Qu’est-ce que la zone franc ?

Jeune Afrique répond à une question posée par Onokoko Bandol, habitant de Lubumbashi (Zaïre).

Publié le 28 décembre 1977 Lecture : 6 minutes.

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Zone franc : 40 ans de coopération

Sommaire

La notion de zone monétaire date de la période de · l’immédiat après-guerre, mais ces zones préexistaient en fait avant 1939 et le continent africain était partagé, sur le plan de la monnaie, entre les différentes zones d’influence des anciennes puissances coloniales.

Avant que les Etats aient acquis leur indépendance, la zone franc se caractérisait par un certain nombre de règles : l’unité. de réglementation des changes à l’égard de l’extérieur, la mise en commun des réserves conservées par le fonds français de stabilisation des changes, le contrôle centralisé du commerce extérieur, l’unité de trésorerie et la libre convertibilité des monnaies africaines de la zone en francs métropolitains, à des parités fixes.

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Depuis l’accession à l’indépendance, les relations monétaires au sein de la zone franc ont évolué différemment. D’une part, la Tunisie et le Maroc, après une période au cours de laquelle leurs politiques monétaires étaient coordonnées par le Comité monétaire de la zone franc, créaient, en 1958, leurs monnaies respectives, définies par rapport à l’or, la libre transférabilité disparaissant. De même, dès son indépendance, en 1962, l’Algérie créait son propre institut d’émission et sortait de la zone franc.

D’autre part, les Etats africains subsahariens constituaient deux unions monétaires groupant l’une les Etats de l’Ouest, l’autre ceux du Centre, selon des critères souples permettant la poursuite d’une évolution.

Le franc CFA a été créé le 25 décembre 1945.

Rappelons que le franc CFA a été créé le 25 décembre 1945, à la parité de 1,70 FF, portée à 2 FF en 1948.

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Les déclarations qui ont accompagné l’accord de 1972 avec les pays de l’Afrique centrale et le traité de 1973 avec les gouvernements ouest africains expriment clairement la solidarité interrégionale et franco-africaine : le premier traité évoque la coopération monétaire dans le cadre de la zone franc, fondée sur la garantie illimitée donnée par la France à la monnaie émise par la BCEAC (Banque des Etats de l’Afrique centrale) et sur le dépôt auprès du Trésor français de tout ou partie des réserves des Etats membres.

La convertibilité du franc CFA est illimitée, à la parité de un F CFA pour 0,2 FF, étant précisé que cette parité est susceptible d’être modifiée après concertation entre les Etats signataires et après décision prise à l’unanimité.

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La solidarité est le mot clé de ces deux textes : les Etats de l’UMOA (Union monétaire ouest-africaine) ont déclaré que leur profonde solidarité constitue « l’un des moyens essentiels d’un développement rapide et harmonisé de leurs économies nationales »  ; ils mettent l’accent sur l’engagement d’assistance réciproque en vue du développement des échanges extérieurs, de la recherche de capitaux extérieurs, de l’organisation du marché monétaire et

du marché financier et de la formation da personnel des banques. Enfin, la solidarité interafricaine est susceptible de s’étendre à de nouveaux Etats : les deux unions monétaires sont ouvertes. Ainsi est marqué le caractère régional que les Etats africains de la zone franc entendent donner à leur système monétaire.

En 1955, la part de la France dans les conseils d’administration des banques d’émission était prépondérante, tous les postes de direction étaient occupés par des Français. Maintenant, la France est absente de l’organe de direction de l’UMOA et elle n’a que 2 membres sur 14 au conseil d’administration de la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), dont le gouverneur est africain. A la BcEAC, aucun texte n’impose un directeur général français, même si cela est encore le cas actuellement.

A plus long terme, cette évolution pourrait s’accélérer. Ainsi, l’Association des banques centrales africaines, créée en 1968 par la commission économique des Nations unies pour l’Afrique et qui regroupe la quasi totalité des banques centrales africaines, est un organisme d’études et un centre de réflexion dont la tâche est de rapprocher francophones et anglophones, de promouvoir le commerce interafricain et, à terme, de rechercher l’intégration monétaire et la convertibilité.

