Cinq questions autour du deal Orange-Airtel

Airtel, qui compte 76,2 millions de clients en Afrique pour 4,4 milliards de dollars de revenus, a décidé de vendre quatre filiales au français Orange. Explications.

Airtel ne sera plus présent que dans treize pays africains. © Tony Karumba/AFP

Airtel ne sera plus présent que dans treize pays africains. © Tony Karumba/AFP

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 21 juillet 2015 Lecture : 3 minutes.

Orange et Airtel ont annoncé dans un communiqué commun diffusé le 20 juillet au soir être entrés en négociations exclusives pour la vente des filiales du groupe indien au Burkina, au Congo, au Tchad et en Sierra Leone au groupe français. Jeune Afrique décrypte les raisons de ce deal pas si surprenant…

1 – Pourquoi Airtel veut-il vendre certains actifs ?

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Parce qu’Airtel continue de connaître des résultats financiers décevants en Afrique : au cours de son dernier exercice fiscal (mars 2014-mars 2015), le groupe indien a souffert d’une perte nette de 580 millions de dollars sur le continent. Un vrai problème d’autant que le groupe a payé cher son entrée sur le continent, en offrant en 2010 9 milliards de dollars au koweïtien Zain pour le rachat de ses 15 actifs au sud du Sahara. Sa stratégie de baisse massive des prix, qui avait assuré son succès en Inde, n’a pas fonctionné en Afrique.

Malgré ces évidences, Christian de Faria, nouveau patron Afrique d’Airtel venu de MTN, réfutait il y a quelques mois encore l’idée de vendre certains actifs… Il a semble-t-il changé d’avis.

2 – Pourquoi ces filiales-ci ?

Parce que ce sont de petits marchés, qui ne pèsent en tout qu’environ 15% des revenus africains du groupe. En revanche, Airtel ne vend pas ses actifs les plus en difficulté, comme on aurait pu s’y attendre.

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En effet, dans les pays concernés par le deal avec Orange, le groupe indien ne perd pas d’argent, il s’est même renforcé sur certains de ces marchés (au Congo, notamment, où il a racheté en 2013 le numéro trois Warid Congo pour donner naissance au leader) et y occupe en général de bonnes positions. Si Airtel vend ces actifs-là, c’est donc très probablement surtout parce que l’acquéreur potentiel, Orange, s’y intéresse fortement…

En tout, le groupe français gagnerait entre 450 et 500 millions d’euros de revenus supplémentaires en Afrique

3 – Quel intérêt pour Orange ?

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Orange est intéressé par ces quatre pays parce qu’il n’y est pas présent et qu’ils peuvent compléter son dispositif régional. Le groupe français ne cache pas son intérêt depuis longtemps pour le Burkina (il a lorgné un temps Telecel Faso) et ce pays, avec la Sierra Leone, compléterait un peu plus le solide dispositif ouest-africain du groupe.

De la même manière, en Afrique centrale, Orange est présent en RD Congo, au Cameroun et en Centrafrique. Le Tchad et le Congo-Brazzaville compléteraient cette implantation. En tout, le groupe français gagnerait entre 450 et 500 millions d’euros de revenus supplémentaires en Afrique avec ces acquisitions (sur un total d’environ 5,5 milliards actuellement).

4- Airtel peut-il se désengager d’Afrique ?

Evidemment, rien n’est impossible, d’autant que depuis le rachat des actifs de Zain, le groupe indien est plombé par une dette de plus de 10 milliards de dollars et que les marchés verraient d’un bon oeil un désengagement. Mais, dans un message adressé à Reuters, le groupe indien a réaffirmé son engagement africain et insisté sur le fait que la vente des quatre filiales, si elle se concrétise, lui permettra de se concentrer sur les marchés restants. Airtel compte une trentaine de millions de clients au Nigeria seulement, mais l’opérateur y gagne peu d’argent. Il compte également 8 millions de clients au Kenya.

5 – Quelles implications pour le marché des télécoms ?

On croyait, il n’y a pas si longtemps, le grand jeu des fusions-acquisitions dans les télécoms africains terminé. Il n’en a rien été : Vivendi a cédé Maroc Telecom à Etisalat, Airtel se désengage désormais de plusieurs actifs, comme l’a fait avant lui Orange (en Ouganda) ou Warid.

Bref, si l’octroi de nouvelles licences s’est ralenti un peu partout, le monde des télécoms reste en ébullition : en effet, alors que les revenus tirés de la voix diminuent régulièrement, la question du développement des services sur mobile (internet, paiement, etc) est au coeur des lourds investissements que doivent désormais réaliser les opérateurs.

De manière plus symbolique, Orange – qui domine déjà Airtel par le nombre d’abonnés en Afrique – passerait aussi devant son concurrent indien en termes de pays de présence : le groupe français en compterait 20, Airtel plus que 13…

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