Obama au Kenya : un voyage homophile ?
Les militants kenyans anti mariage gay attendent de pied ferme le président américain qui prépare sa première visite officielle dans le pays de son père. L’homophobie n’est-t-elle pas partagée par tout le continent ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 9 juillet 2015 Lecture : 2 minutes.
C’est peu de le dire, Barack Obama est attendu au pays de son géniteur. Il n’est pas seulement attendu par les organisateurs du sixième “Sommet global de l’entrepreneuriat” auquel il doit participer à la fin de ce mois. Il n’est pas seulement attendu par Mama Sarah, la troisième femme de son grand-père paternel, laquelle s’est proposée de cuisiner «toutes sortes de plats traditionnels» au président américain, s’il acceptait de faire un crochet par Kogelo, le village natal de son géniteur. Il n’est pas seulement attendu par Felix Kiprono, cet “avocat” qui offre 50 vaches et 70 moutons contre la main de la fille présidentielle.
Il n’est pas seulement attendu par un président libéré de l’inculpation par la Cour pénale internationale, procédure contre Uhuru Kenyatta qui rendait le séjour kenyan du président américain diplomatiquement inenvisageable auparavant. Barack Obama est aussi attendu par des opposants au mariage gay échaudés par la récente décision de la Cour suprême des États-Unis de reconnaître juridiquement l’union entre personnes de même sexe.
« Nous ne voulons pas d’Obama et Obama, nous ne voulons pas de Michelle et Michelle, nous voulons Michelle et Obama et un enfant », clamaient une centaine de manifestants, ce 6 juin, dans les rues de Nairobi. En amont, à l’occasion de l’office du dimanche de l’Africa Inland Church Kenya, le vice-président du Kenya, William Ruto, s’en prenait à « une loi sur l’homosexualité promulguée en Amérique ». En aval, c’est l’évêque de l’Alliance évangélique du Kenya qui indiquait, à la télévision, non sans faire allusion à la position des juges états-uniens, que le concept de famille impliquait la nécessité d’être « fécond et de se reproduire ».
Macky Sall, Obama et la peine de mort
L’actuel locataire du bureau ovale ne sera pas surpris que des responsables africains l’affrontent publiquement sur ce thème. En juin 2013, le président sénégalais Macky Sall, sur ses terres, renvoyait Obama dans les cordes en projetant la question de l’abolition de la peine de mort au visage de son homologue, alors que celui-ci évoquait la décriminalisation de l’homosexualité. Obama ne devrait être ni surpris ni intimidé. Au Kenya comme au Sénégal, ce sont les Américains qui ont abordé la question de la défense des droits des homosexuels. A Nairobi, le 2 juillet dernier, c’est l’ambassadeur américain, Robert Godec, qui évoquait publiquement le souhait de son président de voir «respecter davantage les droits de chacun»…
En attendant que le pied d’Obama foule le sol de certains de ses ancêtres, ce sont les militants qui remuent le couteau dans la plaie d’une certaine homophobie africaine. Il y a quelques jours, au festival marocain Mawazine, le chanteur du groupe britannique Placebo arborait un tatouage “489”, en référence au numéro de la loi qui pénalise l’homosexualité au Maroc. Quelques heures plus tôt, à Rabat, les forces de l’ordre interpellaient deux Femen qui s’embrassaient devant la tour Hassan, en exhibant des inscriptions « In Gay We Trust ».
Les positions américaines et kenyanes sur les amours homosexuelles ne sont-elles que l’expression de différences culturelles ? Le président zimbabwéen tranche avec des arguments qu’il puise dans la Genèse. Répondant lui aussi à Obama, Robert Mugabe vient de tenter une exégète biblique originale : « Même Satan n’était pas gay, il a choisi d’aborder Eve nue plutôt qu’Adam nu ». Les dieux et les diables auraient-ils donc un sexe ?
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