Parcs nationaux : du potentiel en réserve

Alors que s’ouvre la première conférence panafricaine sur la gestion des parcs nationaux, les pays subsahariens francophones veulent enfin tirer profit de leur patrimoine naturel. Avec comme modèles l’est et le sud du continent.

Visite en canoë du parc de Loango, au Gabon. Guenay Ulutuncok/LAIF-REA

Visite en canoë du parc de Loango, au Gabon. Guenay Ulutuncok/LAIF-REA

OLIVIER-CASLIN_2024

Publié le 24 octobre 2012 Lecture : 5 minutes.

Tout un symbole. Nous sommes au salon international du tourisme et du voyage d’affaires Top Resa, en septembre, à Paris. Et lorsque les ministres africains présents insistent sur leur volonté de doper la fréquentation touristique de leur pays en développant les parcs nationaux, c’est dans l’ombre de l’imposant stand de l’Afrique du Sud qu’ils font leurs discours. Devant les affiches vantant la faune « exceptionnelle » du parc Kruger, le Sénégal dévoile un vaste programme de repeuplement de ses réserves, à commencer par le Niokolo-Koba. Le Cameroun, de son côté, promet une enveloppe de 150 millions d’euros pour lutter contre le braconnage, avec l’ambition affichée de « faire de l’écotourisme un produit touristique majeur », selon Bello Bouba Maigari, ministre du Tourisme.

noopener noreferrer" target="_blank" class="jcepopup" type="image">Cliquez sur l'image.Des déclarations qui font sourire les professionnels français, habitués à ces annonces « rarement suivies d’effet », souligne l’un d’eux. Sauf que cette fois « les gouvernements semblent vraiment avoir la volonté de valoriser leurs zones protégées, notamment en Afrique francophone », constate un autre. Que ce soit pour diversifier une offre balnéaire qui s’essouffle (comme au Sénégal), pour relancer un secteur touristique en panne (Côte d’Ivoire) ou pour assurer le développement durable de zones reculées et de leurs populations (Cameroun), tout en tirant parti d’une biodiversité unique et mondialement reconnue (Gabon et RD Congo), le « tourisme de parcs » a aujourd’hui le vent en poupe auprès de nombreux gouvernements d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest.

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Expertise

Une bonne nouvelle pour Lazare Eloundou Assomo, chef de l’unité Afrique à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) : « Aucun développement touristique n’est possible sans volonté politique », assure-t-il. La zone francophone part de loin en la matière, comparée aux pays d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est qui, au fil des dernières décennies, « ont développé une véritable expertise sur ce segment touristique », confirme Olivier Théry, fondateur de Chemins du Globe (aujourd’hui Ushuaïa Voyages), l’un des premiers tour-opérateurs français à avoir promu l’Afrique du Sud dans les années 1980.

En Afrique australe, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le secteur touristique pèse entre 4 % et 8 % du PIB, contre moins de 3 % en Afrique centrale. Il représente à peine 1 % des emplois le long du golfe de Guinée, soit cinq à dix fois moins que sur la côte orientale. Alors que les parcs sud-africains et kényans alignent chaque année des volumes de fréquentation à six chiffres (voir carte) et que les touristes vont en nombre découvrir le patrimoine naturel habilement exploité de la Tanzanie (lire encadré), du Botswana et de la Namibie, ils ne sont que quelques milliers à s’aventurer dans les forêts humides d’Afrique centrale ou dans la savane ouest-africaine.

« Le Niokolo-Koba a attiré jusqu’à 20 000 visiteurs par an, contre moins de 5 000 l’an dernier », constate Souleye Ndiaye, le directeur des parcs sénégalais. Pis, alors que la presse internationale met en avant les bons résultats économiques et le renouvellement permanent des offres touristiques du Kruger, de l’Okavango (Botswana) ou du Serengeti (Tanzanie), elle ne parle que des pressions exercées par les compagnies pétrolières dans le parc des Virunga (RD Congo) ou des massacres d’éléphants dans le nord du Cameroun. « Grâce au tourisme, au Kenya, le poids économique d’un animal est plus important quand celui-ci est vivant que quand il est mort, alors que c’est encore le contraire au Congo ou au Tchad », résume Lazare Eloundou Assomo, de l’Unesco.

