Robert Jackson : « La construction d’institutions démocratiques est la priorité d’Obama »
L’assistant adjoint principal du secrétaire d’État américain, John Kerry, explique les choix des pays visités par Barack Obama pendant sa tournée africaine, du 24 au 27 juillet.
Barack Obama est arrivé vendredi soir au Kenya, pays de son père, et doit rester sur le continent jusqu’au 27 juillet. Il présidera le Sommet mondial de l’entreprenariat, un événement que la Maison blanche organise chaque année et qui se tient pour la première fois en Afrique subsaharienne. Il doit aussi rencontrer le président Uhuru Kenyatta et s’adresser aux Kényans lors d’un discours, dans un stade de Nairobi, retransmis en direct à la télévision kényane.
À Addis-Abeba, sa deuxième et dernière étape, il rencontrera le Premier ministre, Haile Mariam Desalegn, ainsi que la présidente de la Commission de l’Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini-Zuma, avant de s’adresser aux les représentants du continent. « Ce sera un discours majeur », assure déjà Robert Jackson, l’assistant adjoint principal du secrétaire d’État, John Kerry. Ce diplomate du Bureau des affaires africaines a répondu aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Lors de ses précédents déplacements en Afrique subsaharienne, Barack Obama avait veillé à ne visiter que des pays au bilan démocratique irréprochable. Est-ce que ces visites, notamment en Éthiopie, marquent une inflexion vers une politique plus réaliste ?
Robert Jackson : Je ne pense pas que ce soit une question de réalisme. Au Kenya et en Éthiopie, ce sont les premières visites d’un président américain en exercice. Le Kenya est une démocratie. Quant à l’Éthiopie, c’est le siège de l’Union africaine. Barack Obama s’est déjà rendu dans des pays peu démocratiques comme la Birmanie. Et ce que nous avons constaté, c’est que ces visites ont accéléré les réformes démocratiques. Ce voyage pourra donc être un moyen d’encourager l’Éthiopie à emprunter cette voie.
Ruto coopère avec la CPI et il nous semble acceptable d’avoir des contacts avec lui
À Nairobi, va-t-il rencontrer le vice-président, William Ruto, qui est encore poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) ?
Comme vous le savez, les poursuites de la CPI contre le président Kenyatta ont été abandonnées. Et depuis, nos relations avec ce pays se sont beaucoup améliorées.
Pour ce qui est du vice-président Ruto, il est probable qu’ils se croisent et se serrent la main. Ruto coopère avec la CPI et il nous semble acceptable d’avoir des contacts avec lui.
Comment qualifiez-vous le régime éthiopien ? D’État « semi-autoritaire », comme votre ancien patron, Johnnie Carson ?
Oui. Nous sommes très critiques sur le déroulement des dernières élections. Le processus a été imparfait et non conforme aux normes démocratiques. Il y a eu des restrictions contre la société civile, les médias, les partis d’opposition, et le refus d’accréditer des observateurs américains. La loi éthiopienne contre le terrorisme et ses conséquences pour la liberté d’expression nous inquiète aussi.
Nous allons en parler avec les autorités éthiopiennes. Par ailleurs, plusieurs journalistes et blogueurs détenus et dont le sort nous inquiétait ont été relâchés juste avant notre arrivée.
L’année dernière, lors du Sommet États-Unis – Afrique, Barack Obama a dit clairement que la relation entre son pays et le continent n’était pas assez forte. Le constat est-il toujours valable ?
Je pense que nous avons progressé. Mais nous avons encore du travail à faire. La construction d’institutions démocratiques reste notre priorité numéro un. Nous investissons toujours quelques 7 milliards de dollars par an dans des programmes de développement en Afrique subsaharienne. Le président pense qu’investir dans la prochaine génération de dirigeants est absolument critique. Et il y a déjà des résultats.
Lesquels ?
D’ici deux semaines, 500 nouveaux jeunes leaders africains se réuniront à Washington en sommet. Ceux qui ont pris part à ce programme l’année dernière disent tous que les sept semaines qu’ils ont passées aux États-Unis les ont transformés.
Je pense que si vous interrogez le président Obama sur son bilan en Afrique, il citera en premier l’initiative des jeunes leaders africains et son travail pour l’entreprenariat.
Nous ne formons pas des révolutionnaires, mais nous formons des leaders
Plusieurs anciens participants à ces programmes se sont farouchement opposés aux projets de réformes constitutionnelles de leurs gouvernements, comme au Sénégal, au Burkina Faso ou en RD Congo. Est-ce l’un des objectifs de vos programmes ?
Ce n’était pas le but. Mais bien sûr, nous avons dit aux jeunes leaders que nous croyons dans la nécessité d’institutions fortes en Afrique, plutôt que d’hommes forts. Nous pensons qu’une Constitution ne devrait pas être changée pour qu’un individu reste au pouvoir. Nous venons d’assister à la première alternance démocratique au Nigeria, c’est historique. Les peuples du Burkina Faso, du Sénégal et de la RD Congo se sont clairement exprimés. Les Burundais aussi, même si le président Nkurunziza a été réélu cette semaine au travers d’un processus très imparfait.
Nous ne formons pas des révolutionnaires, mais nous formons des leaders. Et s’ils choisissent d’être actifs politiquement, nous pensons que c’est une bonne chose pour leur pays.
Pendant que Barack Obama était au pouvoir, la Chine est devenu le principal partenaire commercial de l’Afrique, passant devant les États-Unis. N’est-ce pas un échec de sa présidence ?
Non. Nous sommes ravis des efforts de la Chine en faveur du développement de l’Afrique et notamment dans le domaine des infrastructures. Dans le domaine de l’énergie par exemple, notre plan, qui vise à raccorder 60 millions de ménages africains à l’électricité, va dans le même sens.
Les projets et les produits que la Chine échange avec l’Afrique ne sont pas du même type que ceux de nos entreprises. Il n’y a donc pas de compétition directe.
Les Etats-Unis ne cherchent pas à rattraper la Chine en Afrique ?
Tant que la compétition est équitable, cela nous convient.
Ce voyage de Barack Obama en Afrique est-il son dernier en tant que président ?
Ce sera son quatrième voyage, donc ce sera probablement le dernier. Mais il lui reste 18 mois de mandat, donc tout reste possible. Quoiqu’il en soit, le secrétaire d’État, John Kerry, a prévu de retourner en Afrique dans les mois qui viennent, probablement au moins au Nigeria et en Afrique du Sud.
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