La solution berbère

Et si nous en appelions à nos ancêtres numides contre la nébuleuse jihadiste, à la sécularisation et au féminisme des traditions maghrébines millénaires contre l’idéologie wahhabite.

Fawzia Zouria

Publié le 10 août 2015 Lecture : 2 minutes.

Il faut être sacrément motivé pour débarquer à Fès en plein été ! Soleil de plomb, pas une brise marine, et les quelques terrasses de café à l’ombre occupées exclusivement par une clientèle masculine. Mais l’enjeu est de taille : je viens débattre de l’alliance des cultures et des religions pour la paix, une thématique substantielle, un sujet à vous faire supporter l’enfer si vous voulez contrer les théoriciens du choc des cultures et leurs cousins de Daesh.

Me voici à l’ouverture du colloque. La foule est dense. Les personnalités officielles, venues en nombre, sont accueillies comme les rois mages. Je sens une odeur de meeting politique et ne me trompe pas : le Maroc est en période préélectorale. À Fès, les couteaux sont tirés ; entre socialistes et islamistes, le duel risque d’être sanglant… Il tient ses promesses. Et moi qui étais venue parler de paix !

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Remuer le passé au lieu de construire l’avenir

Les officiels partis, nous nous retrouvons devant une salle clairsemée. J’avoue que je suis un peu déçue. J’imaginais une grande affluence et un public décidé à en découdre avec les empêcheurs de dialoguer en rond. J’avais espoir que l’on sortirait de cette rencontre avec des résolutions contre les guerres, un manifeste pour une civilisation commune, quelque chose de constructif, quoi. Venant de Fès en plus, cela aurait eu de la gueule ! La ville qui avait eu l’idée géniale de lancer, via son Festival des musiques sacrées, le concept d’islam tourné vers la spiritualité et débarrassé de tout dogme aurait sorti de son chapeau une deuxième formule destinée à promouvoir la paix.

Bref, à la folie actuelle des Arabes, Fatima Sadiqi opposait la solution berbère

Hélas ! Je suis restée sur ma soif. Ou alors, je n’ai pas tout compris. Il m’a semblé qu’on parlait sans cesse de conflits et de passifs historiques. Un chercheur nous a rappelé doctement les versets qui se rapportent à l’amour du prochain dans le Coran. Et après ? Un autre nous a édifiés sur « le discours colonial », qui aurait perverti notre identité arabe. Et après ? Bref, nous étions en pleine logique de séparation, le doigt accusateur, l’épée à moitié brandie. Et moi qui étais venue parler de paix !

La solution berbère 

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Heureusement qu’elles étaient là, les femmes. Mais oui ! Il faut absolument que je vous ressorte ma devise préférée, et de circonstance en plus : « Quand les femmes feront la guerre, elle s’appellera la paix. » Nous avons parlé de traversée des frontières et d’altérité. D’un patrimoine de tolérance à dépoussiérer. Fatima Sadiqi a mis en exergue les valeurs amazighes, marquées par la laïcité et le respect entre les sexes. Son discours, en apparence académique, formulait un rêve subversif : elle en appelait à nos ancêtres numides contre la nébuleuse jihadiste, à la sécularisation et au féminisme des traditions maghrébines millénaires contre l’idéologie wahhabite. Bref, à la folie actuelle des Arabes, elle opposait la solution berbère.

Mais personne ne semble avoir perçu ce rêve. La chaleur peut-être, la politique, ou simplement un machisme sourd à ce qui n’est pas le bruit des balles. Un machisme incapable de déceler, dans la voix des femmes, le seul discours sérieux qui vaille en ces temps de barbarie.

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