L’argent des Africains : Saïd, imam au Maroc – 325 euros par mois

Saïd Abou Ali a 41 ans, il est imam de profession et vit avec sa femme et ses enfants dans la ville marocaine de Guelmin aux portes du Sahara. Il gagne 3500 dirhams mensuellement (325 euros). Pour ce quatrième épisode de notre série sur l’argent des Africains, il détaille l’ensemble de ses revenus et de ses dépenses.

Imam devant une mosquée à Fès au Maroc. © Luigi Torreggiani/Flickr

Imam devant une mosquée à Fès au Maroc. © Luigi Torreggiani/Flickr

Publié le 12 août 2015 Lecture : 5 minutes.

« Singulier, le métier d’imam se vit chaque jour différemment. Les enseignements du Coran se succèdent, tandis que la journée de travail est rythmée par les cinq appels à la prière », résume Saïd Abou Ali pour décrire son travail.

Le lever du soleil marque le début de la journée pour l’imam dont la responsabilité est d’accueillir les fidèles à la mosquée et de les guider dans leurs prières.

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Imam de la mosquée Arrahma El Atika, Saïd enseigne également les préceptes du Coran dans ce lieu de culte qui fait aussi office d’école religieuse. Les enfants et les adultes viennent y apprendre les enseignements de l’islam, les sciences islamiques et perfectionner leur langue arabe. Certains d’entre eux deviendront comme Saïd, imam à leur tour.

Deux salaires : 325 euros en tout

En tout, Saïd gagne 3 500 dirhams, soit 325 euros en cumulant deux fonctions rémunérées par l’État. Être l’imam de la mosquée lui rapporte 100 euros. Le reste, c’est-à-dire 225 euros, lui est versé en sa qualité d’enseignant et de superviseur à l’école coranique.

Marié, Saïd s’occupe de sa famille qui compte actuellement sept enfants. Si quatre d’entre-eux sont ses propres fils, trois autres lui sont confiés par des proches de la famille pour qu’il se charge de leur éducation. « Comme je suis imam, on me demande de les accueillir pour une période et d’assurer leur éducation religieuse. J’ai toujours deux ou trois enfants de plus qui s’intègrent à la famille”, explique-t-il. Sa femme, enseignante en sciences islamiques, travaille également à l’école coranique.

Alimentation : plus de 200 euros par mois

Près des deux tiers du salaire de Saïd sont dédiés exclusivement aux dépenses du foyer. Vivant en famille à la mosquée, l’imam ne paye pas de loyer. Par conséquent, l’alimentation est ce qui lui coûte le plus. Il dépense 1 600 dirhams (148 euros) pour nourrir toute la famille.

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Saïd débourse également chaque mois plus de 50 euros dans les repas et les cérémonies qu’il organise chez lui lorsqu’il reçoit des hôtes. « L’imam a un rôle social important, je suis très souvent consulté et les fidèles viennent jusqu’à moi. Au Maroc, nous avons une importante tradition d’hospitalité qui nous coûte cher. » Au final, il consomme pour plus de 200 euros en produits alimentaires.

Militantisme : 30 euros

Saïd se décrit comme un imam militant. Il se bat pour améliorer les conditions d’exercice des imams dans un contexte général de suspicion à l’égard des hommes de foi, même dans un pays musulman comme le Maroc. Mais le militantisme a un prix. Saïd dépense ainsi près de 30 euros par mois pour la location d’une salle de réunion et pour les frais de mise à jour d’un site web qu’il tient avec d’autres imams.

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Ensemble, ils revendiquent notamment l’application du dahir (décret royal) qui régit leur profession. Le document qui leur permettrait de devenir de véritables fonctionnaires a été signé par le roi Mohammed VI depuis un an mais il n’est toujours pas appliqué à ce jour. Or, cette mesure pourrait avoir des répercussions positives sur leurs revenus.

« Avant que l’État n’intervienne dans notre métier, nous vivions de ce que la communauté nous donnait. Finalement nous sommes passés de la charité des fidèles à celle de l’État », déplore Saïd, qui estime que le salaire des imams est insuffisant, en partie parce qu’ils ne sont pas considérés comme des fonctionnaires de l’État bien qu’ils soient rémunérés par ce dernier. Les autres fonctionnaires qui, au Maroc, gagnaient en moyenne 7 250 dirhams par mois (668 euros) en 2013, selon le ministère des Finances.

Éducation des enfants : près de 40 euros

« Il y a encore une dizaine d’années, les élèves des écoles coraniques étaient pour la plupart issus de familles pauvres qui ne pouvaient pas assumer les dépenses de l’école publique », explique l’imam, tout en se référant à sa propre histoire.

Avec un enseignement exclusivement reçu au sein des écoles coraniques, c’est naturellement que Saïd s’est consacré, une fois adulte, à ce métier de foi. « Si je n’ai pas été à l’école publique dans ma jeunesse, je viens d’obtenir à l’âge de 41 ans mon diplôme de baccalauréat », annonce-t-il avec fierté. Sans se l’avouer, il tient là une revanche sur la vie.

Pour ses enfants, il souhaite ce qu’il y a de mieux. Ils vont à l’école publique mais bénéficient à la maison de l’éducation religieuse. L’imam dépense près de 40 euros chaque mois pour leur acheter des livres ou encore payer une connexion internet.

Dépenses de santé : 30 euros

À cela, s’ajoutent les dépenses de santé de l’imam qui peuvent atteindre 300 dirhams par mois (27 euros). « Les enfants tombent souvent malade et il m’arrive aussi d’amener ma mère chez le médecin. Nous avons une couverture maladie mais elle n’est pas suffisante pour couvrir tous les frais. »

Peu de loisirs

Le père de famille consacre également une part de son budget en téléphonie, à hauteur de 18 euros (200 dirhams) par mois, et dépense près de 10 euros pour ses lectures personnelles.

Bien que sa femme dispose de son propre salaire – un soulagement pour la famille -, il ne reste presque rien pour les loisirs. « Je ne donne pas d’argent à mon épouse mais elle utilise son salaire pour ses propres besoins sans participer aux frais du foyer », confie Saïd, qui voit là une situation idéale pour tous les deux.

Zéro épargne

Si la famille de Saïd est hébergée à la mosquée, ce qui ne leur coûte rien, elle ne parvient pas à épargner non plus. « Je n’ai pas les moyens de m’acheter une petite voiture et encore moins de partir en vacances à la plage. »

Concernant les premières nécessités, Saïd estime que sa situation est confortable. Au Maroc, la plupart des familles arrivent à subvenir à leurs premières nécessités, mais dès lors qu’il s’agit d’éducation ou de loisirs, apparaissent d’importantes disparités, fait-il remarquer.

Toutefois, Saïd ne regrette en rien son choix de devenir imam. Bien plus qu’un métier, un véritable rôle social.

Taux de conversion établi à 1 euro pour 10,86 dirhams marocains; le 12 août 2015.

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