Kin-Kiey Mulumba, ministre des Relations avec le Parlement : « Pourquoi il faut repenser le système électoral en RDC »
En prévision du dialogue politique à venir en RDC, Tryphon Kin-Kiey Mulumba, l’un des fervents défenseurs d’un troisième mandat pour Joseph Kabila, plaide pour l’instauration d’un scrutin indirect pour l’élection du président de la République. Interview.
Dans une interview accordée à Jeune Afrique en 2007, Joseph Kabila avait donné sa « parole d’honneur », sa « parole d’officier » : il ne ne touchera pas à la limitation des deux mandats présidentiels consacrée dans la Constitution de la RDC. Huit ans plus tard, alors que s’approche la fin de son second et dernier quinquennat – réélu en 2011, il ne peut plus, en état actuel de la Loi fondamentale congolaise, se représenter en 2016 -, le président congolais maintient le suspense. Partira ? Partira pas ?
Personne ne peut répondre aujourd’hui avec certitude à la question. Mais de nombreux signaux laissent entrevoir une certaine envie de Joseph Kabila de vouloir (re)négocier le prolongement de son bail au Palais de la nation. Pour l’instant, le chef de l’État qui a entamé des consultations en vue d’un nouveau dialogue politique ne s’est pas officiellement prononcé.
En attendant, ce sont ses lieutenants qui fourbissent tous les jours leurs armes pour tenter de lui baliser la voie vers un troisième mandat. À l’instar de Tryphon Kin-Kiey Mulumba, ministre congolais chargé des Relations avec le Parlement et président de l’association Kabila désir, auteur fin juin de « l’appel de Masimanimba« , un vibrant plaidoyer pour le maintien de Joseph Kabila au pouvoir, lancé depuis son fief électoral de Bandundu, dans l’ouest de la RDC.
Jeune Afrique : Quelles sont les raisons qui vous motivent à soutenir un éventuel prolongement ou un renouvellement du mandat du président Joseph Kabila ?
Tryphon Kin-Kiey Mulumba : Après des années de conflits armés, la RDC est un État post-conflit mais dont les richesses du sous-sol sont encore très convoitées par l’extérieur. Le risque pour le pays de basculer de nouveau dans une situation d’insécurité doit donc être pris très au sérieux. Quand l’on voit ce qui se passe en Libye ou en Tunisie, nous nous devons de penser d’abord Congo, c’est-à-dire suivre notamment l’exemple de l’Algérie qui a fait le choix de la stabilité. D’autant que chez nous, il n’existe pas d’hommes compétents acceptés par l’ensemble du pays. Et ce n’est pas du jour au lendemain que n’importe qui peut prétendre être en mesure de diriger un pays comme la RDC.
À part Joseph Kabila, aucun Congolais ne serait donc « apte » à prendre les rênes du pays ?
Au Congo, le problème n’est pas d’avoir une compétence, mais celle-ci doit être acceptée par les forces sociales et politiques en présence dans le pays : les 400 tribus, l’armée, la police, etc. D’où la nécessité de rechercher un consensus dans la désignation des dirigeants.
C’est pourquoi nous devons nous mettre autour d’une table. Malheureusement, des opposants qui demandaient le dialogue se rétractent. Ils exigeaient le calendrier global des élections. Mais quand la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) leur donne, ils le rejettent. Il est temps de nous regarder les yeux dans les yeux pour parler de l’avenir : est-ce que des lois en vigueur aujourd’hui sont celles qui nous permettront de reconstruire notre pays ? N’ont-elles pas été inspirées par des modèles qui ne nous correspondent pas ?
En 2011, le scrutin présidentiel est passé à un tour à la veille de l’élection. Aujourd’hui, à quelques mois de la présidentielle prévue en novembre 2016, voudriez-vous à nouveau changer les règles du jeu ?
Je plaide pour l’instauration du scrutin indirect pour l’élection du président de la République
Ce n’est plus une question taboue et il faut que ce débat puisse avoir lieu. Tenez, lorsque l’opposition réclame aujourd’hui que les nouveaux mineurs puissent avoir le droit de voter lors des prochaines élections, c’est, de fait, exiger l’organisation d’un recensement. Forcément, cela implique le « glissement » [l’organisation des élections au-delà des délais constitutionnels prévus, ndrl]. Que faire ? Sachant que ces scrutins vont coûter très cher – on prévoit 1,2 milliards de dollars pour les locales, provinciales, législatives et présidentielle de 2015 et 2016 -, je préconise de repenser le système électoral en RDC.
Concrètement, je plaide pour l’instauration du scrutin indirect pour l’élection du président de la République. Dans le contexte congolais, ce mode de scrutin aura le mérite de réduire sensiblement la contestation à l’issue de la publication des résultats des élections. Un corps électoral de 500 ou 600 grands électeurs élus au niveau local permettrait au pays de faire d’une part l’économie des moyens et de l’autre celle de la contestation. Ce ne sera pas une exception congolaise puisque sur le continent – Afrique du Sud, Angola – ou dans le monde – États-Unis par exemple -, plusieurs pays élisent déjà leur président de la République de cette manière.
Votre proposition ne risque-t-elle pas d’être interprétée comme un stratagème de plus pour maintenir le président Kabila au pouvoir ?
Au contraire. Elle est appelée à être débattue autour d’une table. C’est l’esprit même du consensus que je défends. Nous, les Congolais, nous devons nous asseoir et discuter de ce qui est bon pour notre pays. En sachant que tout se fera avec Kabila parce que c’est lui le président de la République. Tout se fera donc par lui et rien ne sera sans lui ni contre lui. Car aujourd’hui, en RDC, on ne peut pas exclure de la solution celui qui détient le pouvoir. À moins d’envisager un coup d’État.
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