De même, au sommet de l’Organisation de l’unité africaine de mai 1973, a été créé le Centre africain d’études monétaires dont le but est de favoriser, entre Etats voisins, des accords de paiement et de clearing : il est à l’origine, par exemple, des accords bilatéraux intervenus entre le Nigeria d’une part, le Ghana et la Sierra Leone d’autre part.

Ces deux organismes participent à une recherche permanente dans Iaquelle on trouve le souci de se démarquer de l’Europe occidentale pour trouver des voies africaines plus spécifiques. Mais, actuellement, les disciplines du commerce international prévalent dans la réglementation des banques centrales et l’organisation du crédit.

L’institut d’émission doit exécuter toute demande de transfert entre les États membres et la France, dans les deux sens et sans aucune limitation.

La BCEAO et la BCEAC sont des banques d’émission qui jouent le même rôle que celles d’autres Etats, même si chacune est commune à plusieurs pays et si leurs relations avec la France sont particulières. C’est ainsi que l’institut d’émission doit exécuter toute demande de transfert entre les Etats membres et la France, dans les deux sens et sans aucune limitation. C’est lui qui souscrit, pour le compte des Etats membres, le quota-or des Etats au Fonds monétaire international (FMI). Il reçoit, comme avoirs extérieurs, les droits de tirage spéciaux (dts) que le FMI alloue aux Etats membres et il procède à l’achat de DTS.

Les transferts entre la zone et les pays extérieurs à la zone s’exécutent en tenant compte de la réglementation des offices nationaux des changes et les transactions sur devises s’effectuent sur le marché des changes à Paris.

Les banques centrales peuvent recevoir, dans un compte ouvert à chaque Etat, les excédents de trésorerie des Etats membres. Elles sont habilitées à consentir au Trésor de chaque Etat membre des découverts en compte courant et à escompter des effets représentatifs de crédits à long terme. Mais ces concours sont limités à des opérations de développement, dans les limites fixées par le conseil d’administration. Leur montant total ne peut excéder, pour chaque Etat, 20 % des recettes fiscales nationales de l’année précédente.

Le rôle primordial des banques d’émission réside dans la définition et la mise en pratique de la politique du crédit : en fonction de la conjoncture, elles peuvent agir par le taux d’escompte, le volume de la circulation fiduciaire, le volume des crédits de réescompte et le contrôle des activités bancaires.

Les relations avec les banques commerciales ne sont pas identiques dans les deux unions monétaires : en Afrique de l’Ouest, un plafond global est attribué aux banques, à l’intérieur duquel des limites sont accordées aux entreprises. En revanche, la BCEAC distingue les opérations à plafond indexé pour les crédits de campagne et les tirages à l’extérieur.

Les crédits à moyen et à long termes occupent une part croissante dans les opérations des banques centrales, soucieuses de faciliter le financement des investissements.

Comme toutes les banques centrales, la BCEAO et la BCEAC contrôlent les activités bancaires et assurent la centralisation des risques bancaires dans chaque Etat membre.

Dans l’océan Indien, depuis le retrait de la République malgache en 1973, il n’y a plus que l’Etat comorien qui appartienne à la zone franc, Mayotte, avec un statut proche de celui de département, utilisant le franc français depuis juillet 1976.

Le Mali est sorti de l’UMOA en 1962 et a créé son propre institut d’émission et sa propre monnaie, le franc malien, qui a perdu la garantie du Trésor français. Mais la détérioration de la conjoncture et le déséquilibre du commerce extérieur conduisirent cet Etat à rentrer dans la zone franc en 1967 : la Banque centrale du Mali fut créée, avec un conseil d’administration paritaire et le franc malien redevenait convertible à l’intérieur de la zone au taux de 0,01 FF.

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