Burundi : qui était (vraiment) Adolphe Nshimirimana ?
Assassiné le 2 août dans un attentat à la roquette à Kamenge, son fief de la capitale burundaise, Adolphe Nshimirimana faisait partie du « groupe de généraux » au cœur du système Nkurunziza.
Avec l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana, « c’est le pouvoir burundais qui a été touché en plein cœur ». Willy Nyamitwe, conseiller en charge de communication à la présidence, l’a affirmé, lundi 3 août, à Jeune Afrique. La veille, près de trois heures après l’attaque à la roquette contre le bras droit du président Pierre Nkurunziza, il avait confirmé sur Twitter la mort de celui qu’il l’appelle son « frère » et son « compagnon de lutte ».
Je viens de perdre un frère, un compagnon de lutte. Triste réalité : Gen. #AdolpheNshimirimana n'est plus de ce monde. #Burundi
— Amb. Willy Nyamitwe (@willynyamitwe) August 2, 2015
« Ami personnel » du chef
Selon Willy Nyamitwe, les deux hommes (Pierre Nkurunziza et Adolphe Nshimirimana) se connaissaient depuis « fin 1993-début 1994 ». « Ils se sont rencontrés pendant la lutte armée », explique-t-il, soulignant qu’Adolphe Nshimirimana a toujours occupé un rang d’officier dans le mouvement. Celui-ci a grandi à Kamenge, dans le nord de la capitale Bujumbura. « Il avait réussi à garder des liens solides avec son quartier », commente Willy Nyamitwe. L’officier y tenait même jusqu’à sa mort un débit de boisson.
Pierre Nkurunziza et Adolphe Nshimirimana étaient des amis, ils jouaient dans le même club de football.
Avec Nkurunziza, les « rapports étaient amicaux », tient à rappeler le conseiller du président. « Ils jouaient au football dans le même club [Alleluia FC] », explique-t-il, soulignant que le chef était très affecté par la disparition de son « ami personnel ».
De la rébellion à la tête de l’armée et des services de sécurité
Pendant la décennie de guerre civile, Adolphe Nshimirimana gravit tous les échelons du commandement militaire de la rébellion. En 2003, lorsque le le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD) réintègre les institutions de la République, il trône à la tête des Forces de défense de la démocratie (FDD), la branche armée du mouvement. Dans la foulée, il est nommé chef d’état-major adjoint de l’armée burundaise.
Très rapidement, Adolphe Nshimirimana prend la tête du Service national de renseignement (SNR). Poste qu’il occupera pendant dix ans. Une décennie de « sales besognes », selon les ONG de défense des droits humains qui le soupçonnent d’être impliqué dans les exécutions extrajudiciaires, des enlèvements, des intimidations et dans plusieurs autres affaires sensibles dont le viol et l’assassinat de trois religieuses italiennes début septembre 2014, dans un couvent de Kamenge, à la périphérie de Bujumbura. Une « campagne de diabolisation », réagit Willy Nyamitwe.
Fin 2014, à quelques mois de la présidentielle, Pierre Nkurunziza décide de remplacer le « général Adolphe » à la tête du SNR. Une disgrâce ? « Non, une redistribution des cartes », affirme-t-on dans l’entourage du chef de l’État. D’autant que Nshimirimana est loin d’être mis sur la touche. Il est rappelé au cabinet du président de la République pour devenir son conseiller principal chargé de mission.
Le vrai chef des Imbonerakure ?
En réalité, l’officier garde toute son influence dans le système Nkurunziza. « Il était un élément important dans le groupe de généraux issus du CNDD-FDD qui ont leur mot à dire dans la gestion de l’État », affirme un membre de la société civile à Bujumbura. « Il est resté fidèle à Nkurunziza », ajoute-t-il.
Lorsque la contestation contre le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza éclate fin avril dans la capitale, le quartier de Kamenge ne bronche pas. L’officier contrôle tout dans son fief. Dans l’ombre, avec notamment le général Alain-Guillaume Bunyuni, ancien chef de police, il organise la riposte. « [Son] bar restaurant, dénommé ‘Iwabo w’abantu’, situé sur la route nationale n°1, à la sortie de Bujumbura, [était] devenu l’état-major de la milice Imbonerakure encadrée par certains hauts gradés de la police et de l’armée », dénonçait à la mi-mai un « appel urgent » signé par des opposants, des membres de la société civile et deux anciens chefs d’État burundais, Sylvestre Ntibantunganya et Domitien Ndayizeye.
Pour ces derniers, les Imbonerakure [les jeunes du CNDD-FDD soupçonnés d’être une milice pro-gouvernementale, NDLR] fonctionnaient « sous le commandement » du « général Adolphe ». Pendant la campagne anti-troisième mandat de Nkurunziza, « en complicité avec les éléments du SNR, cette milice [procédait] abusivement à des interrogatoires et des arrestations arbitraires », si l’on croit à l’appel urgent susmentionné. Une question se pose : comment réagiront désormais les jeunes du parti au pouvoir après l’assassinat de celui qui était présenté comme leur vrai chef ? Tout le Burundi retient son souffle.
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