RD Congo : est-il possible d’améliorer le climat des affaires ?
Priorité du gouvernement d’Augustin Matata Ponyo, l’amélioration de l’environnement des affaires est un chantier pharaonique. Pour espérer en venir à bout, pouvoirs publics, patronat et bailleurs de fonds se mobilisent.
Corruption, tracasseries et incompétence de l’administration, insécurité judiciaire et juridique, surimposition des sociétés formelles, manque de financement et d’énergie… la RD Congo n’en finit pas de figurer dans les derniers rangs des classements annuels de l’indice de perception de la corruption publié par Transparency International ou du rapport « Doing Business » de la Banque mondiale (lire pp. 97-99). Un climat délétère décrié notamment par la Fédération des entreprises du Congo (FEC), et que reconnaît Alexis Mangala, délégué principal du Comité de pilotage pour l’amélioration du climat des affaires et des investissements (CPCAI), une structure rattachée au ministère du Plan.
Il fallait réagir. C’est ainsi qu’à l’initiative du Premier ministre Augustin Matata Ponyo et du CPCAI ont été organisées à Kinshasa, du 27 au 29 août, les Assises nationales du climat des affaires. Outre des chefs d’entreprise et des représentants des pouvoirs publics, elles ont réuni des diplomates et des fonctionnaires de la Banque mondiale. À l’issue de ce forum, quatre pages de recommandations et de mesures ont été adressées au gouvernement. Elles portaient notamment sur les conditions de création d’une entreprise, la mise en place d’un guichet unique, le commerce transfrontalier, l’accès au financement et à l’électricité, les questions fiscales et la protection des investisseurs.
Il faut revoir tout le système, notre économie est désintégrée.
Michel Nsomwe, DG de la Fenapec
Si l’initiative a bien mobilisé le milieu des affaires, des questions, voire des doutes, demeurent. Le pays n’en est pas, en effet, à son premier forum en la matière.
« Le ministère du Plan a piloté pendant un an la commission du climat des affaires en RD Congo. Une autre commission, sous l’égide du ministère de l’Économie, s’était occupée du même problème. Toutes deux ont établi le même diagnostic et formulé les mêmes propositions. Mais rien n’a fondamentalement changé », souligne Michel Nsomwe, le directeur général de la Fédération nationale des artisans, petites et moyennes entreprises congolaises (Fenapec). Une situation liée, selon ce dernier, à la difficulté qu’éprouvent les pouvoirs publics à conceptualiser la réalité économique du pays. « On prend des mesures qui concernent une économie normale, alors que la nôtre est désintégrée et désarticulée. Elle fonctionne sur deux systèmes qui ne partagent aucune synergie. On pense le climat des affaires en fonction des entreprises étrangères, qui dominent notre économie, et non de l’ensemble. Il faut revoir tout le système », martèle-t-il. Un avis partagé par ce chef d’entreprise : « Le climat des affaires est un état d’esprit, pas seulement une question de mesures. Veut-on ou non des investisseurs pour développer ce pays ? Tout part de là. »
Mentalité
Autre problème, la justice. Si l’adhésion de la RD Congo à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada, lire p. 99) est un point positif, elle a ses limites. « Ce sera le recours ultime, et toutes les entreprises, en particulier les petites, ne pourront pas y faire appel. Si l’on n’assainit pas le système judiciaire congolais et si l’on ne combat pas la corruption, le clientélisme et autres abus, rien ne changera sur le fond », affirme un avocat.
Pour la première fois, le climat des affaires mobilise aussi de simples citoyens. Ainsi, un groupe de Congolais a fondé la Ligue pour l’amélioration de l’environnement des affaires en RDC (LAEA), qui revendique une plus grande place des nationaux dans le tissu économique et un changement de mentalité. « Il faut établir une liste des choses à ne plus faire. Et cela concerne tout le monde », assure Me Don DeoGracias Midagu, son président.
Mais c’est promis, tout va s’arranger. « Nous avons la volonté politique de combattre toutes les entraves à l’amélioration du climat des affaires. Le Premier ministre en fait son cheval de bataille. Sur ce plan, d’autres pays ont réussi, pourquoi pas nous ? » s’interroge Mangala.
Privatisations et valses-hésitations
Les modalités du désengagement partiel ou total de l’État des ex-entreprises publiques sont à l’examen. Un dossier sensible.
Après la transformation, en 2008, d’une vingtaine d’entreprises publiques en sociétés commerciales dont les statuts ont été adoptés en décembre 2010, quid du désengagement de l’État ? « Il n’a pas encore commencé. Après le changement juridique, il faut passer à la transformation économique de ces entreprises et arrêter des stratégies de réforme. Le désengagement pourra être partiel ou total. Tout dépend de la nature de l’entreprise, et de l’impact économique et social de ses activités », explique Louise Munga Mesozi, la ministre du Portefeuille. Cap donc sur l’assainissement financier de ces sociétés ainsi que sur la détermination de la propriété de leurs actifs et des activités à privatiser. C’est sur la base des études stratégiques en cours de finalisation que les décisions seront prises.
Pour les entreprises intervenant dans les secteurs de l’énergie et des transports, les stratégies de réforme sont déjà arrêtées. Les options retenues vont du contrat de service avant instauration d’un partenariat public-privé (PPP), pour la Régie de distribution d’eau et la Société nationale d’électricité (Snel), au contrat d’assistance, assuré par Aéroports de Paris International pour la Régie des voies aériennes (RVA), dont les activités seront ensuite séparées en deux entités. La gestion du trafic aérien sera assurée par un établissement public et l’exploitation aéroportuaire relèvera d’un PPP. Pour la Société nationale des chemins de fer du Congo, c’est la mise en oeuvre d’un contrat de gestion, confié à Vectoris, qui a été prévue. Il sera suivi de la concession de l’activité ferroviaire à un opérateur qualifié. La Société commerciale des transports et des ports (ex-Onatra), pour sa part, sera transformée en société de patrimoine, tandis que l’exploitation de ses activités portuaires et ferroviaires sera cédée à des privés.
En revanche, aucune option n’a encore été arrêtée pour les autres entreprises, dont les minières – la Gécamines, la Société minière de Kilo-Moto (ex-Okimo) ou la Cohydro. Autant dire que le désengagement de l’État interpelle plus d’un Congolais. « Quel modèle économique veut-on pour la RDC ? À quand la promulgation de lois libéralisant tel ou tel secteur ? Il faut que le Parlement débatte de ces questions lors de la prochaine législature », martèle un opérateur économique congolais. M.D.
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