Je suis la Grèce

Je parie que vous aussi vous suivez avec passion le feuilleton de l’été : « la crise grecque ». De quoi battre les séries turques ! Sauf qu’il ne s’agit pas de fiction et que le scénario tient de la tragédie.

Fawzia Zouria

Publié le 21 juillet 2015 Lecture : 2 minutes.

Je croyais que l’Europe était pour ses membres une assurance antipauvreté. Il se trouve que non. « Appartenir à l’Union, ça vous fait une belle jambe », se marre mon épicier arabe. Ça ne vous protège ni de l’austérité ni de la faillite. D’ailleurs, le mot « faillite » me fait tout de suite penser aux pays de l’ex-Tiers Monde ; et ce n’est pas pour rien qu’on compare désormais la Grèce au Soudan et à la Somalie. Mais on ne peut s’empêcher de se demander : « Comment les Grecs en sont-ils arrivés là ? Ils sont bien dans la maison Europe et il n’y a chez eux ni guerre, ni sunnites, ni chiites ! »

La position géographique de la Grèce ne la préserve donc pas du pire. Alors, voyons du côté de son histoire. Et, là, franchement, il n’y a pas de quoi humilier cette nation. Il suffit de comparer le legs de Platon et de Socrate aux rapports des commissaires européens. Ce ne sont pas ces derniers qui nous auraient rédigé des traités de métaphysique. On devrait rappeler à leur dieu des finances la puissance de Zeus dans nos imaginaires. L’Iliade et L’Odyssée, ça vaut son pesant d’euros. Ulysse et Hélène ? Ne nous font-ils pas fantasmer davantage que le couple Hollande-Merkel ? Et l’Olympe ? C’est autrement plus solide que la Bourse. Même nous, les Arabes, on s’est servi sans scrupule chez les Athéniens. Nous leur avons rendu service en traduisant leurs livres, certes, mais ils nous fournissaient la matière, ces œuvres sur lesquelles « nous nous sommes fait la civilisation », comme on « se fait les dents ».

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Il y a donc lieu de s’indigner à entendre le papy allemand râler pour sa retraite, ou le col blanc slovaque prétendre édifier le patron d’Athènes sur les affaires de la polis. Tous ces gens font passer les Grecs pour un peuple de gueux ou de dépensiers inconscients. Ils ont plaisir à les voir tendre la main au FMI ou faire la queue devant les banques comme des SDF. C’est honteux pour les Européens !

Moi si j’avais été grecque, j’aurais dit oxi (« non », en grec) également à l’Europe, dignité oblige. Je serais sortie de l’Union pour regarder ailleurs. J’aurais accusé les technocrates de Bruxelles d’avoir foulé du pied cette valeur que l’islam aurait pu leur inspirer : la solidarité. L’Europe ne parvient pas à être une oumma, du moins au sens où le Prophète l’entendait et l’enseignait à ses disciples : « Une communauté, c’est pareil au corps humain. Si l’un de ses membres souffre, tout le corps souffre avec lui. »

Tiens ! Et pourquoi ne conseillerais-je pas aux Grecs de se tourner vers leurs voisins arabo-musulmans ? Le poète Odysseus Elytis, Prix Nobel de littérature 1979, par exemple, a toujours milité pour un hellénisme oriental. Les Arabes mettraient la main à la poche. Non, je ne parle pas des nouveaux riches, qui pourraient croire qu’il s’agit d’acheter le pays en entier. Je parle des Arabes redevables à l’ancienne Grèce et que répugne l’humiliation plus que tout, même infligée à d’autres qu’eux.

Et je leur dis : alors, on se bouge pour les beaux yeux de la Grèce ?

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