Casa a le blues
Les résultats des sociétés cotées sont en berne, et le volume des valeurs échangées diminue… Si bien que le marché marocain pourrait perdre son statut de Place émergente.
Bonne nouvelle pour les Places émergentes. L’indice MSCI Emerging Markets, qui mesure leur performance, a progressé de près de 7 % depuis le début de septembre. Les Bourses indienne, thaïlandaise et russe profitent notamment du regain d’intérêt des investisseurs internationaux pour les marchés les plus risqués. Celle de Casablanca, elle, fait du surplace. Pis, le marché marocain a déjà cédé environ 14 % depuis le début de l’année. Au premier semestre 2012, les résultats financiers ont été plutôt mauvais. Au total, huit sociétés ont revu leurs prévisions semestrielles et/ou annuelles nettement à la baisse.
Le groupe diversifié Delta Holding a ainsi annoncé une chute de son chiffre d’affaires semestriel de 20 %. Risma, branche du groupe hôtelier Accor, a enregistré une perte nette sur les six premiers mois de l’année et annonce un exercice 2012 déficitaire, alors que ses prévisions permettaient de tabler sur des bénéfices. « Le contexte économique actuel est défavorable pour bon nombre de sociétés marocaines », souligne Fayçal Allouch, analyste financier chez CFG Group. « Certaines ont beaucoup de mal à améliorer, voire à maintenir leurs performances opérationnelles, poursuit-il. Cela incombe parfois à des facteurs exogènes tels que la flambée du cours des matières premières, ou à l’évolution défavorable des taux de change. La récession économique de certains pays voisins est sans nul doute un facteur aggravant. »
Couperet
Les investisseurs, de leur côté, délaissent de plus en plus une Bourse qui figurait pourtant, l’an dernier encore, parmi les plus dynamiques d’Afrique. « Le volume quotidien a été divisé par trois sur la période 2008-2012, passant de 300 millions à moins de 100 millions de dirhams [de 26,5 millions à 8,9 millions d’euros, NDLR]. Ce niveau d’activité demeure très faible comparé à celui de plusieurs pays de la région », souligne le département de recherche du courtier Attijari Intermédiation. En août, le volume quotidien moyen des échanges a atteint 6 millions d’euros, contre 5 millions à Tunis, qui n’a jamais brillé par la liquidité de son marché.
L’annonce par MSCI du possible déclassement du Maroc dans la catégorie des pays dits « frontières », alors que le royaume est aujourd’hui l’un des rares en Afrique à figurer dans celle des pays émergents, est tombée comme un couperet. La décision, si elle est confirmée, n’entrera en vigueur qu’en 2013, mais déjà la profession s’inquiète. « La perspective d’un déclassement du Maroc est un signal négatif », déplore Attijari Intermédiation. À court terme, les nombreux gérants de fonds émergents, qui calent leurs investissements sur la composition de l’indice, se désengageront en effet du Maroc.
Toutefois, d’autres investisseurs jugent que ce déclassement pourrait au final se révéler positif. C’est le cas de Sébastien Hénin, gérant de portefeuilles sur la région Afrique du Nord et Moyen-Orient chez The National Investor, une banque d’affaires basée à Abou Dhabi : « Selon mes projections, si le Maroc est déclassé, il pourrait représenter entre 6 % et 8 % de l’indice MSCI Frontier Markets [contre 0,1 % de l’indice Emerging Markets], prévoit-il. Un gérant qui suit ces pays pourra donc difficilement ignorer le Maroc dans son allocation d’actifs. En outre, cette catégorie a le vent en poupe depuis 2010 et attire de plus en plus d’actifs sous gestion. Cela pourrait être relativement positif pour le pays. »
Raisonnable
Du côté de la valorisation du marché, les perspectives semblent également meilleures. Longtemps considéré comme beaucoup trop cher, le marché marocain est en effet revenu à des niveaux plus raisonnables… et donc plus attractifs. « Les niveaux élevés de valorisation des trois dernières années n’étaient pas justifiés », constate Kais Kriaa, directeur de la recherche du bureau d’étude tunisien AlphaMena. « En revanche, aux cours actuels, le marché marocain commence à redevenir attractif, en particulier pour les grosses capitalisations comme Maroc Télécom, ajoute-t-il. En effet, le marché s’échange à treize fois les bénéfices attendus en 2012, contre seize fois en 2009, ce qui peut constituer un bon point d’entrée pour les investisseurs. »
Cela suffira-t-il pour sortir le marché marocain du rouge ? « Si nous entrons dans une période de régression des bénéfices, il n’est pas impossible que le marché décroche et se traite à des niveaux encore plus bas », note Sébastien Hénin. « Nous sommes clairement dans un marché baissier, confirme Fayçal Allouch. Nous n’attendons pas de reprise cette année, car aucun catalyseur n’est à l’oeuvre. Il serait optimiste de prédire un rebond au premier semestre 2013. » Du coup, la finance marocaine veut regarder à plus long terme et mise désormais de plus en plus sur le projet de Casablanca Finance City (CFC), dont le but est de faire de la Place un hub régional dans les métiers de la finance et de la Bourse. Dans cette perspective, l’accord de coopération signé le 5 octobre entre CFC et la City de Londres est encourageant.
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