Toyota Tsusho, distributeur agréé

TTC finalise le rachat du groupe panafricain CFAO. Portrait d’un expert des économies émergentes, qui oeuvre en étroite coordination avec Tokyo… et le constructeur Toyota.

TTC reste étroitement lié au conglomérat Toyota.

TTC reste étroitement lié au conglomérat Toyota.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 1 novembre 2012 Lecture : 5 minutes.

« C’est certainement l’opération de fusion-acquisition internationale (hors secteur minier et pétrolier) la plus importante jamais réalisée en Afrique depuis le rachat de Zain par Bharti en 2010. Et encore, celui-ci ne concernait qu’une dizaine d’Etats africains, alors que cette opération a un impact sur 32 pays africains ! » s’enthousiasme Pierre Marly, qui conseille TTC sur les aspects africains du rachat de CFAO. « La réactivité de l’équipe projet japonaise chargée de l’opération est impressionnante », poursuit l’avocat d’affaires, qui a déjà travaillé avec des sociétés japonaises plus rigides comme les conglomérats Sumitomo et Mitsubishi.

Pour la maison de commerce japonaise (sogo shosha), qui, en cas de succès de son OPA amicale, devra débourser 1,8 milliard d’euros, l’opération est sa plus grosse acquisition au-delà de ses frontières. Fondé en 1948, TTC s’est développé via l’implantation de comptoirs de négoce au Japon puis à l’international en s’appuyant sur les réseaux d’information du Meti, le ministère nippon de l’Économie. Avec un chiffre d’affaires de 55 milliards d’euros dans sept métiers différents (voir infographie), la société a réalisé un résultat net de 620 millions d’euros à fin mars 2012 (+ 41 % sur un an). Même si elle a considérablement diversifié ses activités à la suite de fusions-acquisitions avec d’autres sogo shosha, elle tire encore 58 % de ses bénéfices de sa division automobile, qui ne représente pourtant plus que 11 % de son activité.

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Secret de polichinelle

TTC reste étroitement lié au conglomérat Toyota, dont il est la maison de commerce unique et historique. Le constructeur automobile Toyota Motor détient 21,8 % de son capital, le fabricant de machines et d’équipements Toyota Industries 11,2 %. Une proximité dont TTC se défend aujourd’hui afin de rassurer les 52 autres marques distribuées par CFAO sur sa volonté de ne pas privilégier Toyota, leader mondial et subsaharien de l’automobile. Reste que, pour les connaisseurs de l’économie japonaise, derrière le deal TTC-CFAO, la main de Toyota Motor n’est pas loin. « C’est un secret de polichinelle, indique un Japonais proche du dossier. TTC ne fait rien sans l’aval de Toyota Motor et de Toyota Industries. Les trois compagnies fonctionnent comme des entités soeurs, leurs sièges sont situés dans la même ville de Nagoya. Si Toyota Motor et Toyota Industries se consacrent à l’excellence technique et à la commercialisation de leurs produits dans les pays occidentaux ou dits stables, TTC a toujours été leur bras armé commercial et logistique dans les pays plus compliqués, où ses talents d’adaptation font des merveilles. »

À l’international, l’acquéreur de CFAO était jusqu’à présent surtout actif en Asie et en Amérique latine. Au-delà de la galaxie Toyota, TTC vend pour un large panel d’industriels japonais de l’automobile, de l’électronique et des infrastructures et achète pour leur compte les minerais nécessaires à leurs activités de production. Ces cinq dernières années, la sogo shosha a implanté des distributeurs de voitures et de motos en Équateur et au Cambodge, des équipementiers automobiles en Chine et au Mexique, une centrale biogaz en Thaïlande, et elle s’est lancée dans le métier de courtier d’assurances au Vietnam.

L’Afrique n’est pas un terrain totalement vierge pour TTC, déjà présent à travers sa division automobile. Le groupe a des antennes dans dix pays (Algérie, Sénégal, Côte d’Ivoire, Tunisie, Égypte, Angola, Kenya, RD Congo, Maurice, Afrique du Sud) et y distribue les marques japonaises Toyota, Suzuki, Daihatsu, Subaru, Hino (camions) et Yamaha (motos). « C’est seulement dans certains pays d’Afrique de l’Est que les réseaux de distribution de CFAO et de TTC sont présents tous les deux. Sur le reste du continent, le maillage des des deux groupes est complémentaire», estime Pierre Marly, qui rappelle aussi l’intérêt des Japonais pour les activités non automobiles de CFAO. « Les filiales pharmaceutiques [Eurapharma, NDLR] et de distribution d’équipements et services [CFAO Industries] de CFAO s’intègrent parfaitement avec les stratégies et les activités des différentes divisions non-automobile de TTC ». Le groupe est en effet déjà actif dans ces métiers en Asie mais l’est peu en Afrique, à l’exception de l’Afrique du Sud et de la RD Congo où il distribue déjà des équipements pour le BTP et le secteur minier. TTC y voit donc un levier pour continuer sa stratégie de diversification. Reste à savoir si la maison de commerce sera efficace pour distribuer des marques non japonaises… Et si elle conservera les activités de CFAO dans les départements et territoires d’outre-mer français.

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Dures négociations

Sur le continent, le groupe de Nagoya est également actif à travers sa division de négoce de métaux (29 % de son chiffre d’affaires). Il achète du minerai en Afrique australe et fera bientôt de même au Maroc. « TTC est le premier importateur d’étain du Japon. Chaque année, il en achète 30 000 tonnes, la moitié pour l’industrie automobile et l’autre pour les fabricants électroniques », indique Wayne Bramwell, directeur général de Kasbah Resources, une junior minière qui a noué en mars un accord commercial avec TTC dans le cadre d’un projet d’extraction d’étain à Achmmach, près de Meknès, au Maroc. « Les cadres de la division métaux de TTC sont des professionnels habitués aux dures négociations commerciales. En dehors de l’étain, ils achètent du lithium et des terres rares, notamment en Asie, en Argentine et au Canada. Ils le font toujours en bonne coordination avec leurs deux principaux clients, Toyota Motor et Toyota Industries », ajoute-t-il.

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Achat de minerais d’un côté, vente de voitures et d’équipements industriels et agricoles japonais de l’autre : le modèle historique de TTC devrait prendre une nouvelle dimension avec CFAO. Et d’autres firmes nippones devraient lui emboîter le pas. « Nos entreprises s’intéressent davantage à l’Afrique, nous les poussons à sortir de leur pré carré asiatique et à prendre plus de risques », indique Masa Sugano, du Meti, qui rappelle les deux dernières grandes opérations japonaises, celle du géant des télécoms NTT et celle de l’industriel Kansai Paint, qui ont racheté respectivement les sud-africains Dimension Data (pour 2,3 milliards d’euros) et Freeworld Coatings (200 millions d’euros) en 2010 et 2011.

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