Réconciliation nationale en Tunisie : le grand pardon est en marche
Attentats, état d’urgence et une situation globale dégradée n’ont pas détourné le président Tunisien, Béji Caïd Essebsi du projet de réconciliation nationale qu’il entend réaliser « coûte que coûte ».
Cette initiative qui devrait en finir définitivement avec le passé pour pouvoir avancer se manifeste sous la forme d’une amnistie, objet d’un projet de loi organique qui sera présenté à l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP) après avoir été examiné en Conseil des ministres le 14 juillet 2015. Cette loi concernera à la fois le règne de Ben Ali et celui de la troïka (2012-2014).
Une loi pour guérir du passé
Le texte relatif aux « dispositions particulières concernant la réconciliation dans le domaine économique et financier » a pour objectif de rétablir un climat propice à l’investissement, de consolider la confiance dans l’Etat et ses institutions mais aussi d’aboutir à la clôture des dossiers de corruption et de malversation afin de tourner concrètement la page.
Des 11 articles composant le projet on retient la levée des « poursuites et jugements, ainsi que l’exécution des peines engagées contre les fonctionnaires et assimilés pour des actes de malversations financières sauf corruption et détournement de fonds ».
Bénéficiaires
13 000 dossiers ont été reçus par l’Instance vérité et dignité et seront tous annulés. Ils concernent plus d’un millier de fonctionnaires à tous les niveaux de l’administration et des établissements publics dont des banques mais aussi une trentaine d’anciens ministres et hauts commis de l’Etat qui n’auraient fait qu’appliquer des instructions et des recommandations données par Ben Ali.
Tous ceux qui ont été poursuivis ou même jugés seront amnistiés, dont Taoufik Baccar, ancien gouverneur de la Banque Centrale, Mustapha Bouaziz et Zouheir M’dhaffer, anciens ministres des Domaines de l’Etat ou encore Mohamed Ghariani , ex-patron du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).
Commission d’arbitrage et de réconciliation
Une commission d’arbitrage et de réconciliation, présidée par le représentant du chef du gouvernement et composée de représentants des ministères de la Justice, des Finances, de la Banque centrale et de l’Instance dignité et vérité (IVD), devra statuer, dans un délai de trois mois, sur toutes les demandes de régularisation qui lui seront adressées. Cette démarche mettra fin à toutes les poursuites judiciaires à l’égard des inculpés ou des prévenus.
Contrevenants au change
Dans une tentative de relancer l’investissement et de lever des liquidités, les titulaires de compte à l’étranger – dont ceux dévoilés par wikileaks- qui n’avaient pas déclaré ces avoirs peuvent désormais, sans tomber sous le coup de la loi relative au change tout en étant passibles d’une amende, rapatrier les sommes en leur possession après une déclaration à la Banque Centrale justifiant de ces ressources.
Un fond de dépôt et conciliation
Selon la nature des préjudices, un arbitrage établira le montant des sommes à restituer pour les cas de malversation et d’enrichissement illicite. Les montants détournés et les bénéfices générés majorés de 5% devront être versés à un fond de dépôt et conciliation qui les distribuera à des projets de développement régional ou dans le renforcement de petites entreprises.
Décision irrévocable
Ce projet de loi annule toutes les dispositions antécédentes dont celles relatives à la création de l’instance dignité et vérité en lien avec les malversations financières.
Supporters et détracteurs
Avec le soutien de plusieurs partis politiques dont celui d’Ennahdha, ce projet est également applaudi par l’organisation patronale de l’Utica, qui considère que les poursuites engagées contre certains chefs d’entreprise, interdits de voyage, ont pénalisé l’activité économique du pays. « Avec des solutions intéressantes mais irréalisables dans la pratique, c’est une amnistie qui applaudit les corrompus et dédouane les corrupteurs », lit-on sur les réseaux sociaux qui s’enflamment.
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