RD Congo : un petit million de comptes en banques, pour le moment…

Vingt établissements sont présents en RD Congo, soit quatre fois plus qu’en 2005. La concurrence est rude, mais le potentiel de développement immense.

Les leaders étendent leur réseau d’agences (Rawbank, place de la Victoire à Matonge). © Beaudouin Mouanda/JA

Les leaders étendent leur réseau d’agences (Rawbank, place de la Victoire à Matonge). © Beaudouin Mouanda/JA

Publié le 16 octobre 2012 Lecture : 5 minutes.

Fin 2011, le total de bilan du secteur bancaire en RD Congo affichait une croissance annuelle supérieure à 30 %, pour atteindre 2,8 milliards de dollars (2,16 milliards d’euros) d’actifs, soit 23 % du produit intérieur brut (PIB), la moyenne sur le continent étant de 32 %, selon la Banque mondiale. Des chiffres qui illustrent un mouvement de fond. Vingt banques opèrent désormais sur le territoire congolais, contre seulement six en 2005, et le nombre de comptes en banque a fortement augmenté, passant de 30 000 en 2005 à plus de 1 million en 2011, coopératives comprises.

Toutefois, malgré cette impressionnante progression (3 330 %), le potentiel de développement du secteur est bien plus impressionnant encore, dans cet immense pays de quelque 70 millions d’habitants où le taux de bancarisation est encore très faible – de l’ordre de seulement 7 %, d’après Ecobank. Un réservoir de « bancarisables » sans commune mesure en Afrique, estimé à 13 millions de comptes. Avec la naissance d’une classe moyenne et la création de nombreuses PME (notamment dans les activités commerciales) observées ces dernières années, il n’est guère étonnant que les groupes étrangers aient voulu être présents en RD Congo afin de capter cette clientèle en plein essor de « corporate » (entreprises, institutions…) et de particuliers.

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Implantées de longue date, la Banque commerciale du Congo (BCDC), fondée en 1909, Citigroup ou la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (Biac, ex-filiale de Banque internationale pour l’Afrique occidentale) ont donc vu quinze concurrentes lancer leurs activités depuis 2005. Parmi elles, les congolaises Rawbank et Trust Merchant Bank (TMB), ainsi que les grands groupes panafricains et régionaux comme Ecobank, Afriland First Bank (Cameroun), BGFI (Gabon), Standard Bank (Afrique du Sud) et UBA (Nigeria). Ainsi que le montrent le classement et les données recueillies auprès des établissements (voir tableau), les résultats sont inégaux, plusieurs banques essuyant des pertes considérables, en partie inhérentes à leurs coûts de développement. Cependant, selon un banquier de la place kinoise, sur le premier semestre de 2012, « les dépôts ont continué d’augmenter, même si leur rythme est moins soutenu, et les crédits sont aussi en légère hausse ».

Il faut dire que les obstacles sont légion, à commencer par l’alimentation en électricité, défaillante presque partout, qui implique de coûteux équipements en groupes électrogènes ou panneaux solaires (exemple : TMB dépenserait 1 million de dollars par an pour faire tourner ses groupes électrogènes dans les différentes provinces). Résultat, seules quelques banques, comme Rawbank, TMB ou la Banque internationale de crédit (BIC), ont implanté des agences dans les différentes provinces du pays et au-delà des grandes villes.

Garanties

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En avril dernier, quatre mois après la réélection de Joseph Kabila aux commandes, la nomination de l’équipe d’Augustin Matata Ponyo, considérée comme un gouvernement de « technocrates », a redonné confiance aux investisseurs et aux institutions financières. De même que l’adhésion du pays, le 12 septembre, à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), notamment en matière d’arbitrage et de droit des sûretés – garantie accordée à un créancier qui lui permet d’obtenir paiement de sa créance en cas de défaillance du débiteur.

Désormais, les banques qui veulent financer des opérations importantes bénéficient de garanties réelles et personnelles et, en cas de litige, peuvent se référer à la Cour commune de justice et d’arbitrage d’Abidjan. Une assurance de plus pour les opérateurs, sachant que la RD Congo n’est pas signataire de la convention de New York en vertu de laquelle une sentence arbitrale rendue dans un État signataire a force exécutoire dans les autres.

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Cependant, malgré les 6,5 % de croissance économique observés cette année, l’incertitude plane. Elle est d’abord politique, avec une situation de crise aggravée dans le Kivu. « Tous les signes d’une guerre sont là, avec la crainte d’un effet boule de neige au Katanga », confie un investisseur basé à Kinshasa.

L’incertitude est aussi économique. « Le gouvernement a restreint les dépenses pour satisfaire les exigences du Fonds monétaire international mais, du coup, l’argent ne circule plus depuis six mois. Le pays souffre d’un manque de dépenses publiques, avec seulement 1,4 milliard de dollars d’investissements prévus sur les cinq prochaines années… Un montant dérisoire. Pendant ce temps-là, les bailleurs de fonds sont quasi absents », explique un banquier.

Banque mobile : attraction électronique

Compte tenu du manque d’infrastructures, la banque mobile apparaît comme la meilleure solution pour doper le marché.

Le gouvernement d’Augustin Matata Ponyo a récemment décidé de faire appel aux banques pour rémunérer les fonctionnaires. Et si les opérateurs mobiles Tigo et Airtel, qui concouraient contre elles, ont perdu le marché, ils seront indispensables à sa mise en oeuvre. « Il nous est impossible d’ouvrir 20 000 comptes en quelques semaines, admet le patron d’une banque présente sur tout le territoire. Nous sommes entrés temporairement en partenariat avec les opérateurs pour sous-traiter la paie [à travers leurs agents de distribution non bancaires, NDLR], mais nous réfléchissons à notre propre solution. »

En effet, le cadre législatif adopté fin 2011 autorise opérateurs et banques à proposer leurs propres systèmes en concurrence, à la différence de la plupart des pays africains. La banque centrale supervise les activités de monnaie électronique des différents établissements et exige que ces derniers disposent d’un capital social minimum de 2,5 millions de dollars (1,9 million d’euros), limite la taille maximale du portefeuille à 3 000 dollars et les transferts quotidiens à 500 dollars (2 500 par mois maximum).

Pour l’instant, seuls Airtel, filiale de l’indien Bharti, et Tigo, filiale de Millicom (société luxembourgeoise cotée à Stockholm), proposent une solution mobile, mais Vodacom se prépare à lancer le système M-Pesa (« M » pour mobile, pesa signifiant « argent » en swahili).

Universel

Jonathan Johannesen, directeur des services financiers de Tigo en RD Congo, dit viser 1 million d’abonnés à son portefeuille électronique, Tigo Cash, soit un tiers de son parc d’abonnés. Tigo utilise les banques pour loger les fonds et compte la Biac, la BIC, Ecobank et ProCredit parmi ses partenaires. À terme, il souhaite fournir un service universel en permettant de transférer l’argent quelle que soit la plateforme d’origine. De son côté, Airtel s’est associé à Ecobank pour lancer Ecobank Mobile Banking en juillet.

Si la banque mobile apparaît comme une solution évidente pour bancariser le plus grand nombre et permettre des échanges entre des zones très éloignées, certains s’inquiètent de ce que son développement ne se fasse au détriment des agences en dur. Par exemple, il n’y a qu’une seule agence bancaire dans le Maniema, une province de plus de 2 millions d’habitants, or l’activité entrepreneuriale a besoin de fonds plus importants que ce que permettent actuellement les services mobiles. N.T.

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