L’intégration juridique au service de l’émergence du continent africain

Boris Martor est avocat associé de Eversheds LLP, où il dirige le groupe Afrique. Il est également co-auteur de l’ouvrage « Le droit uniforme africain des affaires issu de l’Ohada » (LITEC, 2009).

Boris Martor, associé du cabinet Eversheds. DR

Boris Martor, associé du cabinet Eversheds. DR

Publié le 23 octobre 2012 Lecture : 4 minutes.

À l’heure où les Africoptimistes sont de plus en plus nombreux, on peut se demander comment le continent va délivrer cette croissance soutenue que l’on prédit en moyenne de 5 à 6% pour cette année.

Au-delà de la croissance, le développement passe pour de nombreux observateurs par l’acquisition d’une taille critique par les économies nationales. L’intégration régionale des États africains, en marche depuis une décennie, œuvre en ce sens et montre déjà un certain succès au niveau économique et monétaire. Cette intégration semble même se renforcer dans la zone australe de l’Afrique avec des initiatives telles que la Comesa et l’EAC, ainsi qu’avec la création de plus en plus de structures au rayonnement régional, à l’initiative d’opérateurs régionaux ou internationaux, formant de véritables hubs dans certains points du continent.

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Mais cette taille critique ne peut être réalisée par la seule intégration régionale des États.

L’intégration juridique et le mouvement d’uniformisation des règles du droit des affaires doivent accompagner des intégrations plus larges pour faciliter les réformes, l’amélioration du climat des affaires et permettre aux opérateurs de développer le commerce entre les États ainsi que des projets d’envergure régionale.

À cet égard, l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), constitue un exemple édifiant. En 2012, la Banque mondiale a pour la première fois reconnu que les États membres de l’Ohada ont accru le rythme de réformes pour améliorer la capacité des entreprises locales à véritablement entreprendre.

L’Ohada semble même inspirer d’autres entités régionales africaines comme l’East African Community.

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L’Ohada semble même inspirer d’autres entités régionales africaines comme l’East African Community, qui cherche à harmoniser les règles de droit à l’échelle de ses cinq États membres.

En moins de deux décennies, l’Ohada a accompli le tour de force de mettre en place une organisation régionale disposant d’instruments juridiques de pointe dans des domaines tels que le droit commercial, le droit des sociétés, le droit des sûretés, le droit des procédures collectives ou encore l’arbitrage. 17 États d’Afrique ont ainsi harmonisé leur droit des affaires beaucoup plus rapidement que ne le fait l’Union européenne dans certains secteurs comparables tels que le droit des sociétés.

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L’Ohada est devenu un modèle attractif pour les États et un gage de sécurité pour les entreprises nationales et les investisseurs étrangers. Elle rivalise avec l’Europe au regard de certains indicateurs dont rend compte le rapport Doing Business 2012 dans les États membres de l’Ohada en facilitant notamment la création d’entreprises, la construction d’infrastructures ou l’obtention de prêts.

Il y a encore peu, le droit national des États membres était appréhendé par certains comme un obstacle, du fait de règles obsolètes ou non identifiables. Sous l’influence du droit Ohada, il devient aujourd’hui un allié répondant à un double objectif : stabilisation et permanence normative d’une part, efficience des dispositifs juridiques d’autre part.

Chaque adoption d’une réglementation moderne en droit des affaires accompagne un accroissement des investissements dans la région qui constitue un support à l’intégration économique régionale. Les opérateurs peuvent ainsi mettre en œuvre leurs stratégies plus facilement de manière transfrontalière ou établir des modes de gouvernance déclinables grâce aux possibilités offertes par le droit Ohada.

L’Ohada constitue un modèle sans équivalent dans le monde qui doit être salué et élargi à d’autres pays.

Avec le projet d’acte uniforme sur le droit des contrats, celui sur le droit du travail ou encore l’adhésion récente de la RD Congo, l’Ohada constitue un modèle sans équivalent dans le monde qui doit être salué et élargi à d’autres pays.

L’Afrique centrale, avec l’adhésion de la RD Congo renforce ainsi son intégration juridique en associant dans l’Ohada un pays quatre fois plus vaste que la France et peuplé de 70 millions d’habitants. La RD Congo va quant à elle pouvoir mieux exploiter son fort potentiel hydroélectrique ou minier et renforcer son attractivité en modernisant son environnement juridique inadéquat jusque là sur de nombreux sujets ayant trait au droit des affaires. La RD Congo bénéficiait en effet d’une bien mauvaise réputation auprès des opérateurs économiques, tant nationaux qu’internationaux, confrontés aux lenteurs et lourdeurs du système juridique actuellement en vigueur. Il fallait jusqu’ici compter environ 5 mois pour la création d’une entreprise en RD Congo ! [1]

L’unification du droit convergeant avec les intégrations économiques ne peut que soutenir la croissance économique et le dynamisme des échanges dans les pays régionaux du continent, et participer elle-même à un véritable développement social ultérieur par ricochet.

L’effet de la règle de droit et de cette intégration ne se mesurera que dans quelques générations, mais chacun d’entre nous se doit sans doute de réfléchir aux meilleurs moyens de l’accompagner rapidement encore plus loin.


[1] Source, Rapport Doing Business, édition 2009

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