La RD Congo affiche ses ambitions agricoles

Objectif de la nouvelle politique agricole congolaise : qu’en cinq ans le secteur propulse à lui seul le pays au rang des émergents. Est-ce réaliste ?

Récolte du thé dans le Kivu. © Van Coolen/Eureka/Slide Reporters/REA

Récolte du thé dans le Kivu. © Van Coolen/Eureka/Slide Reporters/REA

Publié le 18 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

Plus de 135 millions d’hectares de terres arables. Une communauté agropastorale de 14 millions de ménages. Le potentiel agricole du pays est énorme… pour une production ridicule au regard de la taille et des besoins alimentaires de la RD Congo, contrainte d’importer la plus grande partie des denrées de base qu’elle consomme.

Une situation qui va peut-être enfin s’inverser. Pour la première fois depuis plus de vingt ans, une campagne agricole a en effet été lancée, le 27 juillet, à Dumi, dans la ville-province de Kinshasa. « C’est une bonne chose que d’avoir renoué avec cette pratique, souligne Paluku Mivimba, le président de la Confédération nationale des paysans du Congo. C’était autrefois l’occasion d’expliquer aux paysans la politique agricole pour l’année à venir et, parfois, de lancer une nouvelle culture. » Surtout, le gouvernement a décidé de mobiliser 23 millions de dollars (17,8 millions d’euros) sur fonds propres pour cette campagne agricole 2012-2013, auxquels s’ajoutent 10 millions de dollars du Fonds national d’entretien routier (Foner) pour la mise à niveau des dessertes agricoles.

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Techniciens et agronomes du ministère renâclent à s’installer à la campagne.

Campagne

La part la plus importante de ce budget est destinée à la production végétale, animale et halieutique (fourniture gratuite d’engrais, de semences et autres intrants, appui aux producteurs et à leurs organisations), le reste étant affecté à l’entretien de pistes rurales pour désenclaver les zones de production, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de vie des populations rurales, notamment avec l’approvisionnement des villages en eau potable. Un financement conséquent, qui ne représente cependant que 3,7 % du budget de l’État et qui doit être partagé entre toutes les filières du secteur – agriculture, élevage, pêche et pisciculture. Par ailleurs, au moment où il a été annoncé, fin juillet, « la campagne agricole avait déjà commencé dans la plupart des provinces. Pour cette année, ce sont donc surtout le Bas-Congo et le Bandundu qui profiteront des intrants mis à disposition par le gouvernement », regrette Paluku Mivimba.

Plus de souplesse et de complémentarité

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Un consensus a finalement été trouvé pour modifier le très décrié article 16 de la nouvelle loi agricole. Exit la clause qui imposait à tout investisseur étranger d’être minoritaire dans le capital d’une société agricole, dont le promoteur peut être soit une personne physique congolaise, soit une personne morale de droit congolais, pouvant donc s’associer avec des étrangers.

Pour le moment, il n’existe encore aucune entreprise agricole de dimension industrielle détenue par des Congolais. La solution envisagée pour pallier ce manque est de mettre en place des partenariats fondés sur la complémentarité entre grands et petits producteurs : les premiers fournissant un appui technique aux petits exploitants, qui pourraient alors écouler une partie de leur production auprès d’eux et en tirer les moyens nécessaires pour se hisser à un stade semi-industriel. M.D.

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Fonds

Les acteurs du secteur s’inquiètent aussi de ce que les compétences des agronomes et des techniciens du ministère n’ont pas été mises à niveau depuis longtemps, et que ceux-ci renâclent à s’installer dans les campagnes, qui ont pourtant besoin d’aide technique. Enfin, les centres de recherche ne fonctionnant plus, d’où va-t-on importer les semences améliorées ?

Pas de pessimisme pour autant. À condition que le gouvernement harmonise la prochaine campagne avec les grandes lignes de sa politique agricole et avec la nouvelle loi sur l’agriculture, promulguée en décembre 2011 et dont les textes d’application sont en cours d’élaboration, sous la houlette d’une commission ad hoc. Parmi les principales préoccupations, le financement du monde rural, qui ne parvient pas à obtenir de crédits auprès des banques locales.

Si la loi agricole prévoit la mise en place d’un fonds de développement de l’agriculture, alimenté par l’État, par des taxes sur les importations alimentaires et par des apports extérieurs, des questions restent en suspens : comment faire pour que le fonds serve vraiment aux producteurs ? Où sera-t-il logé ? Il s’agit aussi de réduire les taxes, de défiscaliser le carburant, l’eau et l’électricité pour le monde agricole, de favoriser la production nationale avant de viser l’export (qui concerne surtout les investisseurs étrangers) et de sécuriser le foncier, notamment les terres coutumières. « Elles ne sont pas délimitées par un acte juridique, explique Paluku Mivimba. Du coup, elles peuvent être attribuées à un investisseur sans que les communautés puissent les défendre. Il faut compléter l’article 18 de la nouvelle loi agricole. » Un dossier sensible.

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