Mabri Toikeusse : « Nous savons ce que le président Ouattara peut apporter pendant cinq ans encore »

De passage à Paris, Albert Mabri Toikeusse a répondu aux questions de Jeune Afrique. Qu’il s’agisse de ses ambitions politiques ou de sa participation à l’action gouvernementale en tant que ministre du Plan et du Développement de la Côte d’Ivoire.

Albert Mabri Toikeusse, à Paris, en juillet 2015. © Vincent Fournier / JA

Albert Mabri Toikeusse, à Paris, en juillet 2015. © Vincent Fournier / JA

Julien_Clemencot

Publié le 13 juillet 2015 Lecture : 7 minutes.

Albert Mabri Toikeusse préside depuis 2005 aux destinées de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI). Fondée par le général Guéï, elle constitue l’une des composantes du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Pendant la décennie de crise, ce médecin a été, tour à tour, ministre de la Santé (2003-2005), ministre de l’Intégration (2005-2007) et ministre des Transports (2007-2010), avant d’être écarté par Laurent Gbagbo.

Candidat face à Alassane Ouattara (Rassemblement des républicains – RDR) en 2010, Albert Mabri Toikeusse a choisi cette fois-ci de se ranger derrière le chef de l’Etat en vue de la prochaine élection présidentielle prévue en octobre. “En réalité, rien ne différencie nos projets de sociétés, c’est pour ça que nous nous retrouvons”, a-t-il avoué à Jeune Afrique.

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Jeune Afrique : Vous présidez l’UDPCI, êtes-vous satisfait de la place occupée par votre mouvement au sein de la coalition gouvernementale ?

Albert Mabri Toikeusse : La nature est ainsi faite que l’on n’est jamais totalement satisfait. Mais, nous prenons ce que nous avons et travaillons à avoir mieux.

Vous avez suivi l’appel de Daoukro lancé par Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), en acceptant le principe de la candidature unique d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle…

Nous ne l’avons pas suivi mais précédé. Le congrès de l’UDPCI qui s’est réuni en décembre 2013 avait fait le choix de soutenir la candidature du président Ouattara en 2015. L’appel de Daoukro a eu lieu plusieurs mois après. Mais le président Bédié n’a rien fait qui ne me surprenne vraiment car nous échangeons presque quotidiennement.

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Cela veut dire que l’UDPCI n’a pour le moment pas l’ambition d’être au pouvoir ?

N’oubliez pas que nous avons signé en 2005 à Paris un accord avec les autres partis houphouétistes (dont le RDR et le PDCI) qui nous a conduit à soutenir le président Ouattara. Je travaille dans un gouvernement dont les résultats sont encourageants. Nous savons ce que le président Ouattara peut apporter pendant cinq ans encore. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas d’ambitions pour 2020.

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Quel rôle allez-vous jouer dans l’équipe de campagne du président Ouattara ?

C’est au candidat de le définir. Je sais que j’assumerai des fonctions importantes.

Certains membres du PDCI, comme Charles Konan Banny, Essy Amara, Bertin Konan Kouadio et Jérôme Kablan Brou, ont choisi de ne pas suivre l’appel de Daoukro.

C’est leur droit. Ce que nous voulons, c’est une opposition organisée, des adversaires crédibles, structurés et démocrates, qui soient prêts à accepter le résultat des urnes. Aux élus houphouétistes qui ont insisté pour être candidat, je leur dirais peut être qu’ils ont tort et que la porte est toujours ouverte.

N’est ce pas la preuve d’un manque de dialogue dans votre camp ?

Et bien nous continuons à dialoguer. Les dépôts de candidature se font en juillet. Des contacts sont maintenus. C’est leur maison, ils pourront revenir quand ils veulent.

L’opposition s’inquiète des conditions dans lesquelles les élections vont être organisées. La présence de Youssouf Bakayoko, à la tête de la Commission électorale indépendante, déjà en place en 2010, ne vous gêne-t-elle pas ?

Je veux commencer par dire qu’Alassane Ouattara n’est pas Laurent Gbagbo. L’élection est organisée par la constitution et le code électoral, la Commission électorale indépendante (CEI) en a la charge. La CEI a saisi le gouvernement quant à des difficultés pour inscrire de nouveaux électeurs sur les listes, nous avons donné notre accord pour qu’elle dispose de quelques jours supplémentaires. Quand à sa composition, tous les partis sont représentés. La présence de Youssouf Bakayoko à sa tête ne me dérange pas fondamentalement. En 2010, son travail a été certifié par les Nations unies. A partir de là, nous n’avons pas de raison de douter de lui.

Depuis quelques semaines, le procès de l’assassin présumé de Robert Guéï a débuté, qu’en attendez vous ?

