Afrique du Sud : « Arab In Black », le chef d’oeuvre d’Irma Stern servait à épingler des post-it dans une cuisine
Un tableau sud-africain ayant joué un rôle dans la défense de Nelson Mandela en 1957 servait à accrocher les factures et autres post-it dans la cuisine d’un appartement londonien. Sa valeur est estimée à 1 million d’euros.
Un panneau d’affichage recouvert de post-it et de cartes postales. Voilà ce qu’était devenue Arab In Black, une toile de la peintre sud-africaine Irma Stern.
Cette peinture datant de 1939 a été identifiée par Hannah O’Leary, une spécialiste de l’art sud-africain chez Bonhams (une maison d’enchères sud-africaine basée à Londres) lors de l’évaluation d’un appartement. Un tableau expertisé aujourd’hui à 1 million de livres, soit près de 1,5 millions euros. « J’ai repéré ce chef-d’œuvre accroché dans la cuisine couvert de lettres, de cartes postales et de factures. Ça a été une trouvaille extrêmement excitante pour moi, avant même que je découvre sa signification politique », explique-t-elle au Guardian.
Un don à la lutte contre l’apartheid
Ce tableau s’inscrit en effet directement dans la grande histoire de la nation arc-en-ciel. A la fin des années 1950, lorsque Nelson Mandela, Walter Sisulu, Albert Luthuli, Oliver Tambo et près de 150 autres militants de l’ANC sont accusés de haute trahison par le gouvernement de l’apartheid, une vente caritative d’oeuvres d’art est organisée pour financer les frais juridique des prévenus. La collectionneuse Betty Suzman, belle soeur de Helen Suzman, figure emblématique de l’opposition à l’apartheid, fera alors don de cette oeuvre, la plus importante du lot. Les ventes auront lieu pendant ce procès au long court (1957-1961), au terme duquel Madiba échappera à la peine de mort. Mais pas à son destin, puisqu’il sera à nouveau emprisonné un an plus tard et condamné à la prison à vie en 1964. Le tableau, lui, voyagera de l’Afrique du Sud à Londres, où il vient d’être reconnu chez les descendants des propriétaires.
Une côte qui ne cesse de monter
Irma Stern, considérée comme la plus grande peintre sud-africaine du XXe siècle, connaît un tournant dans sa vie et dans son oeuvre après son divorce en 1934 et, un an plus tard, le décès de son père. Dans un mouvement de libération, elle va s’ouvrir sur le monde et ses voyages la mèneront notamment à Zanzibar entre 1939 et 1945, où elle va se passionner pour la spiritualité de la religion musulmane. Elle y produira une série de portraits, dont Arab In Black, qui est considéré comme son chef d’oeuvre. L’imposant cadre du tableau – où étaient épinglés les post-it et autres factures – est sculpté dans un bois précieux de Zanzibar, aujourd’hui interdit à l’exportation.
Cette histoire pourrait accroître un peu plus encore la côte d’une artiste qui n’a cessé de monter depuis son décès au Cap en 1966. En 2011, sa toile Arab Priest (1945) a été vendue pour 4,3 millions d’euros, tandis qu’un an plus tôt, Bahora Girl (1939), se vendait déjà à 3,8 millions de livres. Arab In Black sera vendue aux enchères, chez Bonhams toujours, le 9 septembre, et pourrait battre un nouveau record.
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