Les étudiants africains tentent leur chance en Chine
De plus en plus d’Africains vont se former en Chine. Rencontres avec des étudiants partis y tenter leur chance.
Il fait frais sur le campus de l’université des langues et cultures de Pékin. Un vent violent balaie le vaste ensemble de bâtiments gris situé dans le nord-ouest de la capitale, où près de 5 000 étudiants étrangers apprennent le mandarin. Christian est congolais. Il retrouve des amis à la cafétéria. Livres de cours sous le bras, ils discutent du travail à faire et de la vie en Chine. « Le plus difficile, explique Christian, c’est le racisme. Il ne faut pas se mentir, la plupart des Chinois nous regardent de travers. Au début, cela a été compliqué pour moi : je me faisais dévisager dans le bus. Aujourd’hui encore, des enfants me montrent du doigt… C’est très gênant. Mais peu à peu j’ai appris à accepter cette situation. Je sais que ce n’est pas de la méchanceté. Simplement, les Chinois voient l’Afrique à travers des clichés. Ils doivent apprendre à nous connaître. »
Jessica est arrivée par le même avion que Christian. Tous deux ont décroché une bourse du gouvernement chinois. Mais la fierté a vite laissé la place aux soucis du quotidien. « Tout est tellement grand ici. Je partage une chambre avec une autre étudiante qui vient d’Indonésie. On s’entend bien, heureusement. Les cours sont difficiles, il faut beaucoup travailler. Mais nous pratiquons le mandarin dès que nous sortons du campus, puisque personne ne parle vraiment français ou anglais à l’extérieur. On doit vite apprendre à se débrouiller. »
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Racisme
Les responsables de l’université balaient ces questions d’un revers de la main. On ne parle pas de racisme ici, juste d’apprentissage de la différence. « Vous savez, la Chine et l’Afrique ont des relations de plus en plus importantes, explique Li Yuan, l’une des responsables du département international. Notre gouvernement souhaite accueillir davantage d’étudiants africains et renforcer les relations entre leur continent et notre pays. Nous faisons de notre mieux pour enseigner à nos étudiants la langue et la culture chinoises. » Ce qui demande un travail soutenu, l’apprentissage des quelque 5 000 idéogrammes couramment utilisés dans l’empire du Milieu demandant plusieurs heures chaque soir.
Le mieux est de profiter de notre présence ici pour gagner de l’argent.
Khalifa, étudiant mauritanien
« Certes, il y a un choc des civilisations, nous sommes différents des Chinois, explique Samuel Okouma Mountou, ex-conseiller chargé des affaires culturelles de l’ambassade du Gabon en Chine et auteur de La Vie des étudiants africains en Chine. Seuls ceux qui sont bien préparés s’en sortent. Pourtant, bon nombre des étudiants font tout pour s’adapter aux réalités du pays d’accueil. Peu à peu, ils s’acculturent et adoptent le mode de vie en vigueur. Ils apprennent la langue et même une autre façon d’aimer dans une société à la fois enjouée et stricte. Avoir un diplôme à la fin du cursus universitaire est non seulement bon pour le moral de l’étudiant africain mais également un signe de réussite pour la coopération sino-africaine. »
Business
« Il y a de plus en plus d’étudiants africains dans cette université, concède Adam, malien. Nous sommes très motivés. Pour la plupart, nous sommes boursiers et voulons profiter au maximum de cette chance. » Passé les cours de langue, obligatoires, beaucoup étudient l’économie, l’informatique, la médecine ou les sciences agricoles. « J’espère devenir traducteur, précise Adam, exalté par l’expérience. Il y a de plus en plus de relations économiques et commerciales entre mon pays et la Chine et je pense travailler dans l’interprétariat. » Mais de nombreux étudiants ne rentrent pas chez eux une fois leur cursus achevé. Tous ont des compatriotes qui se sont lancés dans les affaires. Autant dire dans l’exportation de marchandises bon marché made in China vers l’Afrique. « Le mieux est de profiter de notre présence ici pour gagner de l’argent », assure Khalifa, un Mauritanien maîtrisant le mandarin… qui se voit déjà monter sa petite entreprise d’import-export.
Le « soft power » version chinoise
« Comprendre la Chine », c’est le titre sans ambiguïté d’un programme mis en place par le gouvernement chinois. Objectif : proposer à des diplomates, des journalistes et des hommes d’affaires du monde entier un cursus de un mois à Pékin, sur le campus de l’université des études internationales. Politique, économie, défense et diplomatie sont au menu. Un programme qui s’ajoute à ceux que la Chine a mis en place depuis 2008 pour promouvoir son image à l’étranger : au total, 5 milliards d’euros ont été investis, dont une grande partie a été consacrée aux médias et à l’éducation. C’est ainsi que Pékin accorde de plus en plus de bourses aux Africains. « C’est une petite révolution car jusqu’ici les dirigeants étaient tournés vers l’intérieur et ne se souciaient guère de l’image de la Chine à l’étranger », explique Renaud de Spens, sinologue français spécialiste des médias. S.L.B.
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