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Haut de gamme

C’est justement pour inverser cette tendance que l’OMT organise à Arusha (Tanzanie), du 15 au 18 octobre, la première conférence panafricaine sur la gestion des parcs nationaux. Parmi les principaux instigateurs de l’événement, « le Cameroun, le Gabon, le Burkina Faso et le Sénégal, conscients des retombées économiques que peuvent générer leurs zones protégées », souligne Helder Tomas, directeur adjoint pour l’Afrique à l’OMT. Certaines destinations sont plus dures à valoriser que d’autres, « à commencer par les zones forestières, difficiles d’accès et aux capacités d’accueil forcément limitées », précise Bas Huijbregts, directeur des programmes Afrique au World Wide Fund for Nature (WWF).

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Plus que le tourisme de masse, l’Afrique centrale vise le haut de gamme. Très avancé sur le dossier de l’écotourisme depuis la création de ses treize parcs nationaux en 2002, le Gabon a multiplié par dix son budget de conservation, tout en essayant d’attirer des professionnels qui l’aideront à tirer son offre vers le haut. Après plusieurs essais infructueux, Libreville est peut-être tombé sur la bonne pioche avec le singapourien Aman Resorts, qui a prévu d’investir 160 millions d’euros en deux phases pour la construction d’écolodges dans le parc de Loango d’ici à 2014. Le sud-africain SFM Africa annonce également la construction de lodges pour 25 millions d’euros avant la fin de l’année.

Tanzanie, l’exemple à suivre

« C’est aujourd’hui la destination star », assure Fabrice Dabouineau, directeur Afrique de Voyageurs du monde, l’un des principaux tour-opérateurs français présents sur le continent. Pendant que le Kenya voit pâlir son étoile touristique, celle du voisin tanzanien n’a jamais tant brillé. « C’est un pays où le tourisme a été identifié très tôt comme vecteur de développement », explique Helder Tomas, de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). En termes de fréquentation, la Tanzanie est encore loin de l’Afrique du Sud, du Botswana et du Kenya, mais se classe au troisième rang subsaharien en matière de recettes touristiques. Avec 1,1 milliard d’euros en 2011, le tourisme est, derrière l’agriculture, la deuxième source de revenus du pays, qui annonce avoir sanctuarisé 40 % de sa superficie. Le secteur contribue à hauteur de 17 % au PIB et procure un emploi à près de 7 % de la population. O.C.

« Ces deux projets vont avoir un impact énorme sur la destination et, plus largement, sur l’économie du pays », espère Lee White. Le secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux s’attend à voir passer la fréquentation des zones protégées de 2 000 visiteurs par an à « plus de 20 000, avec d’importantes retombées en termes de devises et d’emplois ». Selon les grilles de l’OMT, chaque touriste dépenserait près de 3 000 euros durant son séjour, tout en créant cinq emplois permanents pour assurer des prestations de très grande qualité.

Partenaire

Le Sénégal aussi cherche le partenaire privé qui lui permettra de relancer son offre sur le Niokolo-Koba, alors que le Cameroun fait état de discussions avancées avec des opérateurs chinois. Reste encore, pour ce dernier, à régler les conflits de compétences entre le ministère du Tourisme et celui des Forêts, « qui brouillent les cartes », regrette un opérateur. Les administrations posent d’ailleurs « de nombreux problèmes qu’il est urgent de résoudre », estime Cosma Wilungula, directeur de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (RD Congo). Au premier rang, la question des visas, « très longs à obtenir et très chers », pointe-t-il.

L’OMT, qui a conduit de nombreuses missions en Afrique centrale ces derniers mois, planche justement sur le sujet dans le cadre des parcs transfrontaliers entre la Guinée et le Sénégal ou entre le Congo, le Cameroun et la Centrafrique. « Les visas limitent les échanges touristiques », confirme Helder Tomas, qui voudrait voir les pays concernés « travailler ensemble pour la mise en place d’un document commun ».

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