Mattel ou l’appel de la Mauritanie
En cédant sa filiale Mattel, Tunisie Télécom signe la fin de son aventure africaine. En dépit des performances modestes de l’opérateur, le français Orange et le marocain Inwi sont en lice pour son rachat.
D’ici à quelques semaines, Tunisie Télécom devrait annoncer la vente de sa filiale Mattel. Une attente interminable pour France Télécom-Orange, qui avait déjà tenté de reprendre l’opérateur mauritanien il y a plus d’un an. De nouveau en lice, les équipes d’Élie Girard – le directeur exécutif chargé de la stratégie et du développement – doivent notamment compter avec la concurrence du marocain Inwi, qui n’hésite pas à rappeler haut et fort tout l’intérêt porté à ce dossier.
« Le processus reste ouvert », confirme une partie prenante. Seule certitude, l’émirati Etisalat, un temps intéressé, est désormais hors course. Du côté des actionnaires minoritaires de Mattel, on jure vouloir faciliter la transaction. S’ils préféreraient vendre leurs parts (24,5 % du capital chacun), Mohamed Ould Bouamatou et Moulaye El Hassen pourraient ainsi y renoncer à la demande du nouvel acquéreur.
Cette vente devrait rapporter plus de 75 millions d’euros au groupe tunisien.
Paralysé par un conflit permanent entre les représentants syndicaux et la direction, chahuté par une compétition accrue sur son marché, Tunisie Télécom met ainsi un terme à son projet d’expansion en Afrique. Contactée par Jeune Afrique, sa direction refuse d’apporter plus d’explications. Mattel, évalué entre 170 millions et 215 millions d’euros, devrait rapporter à sa maison mère, une fois les dettes déduites, plus de 75 millions d’euros. Une somme considérable pour un opérateur depuis longtemps relégué en deuxième position par Mauritel, la filiale locale de Maroc Télécom.
Entre les deux, l’écart ne cesse d’augmenter. Au cours des deux dernières années, Mauritel a ainsi vu son nombre d’abonnés grimper de 30 %, contre seulement 18 % pour Mattel. Selon les chiffres de la société d’intelligence économique Informa Telecoms & Media, la filiale de Tunisie Télécom revendiquait en septembre environ 700000 d’abonnés (soit 21 % de part de marché), contre 2 millions pour Mauritel (62 %). Même écart en termes de revenu mensuel moyen par utilisateur : 4,20 euros pour Mattel, 4,80 euros pour Mauritel.
Cible évidente
Mais au-delà de la stricte performance de Mattel (désormais talonné par le troisième opérateur Chinguitel, environ 16% de part de marché), l’intérêt de France Télécom et d’Inwi doit se lire à l’aune de leurs opérations actuelles, explique Jean-Michel Huet, directeur associé du cabinet BearingPoint. Pour France Télécom, déjà présent au Maroc, au Sénégal et au Mali, la Mauritanie est une cible évidente. Pour Inwi, cette acquisition pourrait constituer un premier pas à l’international, avec une filiale de taille modeste dont le réseau peut être facilement connecté à ses infrastructures marocaines et qui présente en outre l’avantage d’évoluer dans un pays culturellement proche du royaume.
Le marché mauritanien, estimé à 187 millions d’euros par an par Informa, posséderait encore, selon les experts, un certain potentiel. La pénétration du mobile (rapport entre le nombre de puces téléphoniques en circulation et la population), déjà supérieure à 100 %, pourrait atteindre 110 % en 2015. Un objectif réaliste si on considère qu’un même utilisateur possède en moyenne 1,88 puce, toujours selon Informa. Mattel espère bien sûr profiter de cette réserve de croissance.
Autre atout du pays du point de vue des acquéreurs potentiels : l’arrivée récente du câble sous-marin en fibre optique ACE (African Coast to Europe) sur la côte mauritanienne. Bientôt accessible, il permettra aux opérateurs de développer leurs offres internet grâce à une meilleure connexion au réseau mondial. Un segment pour le moment embryonnaire, puisqu’il concerne à peine quelques dizaines de milliers d’utilisateurs.
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