Sidérurgie : Sonasid entre le marteau et l’enclume

Face à la montée de la concurrence étrangère et au renchérissement des coûts de production, le cours de l’entreprise fait grise mine.

A la Bourse de Casablanca, la dégringolade de l’action de Sonasid se poursuit.

A la Bourse de Casablanca, la dégringolade de l’action de Sonasid se poursuit.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 23 octobre 2012 Lecture : 4 minutes.

Les analystes financiers savaient que la Société nationale de sidérurgie (Sonasid) était mal en point, mais le profit warning (alerte sur résultats) du 15 août en a surpris plus d’un. « Nous pensions que l’entreprise, qui détient 53 % du marché national de l’acier long [principalement destiné à la construction, NDLR], était en redressement après la forte baisse des résultats enregistrée en 2010 », reconnaît Zineb Tazi, chez BMCE Capital. Optimiste, elle avait même intitulé ainsi sa note d’avril : « Une convalescence en bonne voie. » Le 8 octobre, dans un nouveau document, l’analyste s’est ravisée en titrant : « Une convalescence interrompue. »

De fait, l’activité du groupe marocain au premier semestre a été très perturbée. Son chiffre d’affaires, de 2,7 milliards de dirhams (241,5 millions d’euros), a stagné (- 0,2 % sur un an), mais son résultat d’exploitation a chuté de 65 % en raison de la hausse de ses coûts d’exploitation et de la baisse des prix de vente de ses produits, le rond à béton (utilisé dans la construction) et le fil machine (dont on fait des clous, des épingles, etc.). Pis, la mauvaise gestion des stocks de sa filiale Longometal Armatures a rendu inévitable la passation de provisions à hauteur de 25 millions de dirhams. Le résultat net consolidé de Sonasid est passé dans le rouge, avec des pertes de 10,8 millions de dirhams au premier semestre. Pour l’ensemble de l’année, BMCE Capital prévoit désormais une perte nette part du groupe de 35,7 millions de dirhams.

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Ferraille et billette

Du coup, à la Bourse de Casablanca, la dégringolade se poursuit. Le titre, qui avait atteint en mai 2010 un pic de 2 550 dirhams, a perdu la moitié de sa valeur avec, depuis le 1er mars dernier, une chute de 37 %. Détenu à 64,9 % par Nouvelles Sidérurgies industrielles, une coentreprise entre ArcelorMittal et la Société nationale d’investissement (SNI, holding royal), le groupe se trouve entre le marteau et l’enclume.

D’un côté, son approvisionnement est plus onéreux qu’avant. Le coût de la ferraille, qu’il achète pour son aciérie de Jorf Lasfar, est en forte hausse, en raison de la demande croissante d’autres consommateurs marocains comme Univers Acier ou Maghreb Steel. Quant à la billette (barrette d’acier), autre intrant pour ses laminoirs de Nador et Jorf Lasfar, elle reste chère compte tenu des prix toujours élevés du fer et de l’énergie.

Dans le même temps, Sonasid fait face à une arrivée massive d’importations venues d’Europe du Sud et du Moyen-Orient. « Les producteurs espagnols de ronds à béton et d’armatures, confrontés à la crise de la construction chez eux, sont en surcapacité : l’Espagne produit 6 millions de tonnes d’acier mais n’en consomme que 3 millions, explique Fayçal Allouch, analyste chez CFG Group. Du coup, comme ils ne peuvent pénétrer les marchés d’Europe de l’Ouest, protégés par des normes drastiques, ils se sont rabattus sur le Maroc. Par ailleurs, les producteurs turcs et égyptiens de fil machine ont des coûts de personnel et d’électricité bien inférieurs à ceux de Sonasid. » De fait, les importations de ronds à béton ont été multipliées par cinq depuis 2011, et celles de fil machine par quatre.

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Dans ce contexte difficile, Sonasid reste handicapé par ses choix stratégiques passés. « La décision de se focaliser sur le rond à béton, en maintenant les prix, était en déphasage avec l’évolution des tarifs internationaux et a fait le jeu de la concurrence locale et espagnole », observe Zineb Tazi. « En 2009 et 2010, alors que le cycle baissier de l’acier débutait, le management a pris la décision – incompréhensible – de stocker massivement sa production en attendant des jours meilleurs, indique Fayçal Allouch. Du coup, quand il s’est rendu compte que les cours ne remonteraient plus, il a vendu ses reliquats à prix cassés. Quant aux équipes d’audit interne, elles n’ont pas su détecter les mauvaises pratiques qui avaient cours au sein de Longometal Armatures. » Un procès est d’ailleurs en cours contre l’ancien directeur de la filiale.

Plus rigoureux

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Le management de Sonasid semble être revenu sur de meilleurs rails avec l’arrivée à la direction générale d’Ayoub Azami – un ancien de Lafarge Maroc, choisi par la SNI -, mais aussi d’un nouveau directeur financier et d’un nouveau patron pour Longometal Armatures, venu d’ArcelorMittal. « Désormais, le management est plus transparent, note Fayçal Allouch. Il n’hésite plus à communiquer avec les investisseurs, et sa gestion de trésorerie est plus rigoureuse. »

Même si BMCE Capital et CFG Group recommandent tous deux de vendre le titre, avec des cours cibles respectifs de 1 022 et 1 200 dirhams (avec un cours à 1 249 dirhams le 17 octobre), tout n’est pas sombre pour Sonasid. Pour améliorer sa compétitivité, le groupe compte continuer l’optimisation de ses installations industrielles tout en adoptant une attitude commerciale plus agressive, au Maroc mais aussi en Algérie et en Mauritanie, où il vend 10 % de sa production. À long terme, cette stratégie devrait se révéler payante. 

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