C’est un procès attendu par l’UDPCI et la nation ivoirienne depuis des années. Quand quelqu’un a été Chef d’Etat, Chef d’état-major et qu’il est tué, il est bon que la vérité soit établie. Nous croyons que le général a été tué gratuitement et qu’il n’est coupable de rien. Nous serons soulagés si le suspect est condamné.

Plusieurs officiers supérieurs, ex-membres des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), ont été mis en examen pour des actes commis durant la conquête de l’ouest lors de la crise post-électorale. Comment accueillez-vous cette nouvelle ?

Le gouvernement a toujours promis que tous ceux qui sont suspectés passeront devant la justice. Des enquêtes avaient été engagées, il fallait les boucler. Cela ne les rend pas coupables. Il faut maintenant les entendre et un jugement sera rendu.

Concernant le travail rendu par la Commission dialogue vérité et réconciliation (CDVR), va-t-on pouvoir lire son rapport rendu au président fin 2014 ?

Bien sûr. Je ne suis pas en charge de ce dossier, mais je pense que le moment opportun, il sera rendu public. Il faut le faire.

En tant que membre du gouvernement, quel bilan faites-vous de l’exécution du programme national de développement (PND) ?

Sa mise en place a pris du temps. La mobilisation des ressources n’a été possible qu’en décembre 2012 à Paris. Donc, nous avons accusé quelques retards. Mais pour l’essentiel, nous sommes satisfaits. Nous avons connu une forte croissance. Au delà des réalisations d’infrastructures, des investissements dans le secteur de l’énergie, les dépenses pour les pauvres ont très largement augmenté pour atteindre 1500 milliards de francs CFA, essentiellement consacrés aux secteurs de l’éducation, de la santé et maintenant à la couverture maladie universelle. Ce que nous avons commencé à faire, timidement c’est vrai, c’est de rendre cette croissance inclusive. C’est-à-dire faire en sorte qu’elle bénéficie au plus grand nombre. Ce sera l’enjeu du second mandat du président de la République.

Comment votre coalition parviendra-t-elle à rendre la croissance plus inclusive, si le président Ouattara l’emporte ?

Nous sommes en pleine élaboration du PND 2016-2020, mais on peut déjà dire que les investissements se concentreront sur les secteurs pourvoyeurs d’emplois, comme l’agriculture. Nous pensons également que les mines auront un rôle à jouer. Le gouvernement va aussi accélerer les réalisations de projets d’habitats ruraux qui ont eu du mal à démarrer. Nous allons poursuivre la mise en place de la couverture maladie universelle. L’éducation ne sera pas oublié avec un programme rendant l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans et qui prévoit la construction de nouvelles écoles et universités.

Vous représentez la Côte d’Ivoire au conseil des gouverneurs de la Banque africaine de développement (BAD), est-ce que la Côte d’Ivoire peut davantage bénéficier de son soutien ?

Certainement puisque le siège est de retour à Abidjan. Le guichet est à notre porte. Les contacts sont facilités. La BAD nous a déjà appuyé dans des dossiers importants comme la réalisation du troisième pont et nous travaillons sur une étude importante sur les pôles de compétitivité économiques régionaux.

Pour financer ses projets, la Côte d’Ivoire a annoncé vouloir émettre un emprunt islamique de 300 milliards de francs CFA, où en est-on ?

C’est en bonne voie. Il devrait être bouclé d’ici la fin du troisième trimestre. Cela montrera que nous pouvons diversifier nos sources de financement pour avoir de l’argent à un taux plus intéressant.

L’année 2015 sera marquée par la réunion de la COP21 à Paris consacrée au changement climatique. Préserver l’environnement, c’est un enjeu important pour la Côte d’Ivoire ?

C’est primordial, surtout dans un pays qui a expérimenté la déforestation et veut désormais transformer ses matières premières. Nous devons non seulement avoir une production d’énergie sûre, mais aussi des projets d’investissement respectueux de l’environnement. La Côte d’Ivoire a depuis plus de deux décennies un code de l’environnement qui prévoit déjà des dispositions de type pollueur-payeur. Il y a des débats ces derniers temps sur certaines unités de production de ciment et nous regardons cela de très près.

En tant que médecin et spécialiste des questions de santé publique, êtes-vous inquiet par l’apparition de nouveaux cas de fièvre Ebola en Sierra Léone et la détection de cas de grippe aviaire à Bouaké ?

Sûrement. Même si on sentait l’épidémie Ebola reculer, la Côte d’Ivoire n’a pas relâché son dispositif de prévention. Nous allons observer davantage de solidarité en mettant à disposition des pays concernés des équipes techniques. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) possède suffisamment d’expérience pour vite agir et limiter l’ampleur du retour du virus. Quant à la grippe aviaire, les cas ont été confirmés. Heureusement, le foyer a été isolé et cela ne devrait pas créer de souci majeur.

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