Guinée : Louncény Nabé, le monnayeur

Près de deux ans après son entrée en fonction, le gouverneur de la Banque centrale de Guinée (BCRG) Louncény Nabé se dit satisfait. L’inflation a été domptée, la planche à billets remisée et le système bancaire assaini.

Né en 1955, Louncény Nabé a été ministre des Mines en 2008. DR

Né en 1955, Louncény Nabé a été ministre des Mines en 2008. DR

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 19 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

Nommé gouverneur de la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) après l’élection du président Alpha Condé, en novembre 2010, Louncény Nabé savait que la tâche ne serait pas simple. L’institution monétaire a derrière elle une histoire chaotique. Sur les dix dernières années, le franc guinéen, séparé de la zone franc CFA depuis 1960, a connu une dépréciation vertigineuse. En 2002, 2 000 francs guinéens s’échangeaient pour 1 euro environ. Aujourd’hui, ils ne valent qu’à peine plus de 0,20 euro.

ProfilEn l’absence d’une gouvernance adéquate, l’inflation a atteint 39 % en 2006, vers la fin du régime de Lansana Conté. Puis 21 % en 2010, sous la junte. « Quand nous sommes arrivés, il fallait stopper l’hémorragie. L’État faisait fonctionner la planche à billets sans discernement », se souvient le gouverneur, qui a fait l’objet d’accusations de détournement et de menaces de la part de l’ex-chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, en 2009.

la suite après cette publicité

Formé à l’Institut polytechnique de Conakry puis à l’École supérieure des mines d’Ostrava (ex-Tchécoslovaquie), Louncény Nabé, 57 ans, est un pur produit de la BCRG. Entré au sein de l’institution en 1989, il en a gravi tous les échelons après une spécialisation bancaire au centre d’études de l’Agence française de développement (AFD). Originaire de Dabola, dans le centre du pays, ce père de deux enfants a fait l’essentiel de sa carrière dans des fonctions d’audit.

Robinet fermé

Éphémère ministre des Mines d’août à décembre 2008 – jusqu’à la prise de pouvoir de la junte -, il revient à la BCRG en 2009. « Pendant la campagne présidentielle, je me suis prononcé en faveur d’Alpha Condé, mais on ne peut pas dire que je sois un militant très actif », tient à préciser celui qui est aussi proche du ministre de l’Économie, Kerfalla Yansané.

Nous avons bousculé des habitudes dans l’administration. Mais les résultats sont là.

la suite après cette publicité

Depuis son arrivée à la tête de l’institution, ce gouverneur jovial, qui dit apprécier le travail en équipe, ne chôme pas : « En dix-neuf mois, nous avons fermé le robinet des liquidités et assaini le système bancaire en portant le coefficient de réserves obligatoires de 9,5 % à 22 %. Nous avons mis en place un vrai marché interbancaire des changes qui a permis la stabilisation de la monnaie. Et l’inflation a été maîtrisée [12 % en 2012, NDLR] », énumère-t-il, non sans fierté. Parmi les projets en cours, le retrait de la circulation des billets de 10 000 francs guinéens, de mauvaise qualité, imprimés en 2006 et 2010. De nouvelles coupures, mieux protégées contre les faussaires, ont été introduites cet été pour les remplacer.

Nouveaux venus

la suite après cette publicité

Du coup, les relations avec les banques se sont améliorées. En plus des trois premiers établissements du pays – Ecobank, Bicigui (groupe BNP Paribas) et SGBG (groupe Société générale) -, de nouveaux venus se sont installés. « En 2008, il y avait six banques, aujourd’hui elles sont quatorze », constate le gouverneur. Conscient de l’impact qu’auront nécessairement les investissements miniers massifs (près de 12 milliards d’euros d’ici à 2016) sur le taux de change, Louncény Nabé s’entoure d’experts de la Banque mondiale et de Standard Bank pour rendre la BCRG plus réactive.

Après l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), le 26 septembre, qui a permis au pays l’effacement de 1,6 milliard d’euros de dettes, le banquier central affiche sa satisfaction : « C’est vrai, nous avons bousculé des habitudes dans l’administration et parfois retardé les paiements publics. Mais au final, les résultats sont là, nous avons retrouvé la stabilité macroéconomique. Il reste encore énormément à faire, notamment pour appuyer le secteur agricole, mais nous sommes sur la bonne voie. »

À lire également :

La Guinée obtient une réduction de dette de 2,1 milliards de dollars
La Guinée d’Alpha Condé défend son bilan
L’État reprend la main sur l’économie

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires