Affaire Malabo-CBGE : pourquoi le Boeing 777 de la Guinée équatoriale a été saisi en France

Nouveau rebondissement dans le litige qui oppose depuis bientôt 15 ans la Guinée équatoriale et la Commercial Bank de l’homme d’affaires camerounais Yves-Michel Fotso : l’avion de la compagnie nationale est saisie depuis le 10 juillet en France. Retour sur un feuilleton judiciaire.

Un avion de la compagnie de Guinée équatoriale Ceiba Intercontinental, à Malabo, en février 2015. © Issouf Sanogo/AFP

Un avion de la compagnie de Guinée équatoriale Ceiba Intercontinental, à Malabo, en février 2015. © Issouf Sanogo/AFP

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Publié le 18 juillet 2015 Lecture : 3 minutes.

« Un Boeing 777-200 flambant neuf » – selon les termes utilisés par une source judiciaire proche du dossier – appartenant à la compagnie nationale de la Guinée équatoriale Ceiba Intercontinental, est cloué au sol depuis le 10 juillet à l’aéroport de Bâle-Mulhouse, dans l’est de la France. Il a été saisi en vue de la vente au profit de la Commercial Bank Guinea Ecuatorial (CBGE) qui réclamait une créance de près de 70 millions d’euros à l’État équato-guinéen.

Le Boeing 777-200 de la Guinée équatoriale, le 10 juillet 2015, dans le hangar de la société suisse Amac à l'aéroport de Bâle-Mulhouse. © DR

Le Boeing 777-200 de la Guinée équatoriale, le 10 juillet 2015, dans le hangar de la société suisse Amac à l'aéroport de Bâle-Mulhouse. © DR

Une « affaire embrouillée »

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Un nouvel épisode dans ce feuilleton aux incessants rebondissements et qui oppose, depuis bientôt 15 ans, le camp de l’homme d’affaires camerounais Yves-Michel Fotso, détenu depuis bientôt quatre ans au secrétariat d’État à la Défense à Yaoundé, et celui du président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema. Une « affaire embrouillée », comme l’a confié à Jeune Afrique Me Jean-Charles Tchikaya, avocat de la Guinée équatoriale.

Tout est parti du refus en 2002 du régime d’Obiang Nguema d’accorder un agrément d’établissement de crédit à la CBGE alors que le pays s’y était engagé aux termes d’une convention. Une procédure d’arbitrage, initiée à Abidjan début 2007 devant la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), aboutit deux ans plus tard à la condamnation de la Guinée équatoriale à verser à la CBGE près de 70 millions d’euros « en réparation du préjudice matériel qu’elle a subi du fait de ses investissements […] et au titre de son manque à gagner ».

Alors que des tractations étaient en cours entre les représentants de Yves-Michel Fotso et de Teodoro Obiang Nguema, une série de saisies s’abat en 2012 sur des biens appartenant à l’État équato-guinéen en France et en Belgique, notamment les avoirs bancaires de son ambassade à Bruxelles et l’avion présidentiel, immobilisé à l’aéroport du Bourget. Mais peu de temps.« J’avais rapidement obtenu la main levée sur ces biens et la partie adverse s’était désistée », se félicite encore aujourd’hui Me Tchikaya. « Faux », rétorque une source proche de la CBGE. « C’est Yves-Michel Fotso lui-même qui a demandé à l’un de ses avocats « d’ordonner la main levée sur la saisie opérée à l’aéroport du Bourget sur l’aéronef Falcon 900 [avion du président Obiang] et d’arrêter toute action à l’encontre des actifs de la Guinée équatoriale ».

Qui a touché l’argent ?

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Il ne fallait donc pas faire capoter les négociations qui aboutiront le 17 décembre 2012 à la signature d’un protocole entre les deux parties : la créance de 70 millions d’euros est ramenée à 30 et la CBGE s’engage à renoncer au montant initial qui lui était dû par la sentence arbitrale de 2007. Très rapidement, les choses bougent. Le gouvernement équato-guinéen effectue dès le 21 décembre de la même année le premier paiement, soit environ 15 millions d’euros.

7,5 millions d’euros ont été détournés par les fonctionnaires de l’État équato-guinéen

« Mais de cette première tranche, notre client aura touché moins de 8 milliards sur les 10 prévus, la banque nationale de la Guinée équatoriale ayant décidé entre-temps de bloquer ses comptes », dénonce aujourd’hui l’un des conseils de la CBGE. Et ce n’est que le début de l’embrouille. « Par la suite, un protocole fictif a été signé entre les anciens conseils de mon client et un représentant de la Guinée équatoriale en France : on a appris qu’une somme de 7,5 millions d’euros a été versée à un huissier non mandaté. Mais mon client n’a jamais touché cet argent », ajoute-t-il, « convaincu » également que « les 7,5 millions d’euros ont été détournés par les fonctionnaires de l’État équato-guinéen ».

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Se considérant abusée, la CBGE estime que le protocole conclu fin 2012 avec la Guinée équatoriale est désormais « nul et non avenu ». En conséquence : la banque réclame la créance initiale et les intérêts, soit environ 58 millions d’euros, si l’on déduit les quelques 8 milliards de francs CFA versés qu’elle reconnaît avoir perçus.

Me Jean-Charles Tchikaya préfère en rire. « Dans l’accord entre la CBGE et la Guinée équatoriale, il est clairement stipulé qu’en cas de difficultés, il faut s’en remettre à un tribunal arbitral, avance-t-il. La dénonciation du protocole ne peut donc être unilatérale mais constatée par une décision arbitrale. » Pis, pour l’avocat de l’État équato-guinéen, « [son] client a déjà payé toute la créance que lui réclame aujourd’hui la CBGE ». Une « banque d’ailleurs qui n’existe pas en Guinée équatoriale, n’a ni clientèle, ni guichet », tance-t-il. Et de promettre : « La Guinée équatoriale va saisir le juge compétent pour obtenir très rapidement la main levée sur l’avion de la Ceiba international. »

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