Tunisie : Tunisair ou le tourisme, il faut choisir
Les négociations reprennent pour la libéralisation du ciel tunisien. Attendu par les hôteliers et autres opérateurs mais sans cesse reporté, l’accord risque de frapper douloureusement la compagnie nationale.
Les flottes africaines décollent
A l’étude depuis 2008 et prévue pour 2010, l’ouverture du ciel avait été reportée puis suspendue pour cause de révolution. Mais la Tunisie reprend en octobre les négociations avec l’Union européenne. Cette fois, le ministre du Transport s’est engagé à les faire aboutir – malgré les risques que l’accord Open Sky, qui permettra aux compagnies low cost européennes de desservir la Tunisie, représentent pour Tunisair.
« L’ouverture du ciel national à la concurrence va obliger le transporteur public à réduire son effectif », affirme ainsi Ali Tounsi, secrétaire général Afrique du Conseil international des aéroports. La compagnie, qui emploie 3 000 personnes, annonce 82,1 millions d’euros (160 millions de dinars) de pertes pour 2011 (lire encadré). Mauvaise situation financière, comportement corporatiste et politique tarifaire excessive diminuent sa marge de manoeuvre pour revoir sa position et son offre. Face à de futurs adversaires comme EasyJet ou Ryanair et à l’intensification de la concurrence de Transavia – qui dessert déjà Tunis, Tozeur, Djerba et Monastir -, la bataille du ciel s’annonce donc difficile pour elle.
Bouffée d’oxygène
Mais avec un tourisme fortement affecté par les turbulences que traverse la Tunisie, l’État ne peut plus protéger Tunisair ; cela reviendrait à sacrifier un secteur pourvoyeur de 7 % du PIB national. Pour les hôteliers, ces accords, très attendus, seraient une bouffée d’oxygène. Ils escomptent avec l’Open Sky environ 20 % de touristes individuels de plus, une catégorie qui procure des recettes par nuitée 30 % supérieures à celles réalisées avec les groupes. Cette manne permettrait de consolider les 400 000 emplois directs et indirects d’un secteur qui cherche à se diversifier et à générer de la plus-value en tablant sur plus de qualité, mais qui reste dépendant de la quantité drainée par les tour-opérateurs.
Des tour-opérateurs dont les acteurs touristiques espèrent s’émanciper. Cependant, Jalel Bouricha, patron du groupe hôtelier Yadis et du réseau d’agences Traveltodo, alerte : « Leur hégémonie va certainement diminuer, mais d’autres acteurs vont imposer leurs diktats, en l’occurrence les agences de voyages en ligne. Les professionnels de l’hôtellerie devraient offrir à la fois l’hébergement et le billet d’avion grâce à des accords avec les compagnies low cost. »
Les professionnels tunisiens sont également partagés sur le bilan de l’ouverture du ciel marocain (en 2004). Bien qu’elle ait contribué à porter de 5,2 à 9,3 millions le nombre de visiteurs dans le royaume entre 2003 et 2011, certains estiment l’expérience peu concluante au vu du repli récent de quelques compagnies low cost. « Le Maroc doit aussi son succès aux moyens importants qu’il consacre à sa promotion », relativise un agent de voyages. D’autres soulignent que l’augmentation du nombre de visiteurs s’est accompagnée d’une réduction de la durée des séjours de 7 à 3 nuitées, sans augmentation significative de revenus. Si l’Open Sky va bénéficier aux passagers et obliger Tunisair à faire sa révolution, reste donc à prouver qu’il est vecteur de relance pour un tourisme qui se cherche.
Déficit structurel
Avec 2,6 millions de passagers sur les huit premiers mois de l’année, Tunisair progresse de 26 % par rapport à la même période en 2011 et prévoit de terminer l’année avec 3,8 millions de clients. Mais ses comptes restent dans le rouge. Les 61,7 millions d’euros de recettes enregistrés sur les sept premiers mois de 2012 sont en grande partie absorbés par 54,7 millions d’euros de charges d’exploitation (dont 24,6 millions pour le carburant). Pas de quoi combler le déficit de 82,1 millions d’euros annoncé pour 2011 par Rabah Jrad, le PDG. Ce déséquilibre est dû à l’intégration, depuis la révolution, des filiales de Tunisair (sans elle, le déficit ne serait que de 69,3 millions d’euros), d’où une augmentation des charges et de la masse salariale (133 millions d’euros). L’entreprise devra faire appel à l’État pour renflouer ses caisses, d’autant qu’elle subit un redressement fiscal évalué à 5,5 millions d’euros. F.D.
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