’observer le continent où ils se trouvent réunis.
Les trois quarts des personnes qui, dans le monde, souffrent de pauvreté et de faim chronique vivent en milieu rural
L’Afrique est riche. Les revenus dérivant de ses industries extractives se chiffrent en centaines de milliards de dollars. Mais c’est dans les pays d’Afrique les plus riches en ressources que les taux de mortalité infantile sont les plus élevés au monde, dépassant 100 décès pour 1 000 naissances vivantes dans une douzaine d’entre eux. Ce paradoxe montre bien que le développement exige également des ressources autres que financières, à commencer par l’encadrement, la responsabilité et l’engagement.
Les trois quarts des personnes qui, dans le monde, souffrent de pauvreté et de faim chronique vivent en milieu rural et tirent essentiellement leurs moyens de subsistance de l’agriculture. Les petits exploitants et les entrepreneurs ruraux pourraient concourir bien davantage à la production alimentaire, à la création d’emplois, à la croissance économique nationale et à la protection des ressources naturelles, mais ils manquent bien souvent des outils nécessaires pour ce faire. Et nombre de ceux qui produisent des denrées alimentaires souffrent eux-mêmes de la faim.
Pour pouvoir atteindre toute une série d’objectifs de développement – nourriture en quantité suffisante, air pur, eau potable et biodiversité, notamment –, il est impératif d’investir en faveur du développement rural. Et l’on estime que, s’agissant de réduire la pauvreté, la croissance du secteur rural est au moins trois fois – onze fois en Afrique subsaharienne – plus efficace que celle d’autres secteurs.
L’Éthiopie, pays autrefois synonyme de famine, figure désormais parmi les économies africaines dont la croissance est la plus rapide
Le changement doit venir de l’intérieur. Une organisation comme celle que je dirige, le Fonds international de développement agricole, offre son appui. Nous investissons. Nous partageons savoirs et meilleures pratiques. En notre qualité de seule institution financière internationale au sein du système des Nations unies, nous sommes des acteurs engagés en faveur de la transformation du monde rural. Mais il n’en demeure pas moins qu’aucune institution donatrice ne peut transformer les pays si ceux-ci ne souhaitent pas se transformer eux-mêmes.
L’Éthiopie, pays autrefois synonyme de famine, figure désormais parmi les économies africaines dont la croissance est la plus rapide. Grâce aux investissements en faveur des infrastructures rurales et de la transformation de l’agriculture, il a été possible de faire ce qu’aucune aide, de quelque importance que ce soit, ne serait parvenue à faire. L’Éthiopie est le premier pays d’Afrique exportateur de miel, et il arrive en deuxième position pour ce qui est de l’horticulture.
Alors, n’oublions pas que l’on ne mesure pas tous les engagements en dollars. En effet, pour nous sauver nous-mêmes et pour sauver notre avenir et notre planète, nous avons besoin de ressources importantes, tant publiques que privées. Mais nous avons également besoin que gouverneurs, législateurs, investisseurs, entrepreneurs et partenaires de tous genres s’engagent en faveur d’investissements équitables et sans exclusive. Et ce pas seulement en Afrique. L’Accord d’Addis-Abeba nous offre l’occasion de ne pas nous contenter de compter l’argent mais de veiller à ce que celui-ci fasse la différence.
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