États-Unis : « It’s the economy, stupid ! »

Ce fut le leitmotiv de la campagne électorale de Bill Clinton en 1992. Vingt ans plus tard, l’économie américaine fera-t-elle une nouvelle fois la décision ? Ce serait une excellente nouvelle pour Barack Obama au moment où la conjoncture s’améliore.

Une rue de Minneapolis, dans le Minnesota, en 2011. © Minneapolis Star Tribune/ZUMA/REA

Une rue de Minneapolis, dans le Minnesota, en 2011. © Minneapolis Star Tribune/ZUMA/REA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 6 novembre 2012 Lecture : 5 minutes.

Barack Obama a de la chance : l’économie américaine se réveille de la léthargie dans laquelle elle était plongée depuis la crise dite des subprimes, en 2008-2009. On sait que celle-ci a empoisonné la totalité de son mandat. Et que ses adversaires républicains n’ont cessé de lui reprocher le niveau inhabituellement élevé du chômage. Il était temps, car on avait fini par douter de l’efficacité des taux d’intérêt quasi nuls et des centaines de milliards de dollars injectés par le gouvernement ou la Réserve fédérale. En septembre, cette dernière a encore promis de fournir 40 milliards de dollars (près de 31 milliards d’euros) supplémentaires par mois pour faire repartir la machine et créer des emplois…

Les uns après les autres, les indicateurs économiques confirment l’embellie. L’immobilier, qui fut le déclencheur de la crise, a mis un terme à ses excès passés. Du coup, les ventes en rythme annuel de logements neufs, après être tombées à 273 000 au premier semestre 2011, sont remontées à 373 000 en août. Les ventes de logements anciens ont elles aussi rebondi (4,8 millions), après avoir touché le fond en juillet 2010 (3,4 millions). Le stock des maisons à vendre, que les saisies immobilières avaient démesurément gonflé, est revenu en dessous de la normale. Tout prouve que le marché immobilier repart. Or sa fluidité est essentielle dans une économie dont l’efficacité est fondée sur la mobilité : il faut qu’un salarié puisse vendre rapidement sa maison pour occuper un nouvel emploi dans un autre État ou une autre ville.

la suite après cette publicité

La bénédiction du gaz de schiste

Le reste du monde n’a pas encore pris la mesure de la révolution énergétique que vivent les États-Unis. Grâce aux améliorations technologiques du forage horizontal et de la fracturation hydraulique, ils ont stoppé le déclin de leur production d’hydrocarbures à partir de 2005. Depuis, l’extraction de gaz naturel dans ce pays a augmenté de 28 %. Ces techniques assurent aux États-Unis une production équivalant à 9 millions de barils/jour. Grâce à l’exploitation intensive des gisements du Texas et du Dakota du Nord, les experts estiment que la production progressera de 1 million de barils/jour, chaque année jusqu’en 2015. Du coup, les prix du gaz se sont effondrés et les industriels américains bénéficient d’une énergie deux à trois fois moins chère que le gaz utilisé par leurs concurrents européens. Le Boston Consulting Group a calculé que cet avantage énergétique pourrait permettre aux entreprises américaines de prendre d’ici à 2020 entre 2 % et 4 % des exportations de quatre pays européens : Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni. A.F.

Réindustrialisation

La croissance se maintient un peu au-dessus de 2 % par an (2,2 % en 2012, 2,1 % en 2013 selon le Fonds monétaire international). La réindustrialisation du pays commence à devenir une réalité dès lors que les entreprises rapatrient certaines activités délocalisées en raison des difficultés qu’elles rencontrent dans les pays en développement : qualité de la production, protection de la propriété intellectuelle, augmentation du coût de la main-d’oeuvre… General Electric, par exemple, va produire un nouveau réfrigérateur « vert » dans l’Indiana, et non en Asie. Un signe qui ne trompe pas.

la suite après cette publicité

Le taux de chômage est retombé en septembre à 7,8 % de la population active, son plus bas niveau depuis janvier 2009, et, logiquement, la consommation repart. Les ventes d’automobiles ont ainsi progressé de 1,3 % en septembre, chiffre à mettre en relation avec l’effondrement en cours en Europe (- 10,8 %). La réaction des Américains est de bon augure, car la consommation représente plus des deux tiers de la richesse créée dans ce pays. Incontestablement, ils retrouvent le moral, comme le confirme l’index Thomson Reuters-université du Michigan, qui, en septembre, a atteint son plus haut niveau depuis fin 2007.

Pourtant, de gros nuages noirs se profilent à l’horizon en raison de ce que les experts appellent le fiscal cliff : la « falaise » ou le « précipice budgétaire ». Celui-ci risque de plonger de nouveau les États-Unis – et le monde entier avec eux – dans une grave récession.

la suite après cette publicité

Au cours de l’été 2011, le Congrès avait voté une loi destinée à contenir la dette, il est vrai colossale (plus de 15 000 milliards de dollars), en réduisant le déficit budgétaire au rythme de 1 200 milliards par an. Une commission parlementaire spéciale avait même été mise en place. Hélas ! Élus démocrates et républicains ont été incapables de s’entendre sur un plan cohérent. Les premiers – et avec eux le président Obama – veulent que le rééquilibrage budgétaire se fasse, pour l’essentiel, par la suppression des exonérations fiscales accordées aux plus riches par George W. Bush. Inspirés par les extrémistes des Tea Parties et les « libertariens » qui exècrent l’État et ne croient qu’aux libertés individuelles, les seconds exigent que l’on taille prioritairement dans les dépenses budgétaires, notamment sociales. Comme Mitt Romney, leur champion, ils sont convaincus que 47 % de leurs compatriotes sont des assistés…

Cliquez sur l'image.Redoutable blocage ! Faute d’un accord d’ici au 31 décembre, les dispositions prévues par la loi pour ce genre de situation seront automatiquement appliquées. Tous les ministères verront en 2013 leur budget amputé de 10 %, tandis que les impôts augmenteront de 20 % pour l’ensemble des contribuables. Le Tax Policy Center a calculé que cela se traduirait par un prélèvement supplémentaire de 2 000 dollars par an pour l’ensemble des ménages de la classe moyenne.

Coup de frein

Ce formidable coup de frein aurait certes pour avantage de réduire de 109 milliards de dollars les dépenses de l’État fédéral et de ramener le déficit budgétaire à 641 milliards, soit 4 % du produit intérieur brut (PIB) au lieu de 7,3 % cette année. Mais les dégâts collatéraux seraient considérables. Le Bureau du budget du Congrès (CBO) a estimé que le taux de chômage s’envolerait immédiatement : 9,1 % à la fin de 2013. De son côté, le FMI a prévenu que les États-Unis verraient leur croissance amputée de quatre points de PIB – du jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ! – et que la récession menacerait « leurs principaux partenaires commerciaux », ainsi que « les pays exportateurs de matières premières en raison de la chute des cours » qui en résulterait.

Autrement dit, même s’il est réélu le 6 novembre, Barack Obama ne pourra plus se contenter d’accuser son adversaire de vouloir protéger les riches. Il lui faudra mettre de l’eau dans son vin. Il ne disposera que de deux mois pour trouver un compromis avec le camp républicain. Au bord du précipice.

Lire aussi :

Les États-Unis veulent rattraper leur retard en Afrique
Charles B. Rangel : « Le développement du continent est l’une des priorités de Barack Obama »

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires